Droit matrimonial - Newsletter octobre 2024
Editée par Bohnet F., Burgat S., Hauser A., Hotz S., Saul M., avec la participation de Dupont A.-S.
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Le Code civil et Code des obligations annoté ne se présente plus. Ouvrage emblématique du droit privé en Suisse romande, il vient de paraître dans sa 12e édition, entièrement revue et actualisée. Comme précédemment, vous pouvez opter entre une version imprimée et une version combinant papier et numérique régulièrement mise à jour.
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Divorce; partage prévoyance; art. 122, 123, 124a,124e, 247 et 251 CC; 22a, 22 et 22b LFLP; 277, 280 et 281 CPC; 30c et 30d LPP
Partage des versements anticipés pour la propriété du logement après la survenance d’un cas de prévoyance – indemnité équitable (art. 124e al. 1 CC). En cas de divorce, le versement d’une indemnité équitable à la partie créancière est prévu par l’art. 124e al. 1 CC si le partage au moyen de la prévoyance professionnelle est impossible. C’est notamment le cas lorsqu’un versement anticipé pour la propriété du logement (art. 30c LPP ; « EPL ») a eu lieu pendant le mariage, et qu’un cas de prévoyance est survenu dans l’intervalle, pour autant que le versement ne puisse pas être pris en compte dans la liquidation du régime matrimonial. Cette dernière condition est notamment réalisée lorsque les conjoint·es sont soumis·es au régime de la séparation de biens, car les fonds de prévoyance investis dans la propriété du logement ne peuvent pas être partagés dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial. Le versement anticipé pour la propriété du logement doit alors être pris en compte par le biais de l’art. 124e al. 1 CC (consid. 4.3 et 4.3.2).
Idem – calcul de la rente supplémentaire hypothétique. L’indemnité équitable selon l’art. 124e al. 1 CC permet notamment de compenser le fait que la rente de vieillesse à partager est moins élevée en raison du fait que le capital d’épargne versé à titre de versement anticipé est sorti du circuit de la prévoyance à la suite de la survenance du cas de prévoyance. Afin de fixer cette indemnité, il convient de déterminer quelle rente supplémentaire aurait été générée par le capital de prévoyance versé de manière anticipée si le divorce avait eu lieu avant la survenance du cas de prévoyance. Dans cette hypothèse, l’art. 30c al. 6 LPP prévoit que le versement anticipé doit être considéré comme une prestation de libre passage et doit être partagé conformément aux art. 123 CC, 280 et 281 CPC, ainsi que 22 à 22b LFLP. Le versement anticipé pour la propriété du logement ne rapporte pas d’intérêts. En effet, la règle de répartition proportionnelle de la perte d’intérêts (art. 22a al. 3 LFLP) implique que le versement anticipé pour la propriété du logement n’est pris en compte que dans son montant nominal, et n’est en conséquence pas actualisé lors du divorce. Le montant nominal du versement anticipé est ainsi déterminant pour la fixation de l’indemnité équitable de l’art. 124e CC (consid. 4.3.3).
Idem – capitalisation de la rente supplémentaire hypothétique. Il convient de déterminer la valeur capitalisée de la rente supplémentaire à la date déterminante pour le partage. La différence entre cette valeur et le montant du versement anticipé ne concernant que la période antérieure à la dissolution du mariage, elle demeure dans le patrimoine du preneur ou de la preneuse de prévoyance. La moitié de la valeur capitalisée de la rente constitue le point de départ pour la fixation de l’indemnité équitable de l’art. 124e CC (consid. 4.3.4).
Idem – moment déterminant pour la capitalisation. Le moment déterminant pour le partage de la rente (art. 124a CC) – c’est-à-dire le moment où la partie créancière reçoit sa part de la rente alors que celle de la partie débitrice est diminuée en conséquence – correspond à la date d’entrée en force du jugement de divorce. Cette date est également le moment déterminant pour la capitalisation de la rente supplémentaire (hypothétique) de vieillesse (consid. 4.3.5).
