Droit matrimonial - Newsletter décembre 2015
Editée par Amey L., Bohnet F., Guillod O. et Piffaretti M., avec la participation de Simeoni M.
Editée par Amey L., Bohnet F., Guillod O. et Piffaretti M., avec la participation de Simeoni M.
Divorce ; entretien ; art. 125 CC
Durée de la contribution d’entretien entre ex-époux. L’entretien est en principe dû sans limite de temps. L’impact d’un long mariage sur la situation économique de l’époux crédirentier peut toutefois ne se faire sentir que lorsqu’il est à la retraite et que ses ressources diminuent, si l’époux débirentier plus jeune (en l’occurrence de 10 ans) conserve ses revenus jusqu’à sa propre retraite. Le seul critère décisif est alors de déterminer si l’époux crédirentier est ou non en mesure de subvenir lui-même à son entretien convenable (consid. 3.2.3).
Mesures protectrices ; entretien ; art. 125 al. 2, 163, 176 al. 1 ch. 1 CC
Fixation de la contribution d’entretien. Lorsque la conservation du niveau de vie convenu entre époux durant la vie commune n’est pas possible, ceux-ci ont droit à un train de vie semblable. Le juge peut donc devoir modifier la convention conclue pour la vie commune pour l’adapter à ces faits nouveaux. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre la jurisprudence (ATF 128 III 65) disant que le juge doit prendre en considération, dans le cadre de l’art. 163 CC, les critères applicables à l’entretien après le divorce (art. 125 al. 2 CC) pour statuer sur la contribution d’entretien. Ainsi, l’absence de perspectives de réconciliation des époux ne justifie pas à elle seule la suppression de toute contribution d’entretien. Le juge des mesures protectrices - ou provisionnelles - ne doit en outre pas trancher, même sous l’angle de la vraisemblance, les questions de fond, objet du procès en divorce, en particulier celle de savoir si le mariage a influencé concrètement la situation financière du conjoint (ATF 137 III 385) (consid. 2.1).
Mesures protectrices ; procédure ; art. 29 al. 3 Cst.
Assistance judiciaire (art. 29 al. 3 Cst.) : notion de « besoin ». L’époux qui n’est pas en mesure d’assumer les frais d’une procédure sans entamer les moyens financiers destinés à son propre entretien et à celui de sa famille, se trouve dans le besoin et a droit à l’assistance judiciaire. Est déterminante la situation économique, englobant toutes les dettes, revenus et fortune du requérant, au moment du dépôt de la demande d’assistance judiciaire (consid. 4.1). Des contributions d’entretien prononcées avec effet rétroactif ne doivent être prises en considération que si l’on peut compter avec certitude sur leur paiement effectif, par exemple si le débirentier les a payées durablement et avec régularité par le passé (consid. 4.3).
Divorce ; garde des enfants ; procédure ; art. 310 CC ; 7b, 12 al. 1 Tit. fin. CC
Placement de l’enfant. La motivation de l’autorité cantonale n’est, en l’espèce, pas arbitraire, dans la mesure où, contrairement à ce que soutient le recourant, la cour cantonale a examiné la proportionnalité de la mesure prononcée, soit le placement de l’enfant. L’autorité cantonale a retenu à juste titre qu’une mesure moins coercitive n’atteindrait pas le but visé de protection de l’enfant, dès lors qu’il ressortait du rapport de l’expert que la fillette devait être provisoirement mise en dehors du grave conflit opposant ses parents (consid. 4.2.2).
Application temporelle des dispositions relatives à l’autorité parentale. Les nouvelles dispositions du Code civil relatives à l’autorité parentale du 21 juin 2013 sont entrées en vigueur le 1er juillet 2014. Elles sont d’application immédiate (art. 12 al. 1 Tit. fin. CC). Pour les procès en divorce pendants, l’art. 7b Tit. fin. CC prévoit toutefois que le nouveau droit n’est applicable que par les autorités cantonales (al. 1), alors que le Tribunal fédéral applique l’ancien droit lorsque la décision attaquée a été prononcée avant l’entrée en vigueur du nouveau droit (al. 3) ; la modification du Code civil concernant l’autorité parentale n’a pas d’effet anticipé (consid. 4.1).
Divorce ; mesures provisionnelles ; procédure ; art. 125 CC ; 276 cum 272 CPC ; 98, 106 al. 2 LTF
Etablissement des faits. Maxime inquisitoire sociale (art. 276 cum 272 CPC). Il n’y a pas de constatation arbitraire des faits en l’espèce. Le tribunal n’est pas dans l’obligation d’établir lui-même les faits s’agissant d’une procédure de mesures provisionnelles régie par la maxime inquisitoire sociale (consid. 3.4).
Divorce ; entretien ; revenu hypothétique ; art. 285 CC
Taux d’activité. L’autorité cantonale n’a pas fait preuve d’arbitraire en considérant que le débiteur des contributions d’entretien en faveur des enfants ne pouvait se contenter de travailler à 50%, quand bien même ses études touchaient à leur fin et avaient été entreprises d’entente entre les conjoints, pour permettre à celui-ci d’obtenir à l’avenir un salaire plus important. Vu les besoins financiers des enfants, un revenu correspondant à un taux d’activité de 90% peut in casu être imputé à l’époux (consid. 2.4).
