Droit matrimonial - Newsletter mars 2015
Editée par Amey L., Bohnet F., Guillod O., Massard A. et Piffaretti M.
Editée par Amey L., Bohnet F., Guillod O., Massard A. et Piffaretti M.
Divorce ; intérêts d’une dette entre époux ; caution ; art. 203, 235, 250 CC ; 507 CO
Intérêts d’une dette de droit commun entre époux. Les dispositions de droit matrimonial sont muettes sur la question des intérêts. Celle-ci doit être résolue selon les règles générales du Code des obligations dans le cas d’époux mariés sous le régime de la séparation de biens (consid. 5.2).
Mesures protectrices ; domicile conjugal ; entretien ; art. 176 al. 1 ch. 1 et 2 CC
Critères d’attribution du logement familial. Lors de l’examen de l’attribution du logement familial, le juge doit, en premier lieu, examiner à quel époux le domicile conjugal est le plus utile (grösserer Nutzen). L’application de ce critère présuppose en principe que les deux époux occupent encore le logement. Mais le fait qu’un époux ait provisoirement quitté le logement conjugal pour échapper à un climat particulièrement tendu ne saurait entraîner l’attribution systématique du logement à l’époux qui l’occupe encore (consid. 4.1.1, 4.1.2 et 4.1.3).
Modalités de l’entretien. Il peut être exigé que l’entretien soit assuré par la fortune, si les revenus ne suffisent pas (ATF 138 III 289, 293). En l’espèce, les époux n’exercent pas d’activité lucrative, mais chacun peut couvrir l’intégralité des frais nécessaires pour maintenir son train de vie antérieur à la séparation grâce à sa fortune et aux revenus de celle-ci. Dès lors, l’époux ne saurait être condamné au versement d’une pension en faveur de l’épouse (consid. 5.4).
Divorce ; DIP ; garde des enfants ; art. 8 CEDH ; 13 al. 1 Cst. ; 176 al. 3 CC
Garde des enfants. L’art. 8 § 1 CEDH garantit notamment le droit au respect de la vie familiale. L’État ne saurait s’immiscer dans l’exercice de ce droit qu’aux conditions strictes du § 2 de cet article. La protection offerte par l’art. 13 al. 1 Cst. correspond matériellement à celle de l’art. 8 CEDH (cf. ATF 129 II 215, 218). L’attribution des enfants à l’un des parents et la limitation des relations personnelles de l’autre parent avec eux à un droit de visite constituent une ingérence étatique, qui doit être licite. La réglementation étatique doit donc être correctement appliquée au regard du critère essentiel du bien de l’enfant (ATF 120 Ia 369, 375). En l’espèce, l’intérêt des enfants ne s’oppose pas à un départ en Australie avec leur mère (consid. 6.1 et 6.2).
Divorce ; DIP ; étranger ; enlèvement international ; procédure ; art. 60 LDIP
For. Lorsque deux époux de nationalité suisse se sont mariés en Suisse et ont vécu dans ce pays leurs premières années de vie conjugale, mais qu’ils résident ensuite à l’étranger, la requête commune en divorce avec accord sur les effets accessoires n’est en principe pas recevable par les juridictions suisses. Il n’y pas lieu de s’écarter de la règle claire posée par l’art. 60 LDIP, selon lequel les tribunaux du lieu d’origine ne sont compétents pour connaître d’une action en divorce ou en séparation de corps que si l’action ne peut être intentée au domicile de l’un des époux ou si l’on ne peut raisonnablement exiger qu’elle le soit (consid. 3).
Divorce ; autorité parentale ; garde des enfants ; revenu hypothétique ; liquidation du régime matrimonial ; art. 133 aCC ; 122, 204 al. 2, 207 al. 1, 273 CC ; 312 al. 2 CPC
Recevabilité du mémoire de réponse. Le délai pour déposer la réponse à l’appel de la partie adverse court dès la réception dudit mémoire notifié par l’instance d’appel (consid. 4.2).
Droits parentaux. Selon la jurisprudence rendue sous l’ancien droit, lorsque les capacités d’éducation et de soin des parents sont équivalentes, le critère de la stabilité des relations, selon lequel il faut éviter des changements inutiles dans l’environnement local et social des enfants, est déterminant. Même si le juge ne peut se contenter d’attribuer l’enfant au parent qui en a eu la garde pendant la procédure, ce fait jouit d’un poids particulier (ATF 136 I 178, consid. 5.3). La modification du Code civil entrée en vigueur le 1er juillet 2014 n’a pas d’effet rétroactif et ne saurait donc déroger à cette jurisprudence (consid. 5.1, 5.3.1 et 5.3.2).