Idem – pondération du montant. Le montant qui serait dû à la partie créancière en cas de partage par moitié de la valeur capitalisée de la rente hypothétique doit finalement être pondéré en prenant en considération les besoins de prévoyance et la situation économique après le divorce (consid. 4.3.6).
Etablissement des faits en appel (art. 277 al. 3 CPC) – rappel des principes. L’obligation du tribunal d’établir les faits d’office (art. 277 al. 3 CPC) ne s’applique pas en procédure d’appel concernant les questions relatives à la prévoyance professionnelle (consid. 4.4.2).
Professeure ordinaire à l'Université de Neuchâtel. Chaire de droit de la sécurité sociale. Avocate spécialiste FSA responsabilité civile et droit des assurances
Mesures protectrices; couple; entretien; liquidation du régime matrimonial; art. 170, 178 et 208 CC; 292 CP
Droit aux renseignements (art. 170 CC). Le droit aux renseignements (art. 170 CC) constitue un droit matériel que le ou la conjoint·e peut faire valoir à titre préjudiciel, dans sa demande en divorce, à l’appui d’une prétention au fond, ou dans sa requête de mesures protectrices ou de mesures provisionnelles, mais également à titre principal, dans une procédure indépendante. Le tribunal peut imposer le devoir de renseigner si la partie qui le requiert rend vraisemblable l’existence d’un intérêt digne de protection. Un intérêt digne de protection existe notamment lorsque des considérations tenant à l’entretien ou au partage du patrimoine peuvent être invoquées. Le droit aux renseignements n’est ainsi pas illimité, mais sujet à une pesée des intérêts, conformément au principe de la proportionnalité (consid. 3.2).
Restriction du pouvoir de disposer (art. 178 CC). L’art. 178 CC vise à éviter qu’en procédant à des actes de disposition volontaires, un·e conjoint·e se retrouve dans l’impossibilité de s’acquitter de ses obligations pécuniaires à l’égard l’autre conjoint·e. Le tribunal peut ainsi restreindre le pouvoir d’un·e conjoint·e de disposer d’une partie de ses biens sans le consentement de l’autre (al. 1) et ordonner les mesures de sûreté appropriées (al. 2). Afin de requérir ces mesures, l’existence d’une mise en danger sérieuse et actuelle doit être rendue vraisemblable, sur la base d’indices objectifs. Le principe de proportionnalité s’appliquant aux mesures de suretés de l’art. 178 CC, elles doivent notamment être nécessaires par rapport au but visé, soit la sauvegarde des intérêts de la partie requérante, par exemple assurer l’exécution d’une obligation pécuniaire résultant de la liquidation du régime matrimonial. Une mesure ne peut pas bloquer l’entier du patrimoine de l’un·e des conjoint·es (consid. 4.2).
Mesures protectrices; étranger; DIP; art. 1er, 25, 27 et 65 LDIP; 57 et 138 CPC
MPUC – compétence internationale. Lorsqu’une procédure de divorce a déjà été introduite à l’étranger, mais qu’il apparaît d’emblée que le jugement de divorce étranger ne peut pas être reconnu en Suisse, les tribunaux suisses demeurent compétents pour statuer sur des mesures protectrices de l’union conjugale (consid. 2.1).
Reconnaissance d’un jugement de divorce étranger – rappel des principes. La LDIP est applicable à la reconnaissance d’un jugement de divorce étranger, si aucun traité international ne trouve application. L’art. 65 al. 2 LDIP régit la reconnaissance en Suisse des jugements de divorce rendus dans un État dont aucune des parties, ou seulement la partie demanderesse, est ressortissante. L’art. 65 LDIP doit être lu en lien avec les art. 25 ss LDIP. L’art. 27 LDIP prévoit les motifs conduisant à refuser la reconnaissance d’une décision étrangère, notamment l’incompatibilité avec l’ordre public suisse (al. 1) (consid. 2.1). En l’espèce, la convocation à l’audience par SMS a été considérée comme irrégulière selon le droit suisse, qui n’admet que les significations par voie postale (voir art. 138 CPC). La reconnaissance du jugement de divorce étranger a dû ainsi être refusée (art. 27 al. 2 let. a LDIP) (consid. 2.3 ss).
