Droit matrimonial - Newsletter juin 2015
Editée par Amey L., Bohnet F., Guillod O. et Piffaretti M.
Editée par Amey L., Bohnet F., Guillod O. et Piffaretti M.
Couple marié ; entretien d’un enfant majeur ; art. 272, 277 al. 2 CC
Refus de tout entretien d’un enfant majeur. L’absence de relations personnelles entre l’enfant majeur et l’un de ses parents, attribuée au seul comportement du demandeur d’aliments, peut justifier un refus de toute contribution d’entretien. L’attitude de l’enfant doit néanmoins lui être imputable à faute. L’enfant doit avoir violé gravement les devoirs qui lui incombent en vertu de l’art. 272 CC, et dans les cas où les relations personnelles sont rompues, avoir provoqué la rupture par son refus injustifié de les entretenir, son attitude gravement querelleuse ou son hostilité profonde (consid. 5.1.1).
Possibilité de réduire la contribution d’entretien à un enfant majeur ? La doctrine admet que la contribution d’entretien due sur la base de l’art. 277 al. 2 CC puisse être réduite dans son montant ou sa durée, notamment en raison de la rupture des relations personnelles sans faute exclusive imputable au parent débiteur d’aliments ou à l’enfant majeur (cf. les références in 5A_560/2011 du 25 novembre 2011, consid. 4.1.2). Cette interprétation est confortée par le Message du Conseil fédéral (FF 1974 II 1 ss, p. 58). Pour sa part, le Tribunal fédéral a laissé la question ouverte (ATF 111 II 413, consid. 5a, p. 419) et ne la tranche pas non plus dans le cas d’espèce (consid. 5.1.2).
Couple non marié ; entretien ; art. 272, 277 al. 2 CC
Entretien d’un enfant majeur. Le refus d’une contribution d’entretien en faveur d’un enfant majeur est justifié quand l’absence de relations personnelles avec le parent est due au seul comportement gravement fautif de l’enfant. Ce dernier doit avoir provoqué la rupture par son refus injustifié d’entretenir des relations personnelles, par son attitude gravement querelleuse ou son hostilité profonde. En cas de divorce des parents, une réserve particulière s’impose et il faut tenir compte des vives émotions que le divorce peut faire naître chez l’enfant et des tensions qui en résultent. Toutefois, si l’enfant persiste, après être devenu majeur, dans l’attitude de rejet adoptée lors du divorce à l’égard du parent qui n’avait pas la garde, bien que celui-ci se soit comporté correctement envers lui, cette attitude inflexible lui est imputable à faute. Si l’enfant n’est pas le seul responsable de la cessation des relations personnelles entre lui et son père, en raison d’une faute particulièrement grave qui lui serait imputable, l’inexistence de liens ne saurait légitimer une cessation de son droit à l’entretien (consid. 5.1).
Mariage ; procédure ; assistance judiciaire ; art. 98 al. 4 CC ; 29 al. 3 Cst. ; 12 CEDH
Assistance judiciaire (art. 29 al. 3 Cst.). Une cause est dépourvue de chances de succès lorsque les perspectives de la gagner sont notablement plus faibles que les risques de la perdre. L’assistance judiciaire est envisageable quand les chances de succès et les risques d’échec s’équilibrent à peu près, ou que les premières ne sont que légèrement inférieures aux secondes (consid. 3.1).
Droit au mariage (art. 12 CEDH). Selon le Tribunal fédéral, lorsqu’un des fiancés n’établit pas la légalité de son séjour conformément à l’art. 98 al. 4 CC, l’officier d’état civil doit refuser de continuer la procédure préparatoire. L’art. 98 al. 4 CC ne lui laisse aucune marge de manœuvre. Il appartient uniquement à l’office des migrations, dans le cadre d’une demande de permis de séjour provisoire en vue du mariage, de vérifier les exigences découlant du droit conventionnel au mariage (art. 12 CEDH) et du principe de proportionnalité (consid. 3.3).
Mesures protectrices ; garde des enfants ; entretien ; procédure ; art. 276 ss CC ; 29 al. 1 Cst. ; 98 LTF
Prise en compte du revenu de l’enfant pour fixer la contribution d’entretien (art. 276 ss CC). La question de savoir si le mineur a un revenu disponible est une question de fait, celle de déterminer si on doit prendre en compte cet éventuel revenu est une question de droit. Il n’existe pas de directives précises quant à la prise en considération du revenu de l’enfant (consid. 2.6).