Liquidation de la copropriété immobilière des parties. Les acquêts et les biens propres de chaque époux sont disjoints dans leur composition au moment de la dissolution du régime matrimonial, soit au jour de la demande en divorce (art. 204 al. 2 et 207 al. 1 CC). A ce moment-là, l’immeuble appartenait toujours aux deux époux en copropriété. L’autorité cantonale devait donc déterminer dans quelle masse de chacun des époux leur part respective de copropriété devait être attribuée, puis répartir le solde du prix de vente du bien. L’autorité ne pouvait se référer simplement au tableau de distribution établi par l’Office des poursuites suite à la vente de l’immeuble intervenue après la dissolution du régime matrimonial (consid. 6.2 et 6.3.1).
Détermination du revenu hypothétique. L’autorité cantonale qui considère comme raisonnable que l’ex-épouse conserve le même emploi, en augmentant à 50% son taux d’occupation professionnelle, tout en retenant un revenu hypothétique qui ne correspond pas à la moyenne des gains effectivement perçus pour l’activité retenue, fait preuve d’arbitraire (consid. 9.5).
Divorce ; mesures provisionnelles ; relations personnelles ; entretien ; art. 273 al. 1, 315a al. 1 CC ; 107 al. 2 LTF
Compétence. Le tribunal compétent pour statuer sur le divorce et chargé de régler les relations entre les parents et l’enfant est compétent, en vertu de l’art. 315a al. 1 CC, pour prendre les mesures de protection de l’enfant (consid. 2 in fine).
Relations personnelles. Le principe directeur pour aménager le droit de visite est toujours le bien de l’enfant, qui prime les éventuels intérêts des parents. Toute décision concernant le droit de visite doit correspondre au bien de l’enfant, au moment de son exercice (consid. 6.3 et 6.4).
Conclusions du recours en matière civile. Le recours en matière civile est un moyen de recours réformatoire (art. 107 al. 2 LTF). Le requérant ne peut donc se limiter à demander l’annulation de la décision de l’instance précédente. En outre, les conclusions relatives aux contributions d’entretien doivent être chiffrées. Une conclusion tendant par exemple à la « réduction adéquate » de la contribution est insuffisante. Ces principes sont également valables pour l’entretien d’enfants (consid. 7.2).
Divorce ; entretien ; art. 276 al. 1, 285 al. 1 CC
Fixation de l’entretien de l’épouse en cas de ménage aisé. En cas de situation économique favorable, dans laquelle les frais supplémentaires liés à l’existence de deux ménages séparés peuvent être couverts, l’époux créancier peut prétendre, dans le cadre de mesures provisionnelles durant le divorce, à ce que la pension soit fixée de façon telle que son train de vie antérieur soit maintenu. L’autorité cantonale n’ayant pas procédé à cette méthode de calcul concret, la cause lui est renvoyée afin qu’elle détermine les dépenses actuellement nécessaires à l’épouse pour lui permettre de maintenir le train de vie dont elle bénéficiait durant la vie commune. L’autorité cantonale devra également examiner si le train de vie antérieur de l’épouse tel qu’elle l’aura établi peut être couvert par ses propres revenus (consid. 4.1, 4.2.1 et 4.2.2).
Principe d’égalité entre les enfants en matière d’entretien. Selon le principe d’égalité entre les enfants d’un même débiteur, ceux-ci doivent être traités de manière semblable financièrement, soit proportionnellement à leurs besoins objectifs. L’allocation de montants différents à titre de contribution d’entretien n’est donc pas exclue, mais elle doit avoir une justification particulière. En l’occurrence, les besoins des deux enfants du couple ne sont précisément pas identiques puisque, contrairement à l’aîné, la cadette fréquente une école privée (consid. 5.1 et 5.2).
Divorce ; revenu hypothétique ; avis au débiteur ; art. 125 al. 1, 132 al. 1 CC
Revenu hypothétique. Le premier juge ne viole pas son pouvoir d’appréciation en exigeant d’une sexagénaire au bénéfice d’une bonne formation et de connaissances linguistiques, ayant travaillé à temps partiel avant la séparation et apte au placement selon la loi sur le chômage, de reprendre une telle activité à temps partiel (consid. 2.2 in fine).
Standard de vie. L’utilisation exclusive du logement familial après le départ de l’enfant cadet, correspond à une amélioration factuelle du standard de vie, et ne saurait être financée par la contribution d’entretien (consid. 2.3).