TF 5A_538/2024 (d) du 12 septembre 2024 - Mesures protectrices, garde des enfants, procédure. En cas de volonté de départ à l’étranger d’un des parents, sa liberté d’établissement doit être respectée. Rappel des critères d’attribution de la garde dans cette hypothèse. Si les enfants sont jeunes et donc plus lié·es à la personne qui s’en occupe qu’à leur environnement, la continuité du mode de prise en charge l’emporte en principe.
TF 5A_447/2023 (f) du 16 juillet 2024 - Mesures protectrices, garde des enfants, entretien, revenu hypothétique. Les lignes directrices concernant les paliers scolaires ne sont pas des règles strictes et leur application dépend du cas concret. En l’espèce, aucun revenu hypothétique admis, car statu quo préférable pour les enfants, tous deux souffrant de TDAH. La contribution de prise en charge doit toujours être limitée au minimum vital du droit de la famille, même si la situation est plus favorable que la moyenne. L’effet rétroactif des contributions d’entretien ne se justifie que si l’entretien dû n’a pas été assumé en nature ou en espèces, ou dès qu’il a cessé de l’être.
Divorce; étranger; DIP; avis débiteur; art. 30 LP; 302 CPC; 133, 277 et 291 CC; 25, 27 à 29 LDIP
Avis aux débiteurs (art. 291 CC) – rappels. L’avis aux débiteurs de l’art. 291 CC constitue une mesure d’exécution forcée privilégiée sui generis visant à assurer à l’ayant droit le versement des contributions d’entretien qui lui sont dues. La procédure sommaire s’applique (art. 302 al. 1 let. c CPC). En tant que mesure d’exécution forcée, l’avis aux débiteurs suppose d'être au bénéfice d’un titre ouvrant la voie d’une mainlevée selon les conditions de l’art. 80 LP (consid. 4.1 et 4.2). En l’espèce, la contribution d’entretien étant établie par référence au salaire minimum brésilien, fixé à intervalles réguliers par le pouvoir exécutif, le jugement brésilien répond aux exigences de clarté et de précision d’un titre de mainlevée (consid. 7.2).
Idem – reconnaissance et exequatur d’un jugement étranger. A titre incident, la reconnaissance et le caractère exécutoire de la décision étrangère sont examinés par le tribunal dans le cadre de la procédure d’avis aux débiteurs (art. 29 al. 3 LDIP), sauf si la décision a déjà fait l’objet d’une procédure d’exequatur indépendante (art. 81 al. 3 in fine LP). La LDIP régit seulement l’exequatur : l’art. 28 LDIP ne porte que sur les conditions devant être réunies afin qu’une procédure d’exécution puisse être engagée. Cette dernière est en revanche régie par le droit suisse (art. 291 CC et 80 s. LP) (consid. 5.1.1).
Lorsque les conditions de la reconnaissance sont réunies (art. 25 LDIP), la décision étrangère peut être déclarée exécutoire (art. 28 LDIP), si son contenu est susceptible d’exécution. A défaut, la requête d’exequatur ne peut pas être admise. Néanmoins, tout manque de clarté ou dérogation à des conceptions nationales ne doit pas amener à refuser la requête. Etant donné son pouvoir d’examen plus étendu s’agissant de déterminer le caractère exécutoire d’une décision étrangère, le tribunal de l’exécution peut interpréter et concrétiser le dispositif de la décision, si les critères à cet effet peuvent être déduits du droit applicable ou de circonstances similaires accessibles et constatables avec certitude sur le territoire national. En revanche, le contenu de la décision ne saurait être modifié. Dans le cadre d’une procédure d’avis aux débiteurs, le tribunal n’est pas tenu de rechercher d’office le contenu du droit étranger. L’art. 16 al. 1, 1ère phr., LDIP ne s’appliquant pas, c’est la partie créancière qui doit ainsi l’établir, dans la mesure où l’on peut raisonnablement l’exiger d’elle. A défaut, le tribunal doit refuser l’exequatur et rejeter la requête d’avis aux débiteurs (consid. 5.1.2.2). La reconnaissance et l’exequatur prononcés à titre incident ne faisant pas partie du dispositif du jugement, ils ne revêtent pas l’autorité de la force jugée (consid. 5.1.2.3).