Délai accordé à l’époux pour augmenter son taux de travail. L’autorité cantonale n’a pas versé dans l’arbitraire en accordant au débirentier un délai de l’ordre de quatre mois, depuis la connaissance par celui-ci du dépôt par son épouse d’une demande en divorce avec requête de mesures provisionnelles, pour passer d’un taux d’activité de 50% à 90% dans le domaine des soins infirmiers (consid. 2.4).
Divorce ; entretien ; liquidation du régime matrimonial ; art. 120 al. 1 CC
Compensation entre les contributions d’entretien dues par le père à ses enfants et sa créance résultant de la liquidation du régime matrimonial ? L’une des conditions de la compensation au sens de l’art. 120 al. 1 CC consiste dans la réciprocité des créances. Un parent ne peut donc pas invoquer la compensation des contributions d’entretien qu’il doit à son enfant avec les créances dont il dispose à l’encontre de l’autre parent, même si les pensions alimentaires doivent être versées en mains de celui-ci, en tant que représentant légal de l’enfant (consid. 2.3.2).
Divorce ; procédure ; art. 268 al. 2, 276 al. 3 CPC
Validité des mesures provisionnelles. L’entrée en force de la décision sur le fond entraîne la caducité des mesures provisionnelles (art. 268 al. 2 CPC). Le tribunal peut toutefois ordonner de nouvelles mesures provisionnelles une fois la dissolution du mariage prononcée, tant que la procédure relative aux effets accessoires du divorce n’est pas close (art. 276 al. 3 CPC) (consid. 3.3.1).
Modification d’un jugement de divorce ; procédure ; art. 29 al. 3 Cst.
Assistance judiciaire (art. 29 al. 3 Cst.). Une cause est dépourvue de chances de succès quand les perspectives de la gagner sont notablement plus faibles que les risques de la perdre. L’assistance judiciaire est envisageable quand les chances de succès et les risques d’échec s’équilibrent à peu près, ou que les premières ne sont que légèrement inférieures aux secondes, de sorte qu’une personne disposant de moyens financiers déciderait d’engager la procédure (consid. 4.2).
Chances de succès. Critère. Lorsqu’une conclusion subsidiaire se fonde sur une partie argumentative prépondérante et n’est pas dépourvue de chances de succès, le recours doit être considéré comme n’étant pas dépourvu de chances de succès en son entier (consid. 7.2).
Couple non marié ; DIP ; autorité parentale ; procédure ; art. 29 al. 2 Cst. ; 314 al. 1 CPC
Détermination du lieu de résidence de l’enfant. L’autorité cantonale ne pouvait, sur la base des éléments en sa possession, conclure que le départ du père aux États-Unis avec les enfants, sur lesquels il détient la garde, présentait une urgence telle qu’il se justifiait de priver la recourante, lors de la procédure de mesures provisionnelles, de son droit de réplique. En effet, aucun élément ne permettait de conclure que l’année scolaire aux États-Unis avait commencé à la date du départ - ce qui paraît au demeurant peu vraisemblable - ni que l’intimé aurait subi un quelconque dommage (telle la perte des écolages déjà versés ou de l’emploi qu’il allègue avoir trouvé) s’il ne se rendait pas aux États-Unis à cette date. De plus, l’intimé a lui-même indiqué que le but initial de ce séjour était de passer quelques jours de vacances dans ce pays avec ses enfants. L’autorité cantonale a dès lors violé le droit d’être entendue de la recourante. Cette autorité aurait dû, avant de rendre son arrêt, laisser s’écouler, depuis la communication à la recourante de la réponse de l’intimé à l’appel, un délai d’au moins dix jours (consid. 3.2).
Couple non marié ; procédure ; art. 122 al. 1 lit. a CPC
Tarif horaire applicable en cas d’assistance judiciaire. Le refus d’un tribunal d’appliquer un tarif horaire plus élevé pour la représentation par une avocate spécialisée en droit de la famille n’est pas arbitraire tant que le tarif appliqué se situe dans les limites constitutionnelles (consid. 3.3).
Couple non marié ; procédure ; art. 29 al. 2 Cst.
Violation du droit d’être entendu. Bien que l’autorité cantonale ait mentionné l’existence de la détermination du recourant dans l’arrêt attaqué, elle semble avoir ignoré son contenu et, en particulier, les allégations nouvelles qui n’étaient pas dépourvues de pertinence au vu du raisonnement qu’elle a suivi dans le calcul de la contribution d’entretien. L’autorité cantonale a omis d’indiquer les motifs pour lesquels les allégations nouvelles du recourant n’étaient pas recevables ou n’avaient pas à être prises en considération et ne nécessitaient pas l’administration de preuves. Dès lors, elle a violé le droit d’être entendu du recourant. Il en va de même s’agissant de la question soulevée par le recourant quant à la nécessité d’une représentation de l’enfant par un curateur (consid. 3.2 et 3.3).
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