Avis au débiteur. L’application de l’art. 132 CC exige une violation de l’obligation d’entretien, ce qui suppose que celle-ci soit définitive et exécutoire (consid. 3).
Divorce ; entretien ; art. 125 CC
Conditions d’octroi d’une contribution d’entretien. Une contribution est due si le mariage a concrètement influencé la situation financière de l’époux créancier (lebensprägend). Lorsque le mariage a duré moins de cinq ans (mariage de courte durée), on présume qu’il n’a pas exercé une telle influence concrète. Si le mariage a duré plus de dix ans (mariage de longue durée), on présume qu’il en a exercé une. Un concubinage qualifié (5 ans au moins) ayant précédé la conclusion du mariage peut être pris en considération s’il a influencé durablement la vie des partenaires (ATF 135 III 59). Contribution d’entretien refusée en l’espèce (consid. 3.3).
Mesures provisionnelles ; (dé)blocage d’un compte bancaire ; lien avec la garantie de la propriété et la liquidation du régime matrimonial ; art. 26 Cst. ; 178 CC ; 261 CPC
Déblocage de fonds dans le cadre de mesures provisionnelles. L’épouse ne peut invoquer dans un litige entre privés la garantie de la propriété pour contester la décision de l’autorité cantonale de débloquer le compte litigieux en faveur du mari. En outre, l’autorité ne pouvait qualifier les fonds de biens propres de l’épouse, car elle aurait préjugé de manière inadmissible de la cause soumise au juge du divorce (consid. 4.3).
Divorce ; liquidation du régime matrimonial ; art. 206 al. 1 et 209 al. 3 CC
Sort de la plus-value conjoncturelle d’un immeuble afférente au versement anticipé de la prestation de libre passage. Lorsque le régime matrimonial est dissout avant la survenance d’un cas de prévoyance, comme en l’espèce, la plus-value d’un immeuble afférente au versement anticipé de la prestation de libre passage est répartie entre les masses de biens de l’acquéreur, selon la contribution effective de chacune au financement de l’immeuble. En l’occurrence, l’immeuble (acquis entièrement à crédit) a été attribué à l’époux et entre dans ses acquêts, de sorte que la plus-value conjoncturelle intègre également cette masse de biens, sans qu’il y ait lieu à récompense en faveur de ses biens propres (consid. 4.3.2 et 4.4).
Couple non marié ; procédure ; DIP ; enlèvement international ; art. 5 et 7 CLaH96
Déplacement illicite d’enfant. Les autorités de l’État contractant de la résidence habituelle de l’enfant sont compétentes pour prendre des mesures tendant à la protection de sa personne ou de ses biens (art. 5 al. 1 CLaH96). La résidence habituelle de l’enfant se détermine d’après le centre effectif de sa propre vie et de ses attaches (ATF 110 II 119, 122). La présence physique de l’enfant dans un lieu (en l’espèce en Suisse) ne suffit pas : il faut que d’autres facteurs montrent que cette présence n’a pas un caractère temporaire ou occasionnel (consid. 5.2, 7.1 et 7.2).
Couple non marié ; action en contestation de la reconnaissance de paternité ; art. 260a al. 2, 260c CC
Dies a quo de l’action en contestation de la reconnaissance (art. 260c al. 1 CC). Le délai d’un an commence à courir dès que l’auteur de la reconnaissance a découvert son erreur. Le demandeur doit prouver le moment et les circonstances dans lesquelles il a appris sa non-paternité. De simples soupçons ou appréhensions ne suffisent pas, sauf si les circonstances l’obligeaient à les lever en s’informant davantage (consid. 4.1). Un spermogramme indiquant une stérilité doit inciter une personne ordinaire à clarifier la vraisemblance de sa paternité dix ans auparavant (consid. 4.2).
Retard excusable (art. 260c al. 3 CC). L’ancienne jurisprudence (ATF 71 II 256) concernant l’action en désaveu, selon laquelle il est excusable de ne pas entreprendre d’autres démarches de clarification de la paternité lorsque cela revient à soupçonner l’épouse d’adultère, ne s’applique pas dans les circonstances d’espèce (consid. 4.3).
Filiation juridique. Un lien juridique de filiation peut subsister même s’il est établi que le père juridique n’est pas le père biologique, car le lien génétique n’est pas son seul fondement : il faut tenir compte aussi de la filiation socio-psychologique (consid. 4.4).
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