Idem – réserve de l’ordre public. Rappel des principes (consid. 6.2). En l’espèce, la fluctuation de la contribution d’entretien par rapport au salaire minimum brésilien a été jugée ne pas heurter l’ordre juridique suisse (consid. 6.3).
Idem – enfant majeur·e et Prozessstandschaft. La figure de la Prozessstandschaft s’applique à tous les intérêts patrimoniaux de l’enfant, notamment à l’exécution des contributions d’entretien dues à l’enfant. Le parent gardien dont l’autorité parentale a pris fin au cours de la procédure a ainsi le droit de réclamer les contributions d’entretien futures dues à l’enfant majeur·e et le droit de faire exécuter ces montants (consid. 8.1.1).
Idem – entretien de l’enfant majeur·e. Un jugement constitue un titre de mainlevée définitive pour les contributions d’entretien dues à l’enfant majeur·e, uniquement si le paiement de l’entretien après la majorité est ordonné expressément et que son montant est déterminé. En l’espèce néanmoins, en raison de la présomption du droit brésilien selon laquelle l’enfant devenu·e majeur·e qui poursuit ses études ne peut pas pourvoir à son entretien, le jugement constitue un titre de mainlevée également concernant les contributions dues à l’enfant majeur (consid. 8.2.2).
Divorce; autorité parentale; art. 296 al. 1 et 317 al. 1 CPC; 29 al. 2 Cst.
Représentation de l’enfant devant le Tribunal fédéral – rappel. La LTF ne prévoit aucune base légale relative à la désignation d’un·e représentant·e de l’enfant dans le cadre d’une procédure devant le Tribunal fédéral. Un·e représentant·e désigné·e dans la procédure cantonale peut continuer à exercer sa fonction devant le Tribunal fédéral si cela est nécessaire, et doit être indemnisé·e en conséquence (consid. 1.2).
Autorité parentale – maxime inquisitoire illimitée (art. 296 al. 1 CPC). Rappel des principes. Lorsqu’il doit juger de questions relatives aux enfants, le tribunal établit les faits d’office (art. 296 al. 1 CPC). Conformément à la maxime inquisitoire illimitée, s’appliquant également devant l’instance d’appel, le tribunal a l’obligation de relever et de prendre en compte tous les faits déterminants et les circonstances juridiquement importantes qui apparaissent en cours de procédure, même si les parties ne s’y réfèrent pas (consid. 5.1).
Idem – circonstances déterminantes. Le tribunal doit statuer en se basant sur les circonstances actuelles. Lorsqu’une affaire fait l’objet d’un renvoi à l’autorité cantonale par le Tribunal fédéral, cette dernière doit actualiser les faits sur lesquels elle se base avant de rendre une nouvelle décision. Elle doit à tout le moins examiner (brièvement) si des changements importants sont intervenus. En se renseignant auprès des parties sur de tels changements, l’instance cantonale, d’une part, s’acquitte de son obligation d’actualiser les faits et, d’autre part, elle respecte le droit des parties d’être entendues (art. 29 al. 2 Cst.) (consid. 5.1).
Idem – novas. Le Tribunal fédéral, les instances cantonales et les parties sont liées par l’état de fait sur lequel se base la décision de renvoi, sous réserve de novas admissibles. L’art. 296 al. 1 CPC permet de prendre en compte ces dernières, indépendamment des restrictions de l’art. 317 al. 1 CPC, et ainsi de procéder à l’actualisation des faits exigée par la maxime inquisitoire illimitée (consid. 5.3).