Requête en modification des mesures provisionnelles. Déni de justice (art. 29 al. 1 Cst.). Il y a déni de justice formel lorsqu’une autorité ne statue pas sur une question qui lui est soumise en respectant les exigences de forme et de délai, alors qu’elle était tenue de statuer (consid. 3.1).
Mesure protectrices ; protection de l’enfant ; art. 176 al. 1 ch. 2 CC ; 3 CDE
Attribution du droit de garde. Le principe fondamental en ce domaine est l’intérêt de l’enfant, celui des parents étant relégué à l’arrière-plan. Au nombre des critères essentiels entrent notamment en considération les capacités éducatives respectives des parents et leur aptitude à prendre soin de l’enfant personnellement. Il faut choisir la solution qui, au regard des circonstances d’espèce, est la mieux à même d’assurer à l’enfant la stabilité nécessaire à un développement harmonieux des points de vue affectif, psychique, moral et intellectuel. Le juge jouit d’un grand pouvoir d’appréciation (consid. 2.1.1 et 2.1.2).
Application de l’art. 3 al. 2 CDE. Le principe d’interprétation découlant de l’art. 3 CDE ne saurait être d’application directe, du fait de son caractère programmatoire (consid. 2.3.2).
Attribution du logement (art. 176 al. 1 ch. 2 CC). Le juge doit examiner quel époux tirera objectivement le plus grand bénéfice du logement, au vu de ses besoins concrets. A cet égard, entre d’abord en considération l’intérêt de l’enfant confié au parent qui réclame l’attribution du logement à pouvoir demeurer dans l’environnement qui lui est familier. Si ce premier critère ne donne pas de résultat clair, le juge doit, en second lieu, examiner à quel époux on peut le plus raisonnablement imposer de déménager, compte tenu de toutes les circonstances (consid. 3.2).
Mesures protectrices ; entretien ; art. 179 CC
Changement durable de la situation du créancier de la contribution. La modification de mesures provisionnelles ne peut être obtenue que si, depuis leur prononcé, les circonstances de fait ont changé d’une manière essentielle et durable. En matière de revenus, une période de chômage supérieure à quatre mois ne peut plus être considérée comme étant de courte durée. Il convient alors en principe de tenir compte des indemnités de chômage effectivement perçues (consid. 3.1 et 4.1.1).
Changement substantiel de la situation du créancier de la contribution. La diminution des ressources de l’épouse étant de 285 francs, ce qui représente 11% de ses revenus, peut être considérée comme minime eu égard à l’ensemble des circonstances concrètes, en particulier par rapport à son budget mensuel déjà largement déficitaire avant ce changement, mais tout de même convenu entre les parties. Cette modification ne saurait donc justifier une modification des mesures protectrices prononcées (consid. 4.2).
Mesures protectrices ; entretien ; art. 176 al. 1 ch. 1 CC
Méthode de calcul de la contribution d’entretien. Lorsque les époux ne réalisent pas d’économies ou, qu’en raison des frais supplémentaires liés à l’existence de deux ménages séparés, leurs revenus sont entièrement absorbés par l’entretien courant, la méthode du minimum vital élargi avec répartition de l’excédent permet en principe de tenir compte adéquatement du niveau de vie antérieur et des restrictions qui peuvent être imposées au conjoint créancier et aux enfants. La vérification du train de vie, qui ne saurait être supérieur à celui prévalant durant la vie commune, n’a donc de sens, dans le cadre de l’application de cette méthode, qu’en cas de circonstances particulières, par exemple lorsque les revenus d’un époux augmentent sensiblement peu après la séparation (consid. 6).
Divorce ; étranger ; révision ; art. 34, 121 LTF
Composition du tribunal. Récusation (art. 34 al. 2 LTF). La participation à une procédure antérieure devant le Tribunal fédéral ne constitue pas à elle seule un motif de récusation. Ceci vaut aussi pour les procédures en révision (cf. arrêt 2F_20/2012 du 25.09.2012) (consid. 2).
Motifs de révision. Une erreur de droit n’est pas un motif de révision selon l’art. 121 let. d LTF. Seuls des faits pertinents contenus dans le dossier antérieurement à la demande en révision peuvent être invoqués (consid. 3).