TF 5A_625/2023 (d) du 07 août 2024 - Divorce, audition d’enfant, garde des enfants, entretien. Rappel des critères selon lesquels le tribunal peut renoncer à auditionner l’enfant. L’audition par le tribunal et celle par une tierce personne mandatée sont mises au même niveau selon l’art. 298 al. 1 CPC. Le choix de la personne qui auditionnera l’enfant relève donc en principe du pouvoir d’appréciation du tribunal (art. 4 CC). Une garde alternée ne présuppose pas une répartition des parts de prise en charge exactement par moitié. L’intérêt de l’enfant prime sur une stricte égalité de traitement des parents.
TF 5A_592/2023 (f) du 19 juillet 2024 - Divorce, procédure, mesures provisionnelles. Rappel des principes. Application par analogie des règles relatives à la modification des MPUC en cas de changement pendant une procédure de divorce (art. 179 al. 1 CC et 276 CPC). La modification des mesures suppose un changement significatif et non temporaire des circonstances. Une procédure de modification a pour objectif d’adapter le jugement aux circonstances nouvelles et non de le corriger.
TF 5A_525/2023 (d) du 28 août 2024 - Divorce, entretien, procédure, mesures provisionnelles. Modification des MPUC. Rappel des critères justifiant une modification (art. 179 CC et 276 CPC).
Modification de jugement de divorce; entretien; art. 111, 112, 125, 134, 163, 277, 278 et 286 CC; 279 CPC
Modification de la contribution d’entretien de l’enfant. Rappel des principes. Le tribunal modifie ou supprime la contribution d’entretien à la demande d’un parent ou de l’enfant, en cas de changement notable de situation (art. 286 al. 2 CC, cum art. 134 al. 2 CC). Une action en modification vise à adapter un jugement définitif au changement des circonstances à la suite d’une modification notable ultérieure de la situation. Ne constituent pas un motif de modification les changements prévisibles qui ont été pris en compte à l’avance dans le cadre de la fixation de la contribution d’entretien. En revanche, toutes les circonstances importantes s’agissant du calcul des contributions entrent en ligne de compte en tant que motifs de modification, par exemple la naissance d’un·e nouvel·le enfant du parent débiteur. Un changement notable de la situation n’entraîne une modification de la contribution d’entretien que si celle-ci peut engendrer un déséquilibre intolérable entre les personnes impliquées. Une pesée des intérêts des parents et des enfants doit être effectuée afin d’évaluer cette condition (consid. 4.3.1). En l’espèce, la naissance d’un·e nouvel·le enfant du parent créancier constituant un motif de modification de la contribution d’entretien, la contribution de prise en charge est réduite (consid. 4.4.1).
Idem – augmentation du revenu du parent gardien. La pesée des intérêts précitée n’est pas nécessaire dans la mesure où seule la contribution de prise en charge est concernée, en raison de la finalité particulière de celle-ci. Dans le cadre d’une modification de la contribution, l’attribution à l’enfant du montant de la contribution de prise en charge libérée à la suite de l’augmentation du revenu du parent gardien ne se justifie pas. Il en va autrement des postes de l’entretien qui couvrent les coûts directs de l’enfant. Une amélioration de la position de l’enfant adaptée aux circonstances du cas d’espèce est ainsi possible (consid. 4.3.2).
Idem – convention d’entretien. Lorsque les parties ont réglé conventionnellement une situation de fait incertaine, cela ne donne en principe pas lieu à une adaptation au changement notable de circonstances (caput controversum) (consid. 4.3.3). En l’espèce, rien n’indique que la convention sur les effets du divorce visait à régler une incertitude quant à la naissance d’autres enfants des parties (consid. 4.4.1).
Idem – naissance d’un·e nouvel·le enfant et remariage. Etat des lieux des discussions et critiques de la doctrine s’agissant des arrêts du TF rendus au sujet de la répartition de la contribution de prise en charge à la suite de la naissance d’un·e autre enfant du parent créancier de l’entretien, ainsi qu’au sujet des répercussions du mariage du parent gardien sur le droit à l’entretien de l’enfant (consid. 4.3.4 et 4.3.5).
Idem – durée de l’entretien de l’enfant. Le principe du « clean-break » ne s’applique pas à l’entretien de l’enfant, l’obligation d’entretien étant due indépendamment de l’état civil des parents, jusqu’à la majorité, voire au-delà à certaines conditions (art. 277 al. 1 et 2 CC) (consid. 4.4.1).
TF 5A_506/2023 (f) du 21 août 2024 - Modification de jugement de divorce, entretien. L’art. 286 al. 2 CC, applicable par renvoi de l’art. 134 al. 2 CC règle la modification ou la suppression de la contribution d’entretien de l’enfant prévue par le jugement de divorce.
Couple non marié; entretien; art. 285 et 296 CC; 296 CPC; 4 et 9 Cst.
Entretien des enfants – calcul du minimum vital du droit de la famille – amortissement d’une dette. Si les moyens financiers des conjoint·es le permettent, l’amortissement d’une dette peut être comptabilisé dans le calcul du minimum vital du droit de la famille pour autant que des paiements pour amortir la dette aient déjà été effectués régulièrement avant la fin de la vie commune et que la dette ait été contractée pour le bénéfice de la famille, décidée en commun ou que les conjoint·es en sont débiteur·rices solidaires. Ces conditions tirées de la jurisprudence en matière d’entretien de l’enfant de parents mariés sont applicables par analogie à l’entretien de l’enfant de parents non mariés. En l’espèce, le remboursement de la dette n’a pas été pris en compte, car elle a été contractée uniquement pour régler les arriérés d’assurance-maladie du parent débiteur de l’entretien (consid. 4.2).
Idem – détermination de la contribution due. Rappel des principes. La répartition des besoins non couverts des enfants entre les parents s’effectue en fonction de la capacité contributive de ces derniers. L’entretien en nature doit être pris en considération. En principe, lorsqu’un parent ne prend pas – ou très peu – en charge l’enfant, il doit subvenir à son entretien financier s’il dispose d’une capacité contributive correspondante (art. 285 al. 1 CC). Néanmoins, le parent qui prend en charge l’enfant, s’il est le mieux placé économiquement, peut également devoir s’acquitter de l’entretien pécunier de l’enfant (consid. 5.3.1).
Idem – égalité de traitement entre les enfants. Rappel des principes. Le respect du principe de l’égalité de traitement entre les enfants qui demandent une contribution d’entretien, n’exclut pas que des montants différents soient alloués. Les enfants d’un même parent débiteur, né·es du même lit ou non, doivent être traité·es de manière semblable sur le plan financier, proportionnellement à leurs besoins objectifs. Ce principe ne doit pas pouvoir être invoqué par le parent débiteur afin de réduire une contribution d’entretien dont il peut s’acquitter. En revanche, si ses ressources financières sont insuffisantes, les contributions des enfants créancier·ères doivent être réduites de manière égale (consid. 5.3.2).
Idem – maxime inquisitoire illimitée. Le tribunal établit les faits d’office dans les procédures applicables aux enfants en matière de droit de la famille (art. 296 al. 1 CPC). Lorsque, dans le cadre d’une demande d’aliments, une harmonisation des obligations d’entretien entre les enfants d’un même parent débiteur de l’entretien est rendue nécessaire, la situation économique des ménages où vivent les enfants, même n’étant pas partie à la procédure, doit être clarifiée d’office par le tribunal. En l’espèce, l’absence d’établissement complet des besoins du second enfant du débiteur de l’entretien et de la situation personnelle et financière de sa mère, contrevient à la maxime inquisitoire illimitée (consid. 5.3.3 et 5.4).
Couple non marié; entretien; art. 285 et 286 CC
Entretien – dépenses liées au véhicule privé. Les dépenses relatives à un véhicule privé doivent être prises en compte dans le calcul des besoins si ce véhicule a la qualité d’objet de stricte nécessité. Établir si un véhicule est nécessaire à l’exercice de sa profession est une question de fait, alors que déterminer si la durée du trajet effectué en transports publics semble raisonnablement exigible ou si elle justifie le caractère nécessaire d’un véhicule privé est une question de droit (consid. 3.3.1).