Divorce ; entretien ; art. 125 CC
Examen du caractère « lebensprägend » du mariage. Un mariage peut avoir eu une influence concrète sur la vie de l’un des époux (lebensprägend) et justifier ainsi l’octroi d’une contribution d’entretien notamment lorsque les conditions d’un déracinement culturel sont remplies. Tel n’est pas le cas en l’espèce puisque l’épouse, qui vivait au Canada lors de sa rencontre avec son conjoint, semble avoir quitté son pays d’origine dans le but de se marier, mais est repartie librement au Canada et a pu facilement se réintégrer dans ce pays dès sa séparation, où elle a immédiatement retrouvé un emploi auprès de son ancien employeur (consid. 5).
Divorce ; entretien ; art. 125 CC ; 99 al. 1 LTF
Nova proprement dits. Dans un recours au Tribunal fédéral, les faits nouveaux ne peuvent être admis à moins de résulter de la décision de l’autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF). Le recours doit démontrer en quoi les conditions de soumission de nouveaux faits et preuves sont réalisées. Sont exclues ab initio les faits nouveaux en lien avec l’objet de la procédure précédente, postérieurement au prononcé de la décision attaquée (consid. 2.4).
Revenu hypothétique. Le tribunal ne viole pas le droit fédéral lorsqu’il renonce à imputer un revenu hypothétique, mais n’indique pas concrètement les occupations qui pourraient être exercées si un revenu hypothétique était imputable (consid. 3.2.3).
Problèmes de santé. Le juge qui prend en considération des problèmes de santé passés et conclut à une possible augmentation de ces problèmes avec l’âge n’agit pas de manière arbitraire, dans le cadre de l’évaluation d’une extension du taux d’occupation (consid. 3.4.2).
Divorce ; liquidation du régime matrimonial ; art. 205 CC
Attribution d’un bien immobilier. Les biens en copropriété des époux doivent être partagés selon les règles des droits réels. Le juge peut, en cas de désaccord entre les époux, procéder au partage en nature ou faire vendre la chose aux enchères (art. 651 al. 2 CC). Toutefois, l’art. 205 al. 2 CC ajoute à ces deux possibilités un troisième mode de partage : l’époux qui justifie d’un intérêt prépondérant peut demander que lui soit attribué entièrement le bien qui est en copropriété, à charge de désintéresser son conjoint. Le juge doit procéder à une pesée des intérêts dans le cas concret ; il apprécie, en particulier, les liens de chaque époux avec l’immeuble (consid. 2.2).
Divorce ; mesures provisionnelles ; procédure ; art. 179 CC
Modification des mesures provisionnelles. La modification des mesures provisionnelles ne peut être obtenue, sur la base de l’art. 179 CC, que si, depuis leur prononcé, les circonstances de fait ont changé d’une manière essentielle et durable, notamment en matière de revenus. Tel est le cas lorsqu’un changement significatif et non temporaire est survenu postérieurement à la date à laquelle la décision a été rendue, ou que les faits qui ont fondé le choix des mesures provisoires dont la modification est sollicitée se sont révélés faux ou ne se sont, par la suite, pas réalisés comme prévus (consid. 4.1).
Couple non marié ; étranger ; protection de l’enfant ; DIP ; enlèvement international ; art. 13 al. 2 ClaH 80
Motif d’exclusion du retour. Volonté de l’enfant (art. 13 al. 2 CLaH 80). Le juge peut refuser d’ordonner le retour de l’enfant s’il constate que celui-ci s’oppose à son retour et qu’il a atteint un âge et une maturité où il se révèle approprié de tenir compte de son opinion. Selon le Tribunal fédéral, la maturité nécessaire doit être admise lorsque l’enfant est capable de se forger sa propre opinion et qu’il comprend la problématique de l’ordre de retour (cf. ATF 131 III 334, consid. 5.1). Cette maturité est présumée vers l’âge de 11-12 ans, mais la limite peut varier en fonction de l’enfant (consid. 5.1).
Risque grave (art. 13 al. 1 let. b CLaH 80). Le juge n’est pas tenu d’ordonner le retour de l’enfant lorsque la personne qui s’oppose à son retour établit qu’il existe un risque grave que le retour de l’enfant ne l’expose à un danger physique ou psychique. La notion de risque grave doit être interprétée de manière restrictive (consid. 6.1).
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