Idem – excédent. Il est possible de s’écarter du principe de la répartition de l’excédent par grandes et petites têtes dans des cas dûment justifiés, en tenant compte des particularités du cas d’espèce. S’agissant d’enfants de parents non mariés, l’excédent est uniquement réparti entre le parent débiteur et les enfants (consid. 4.1). En principe, le montant de l’entretien de l’enfant n’est pas limité par le niveau de vie que ses parents avaient avant leur séparation si, après cette dernière, la situation financière du parent débiteur s’améliore (consid. 4.4.2). Le parent gardien non marié avec le second parent n’a pas droit à une participation au niveau de vie de ce dernier par le biais de la part de l’enfant à l’excédent (consid. 4.6.3). Néanmoins, l’enfant ayant le droit de participer au niveau de vie du parent débiteur de l’entretien (art. 285 al. 1 CC), il ou elle ne doit pas se voir attribuer une contribution d’entretien plus faible uniquement en raison de la situation économique plus modeste du parent gardien (consid. 4.6.4).
Idem – contributions d’entretien après la majorité. Une contribution d’entretien de l’enfant peut être fixée au-delà de sa majorité, et ce, même si l’enfant est encore très jeune et indépendamment de l’état civil de ses parents, afin d’épargner à l’enfant devenu·e majeur·e la charge psychique d’une action en justice contre l’un de ses parents (consid. 5.1).
Couple non marié; entretien; procédure; art. 51 et 74 LTF; 91 CPC; 80 et 81 LP
Entretien – procédure de mainlevée et valeur litigieuse. Un recours en matière civile dans une affaire pécuniaire, telle qu’une procédure de mainlevée, n’est recevable que si la valeur litigieuse est au minimum de CHF 30'000.- (art. 74 al. 1 let. b LTF) (consid. 1.2). En procédure cantonale, les conclusions déterminent la valeur litigieuse, les intérêts et frais de procédure n’étant pas pris en compte (art. 91 al. 1 CPC). Dans une procédure de mainlevée, la valeur litigieuse correspond ainsi au montant faisant l’objet de la requête de mainlevée. Si la somme correspondante est demeurée litigieuse devant l’instance précédente, elle est également déterminante pour la valeur litigieuse devant le Tribunal fédéral (art. 51 al. 1 let. a LTF) (consid. 1.2.2).
Idem – créances futures. Seules les créances exigibles au moment de la notification du commandement de payer pouvant faire l’objet d’une poursuite, les créances alimentaires futures ne peuvent pas être couvertes par la requête de mainlevée. Cela signifie que, dans une procédure de mainlevée, seul le montant des contributions d’entretien déjà échues est pris en considération, une capitalisation au sens de l’art. 51 al. 4 LTF n’étant pas possible. En tant que procédure d’exécution, le jugement de mainlevée ne porte pas sur l’existence matérielle d’une créance et n’a ainsi pas d’effet juridique sur l’existence ou l’exécution d’éventuelles contributions d’entretien futures (consid. 1.2.3).
Idem – question juridique de principe. Rappel des principes. Il doit s'agir d'une question juridique dont la décision peut être déterminante pour la pratique et qui, par son importance, appelle une clarification par la plus haute juridiction. Le simple fait que la question juridique soulevée n'ait jamais été tranchée ne suffit pas (consid. 1.3.1).
Entretien de l’enfant majeur·e – titre de mainlevée. Les conventions relatives à l’entretien, approuvées par l’autorité de protection de l’enfant compétente, revêtent la qualité de titres de mainlevée définitive au sens de l’art. 80 al. 2 ch. 2 LP. Un jugement ou une convention d’entretien qui ordonne expressément le paiement de contributions d’entretien allant au-delà de la majorité de l’enfant, constitue un titre de mainlevée définitive, si le montant et la durée des contributions d’entretien dues sont déterminés (consid. 3.2 et 3.3).
Idem – condition résolutoire. La partie débitrice doit prouver que sa dette est éteinte (art. 81 al. 1 LP). En présence d’une créance assortie d’une condition résolutoire, elle peut objecter que cette condition s’est réalisée. En revanche, si la condition est suspensive, la partie créancière doit prouver que cette dernière s’est réalisée. Une contribution d’entretien devant être acquittée au-delà de la majorité, jusqu’à la fin de la formation professionnelle, comporte une condition résolutoire. La mainlevée définitive doit ainsi en principe être admise, à moins que la partie débitrice de l’entretien ne prouve de manière indubitable la réalisation de la condition résolutoire (consid. 3.4).
Idem – interprétation de la condition résolutoire. Le tribunal de la mainlevée ne dispose pas d’un pouvoir de cognition lui permettant d’interpréter la condition de la formation appropriée. S’agissant d’une obligation d’entretien au-delà de la majorité, s’il n’est pas possible de déterminer avec certitude ce que le tribunal jugeant au fond a voulu, la mainlevée doit être refusée. Dans le cas d’une convention des parties, si celle-ci nécessite une interprétation selon l’art. 18 CO afin de déterminer son contenu, la mainlevée définitive doit être refusée faute de précision suffisante (consid. 3.6 et 3.8). En l’espèce, une interprétation étant nécessaire afin de déterminer si l’obligation d’entretien était comprise comme se poursuivant également après la formation de CFC de l’enfant, la mainlevée doit être refusée (consid. 3.9).
TF 5A_354/2023, 5A_396/2023 (f) du 29 août 2024 - Couple non marié, étranger, DIP, entretien, procédure. Modification ou suppression de la contribution d’entretien de l’enfant né·e hors mariage (art. 286 al. 2 CC). Rappel des principes. Dans le cadre du calcul du minimum vital LP, l’amortissement de la dette hypothécaire n’est en principe pas pris en considération, sauf si la situation financière le permet, contrairement aux intérêts hypothécaires qui sont généralement pris en compte. Les mensualités de leasing d’un véhicule ayant un caractère de stricte nécessité font intégralement partie du minimum vital.
TF 6B_49/2022 (d) du 28 août 2024 - Couple non marié, autorité parentale. L’expulsion du territoire du parent qui a l’autorité parentale et la garde exclusive implique que l’enfant doit de facto également quitter la Suisse. En l’espèce, le bien de l’enfant prime sur l’intérêt public à l’expulsion hors du territoire de la mère.
TF 5A_894/2023 (d) du 28 août 2024 - Couple non marié, garde des enfants, procédure. Le principe de l’interdiction de formuler de nouvelles conclusions devant le Tribunal fédéral vaut également pour les procédures relatives aux enfants, la maxime d’office ne s’appliquant pas en procédure fédérale.
TF 5A_501/2024 (d) du 03 septembre 2024 - Couple non marié, garde des enfants, procédure, mesures provisionnelles. Effet suspensif. Principe du statu quo s’agissant de la garde pendant une procédure de recours afin de ne pas préjuger de la décision au fond. Néanmoins, si le bien de l’enfant l’exige, le changement du mode de garde doit être effectué et l’effet suspensif refusé.
TF 5A_844/2023 (f) du 16 juillet 2024 - Couple non marié, droit de visite. Conformément au principe de la proportionnalité et au sens des relations personnelles, le droit à ces dernières ne peut pas être supprimé si le préjudice engendré pour l’enfant par les relations personnelles peut être limité par le recours à un droit de visite surveillé ou accompagné.
TF 5A_120/2024 (d) du 19 août 2024 - Couple non marié, protection de l’enfant, procédure. Devant l’APEA, les dispositions de la procédure civile s’appliquent, si les cantons n’en disposent pas autrement (art. 450f CC). Dans le canton de Berne, la procédure devant l’APEA est réglée aux art. 44 ss LPEA/BE et par la LPJA/BE (par renvoi de l’art. 72 LPEA/BE).
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