Droit matrimonial - Newsletter avril 2018
Editée par Bohnet F., Burgat S., Gay-Balmaz C., Guillod O., Saul M.
Editée par Bohnet F., Burgat S., Gay-Balmaz C., Guillod O., Saul M.
Modification d’un jugement de divorce; entretien; revenu hypothétique; art. 125, 276a al. 1 et 285 CC; 13c et 13cbis Tit. fin. CC
Imputation d’un revenu hypothétique et entretien. Les parents devant assumer l’entretien d’un enfant mineur doivent épuiser leur capacité maximale de travail et ne peuvent pas librement choisir de modifier leurs conditions de vie si cela influence leur capacité à subvenir aux besoins de l’enfant. Le débirentier de condition modeste peut se voir imputer un revenu hypothétique basé sur une activité qu’il n’aurait pas eu à accepter selon les règles de l’assurance-chômage, le juge civil n’étant pas lié par la pratique des autorités administratives. Quand le débirentier doit une contribution d’entretien à un enfant mineur et à son ex-conjoint, son revenu hypothétique doit aussi être intégré dans le calcul de la contribution due à l’ex-conjoint. A défaut, on ferait une distinction artificielle dans le comportement que l’on peut attendre de lui. Si le juge entend imposer à l’un des conjoints une (re-)prise d’activité lucrative, il doit en principe lui fixer un délai approprié (consid. 3.2 et 3.4).
Primauté de l’obligation d’entretien envers l’enfant mineur (art. 276 al. 2 et 276a al. 1 CC). L’ancien droit faisait primer le droit à l’entretien de l’enfant mineur sur celui du conjoint ou ex-conjoint seulement en ce qui concerne son minimum vital LP. Désormais, le nouveau droit indique que la primauté de l’obligation d’entretien envers l’enfant mineur concerne non seulement son minimum vital LP, mais aussi son entretien convenable (consid. 4.1.1 et 4.1.3).
Critères de fixation du montant de la contribution de l’enfant mineur (art. 285 CC). Les critères déterminant le montant de la contribution d’entretien due à l’enfant mineur sont les besoins de l’enfant et la situation et les ressources de ses père et mère. La contribution d’entretien est donc fonction de toutes les prestations fournies par chaque parent. La prise en charge effective de l’enfant joue un rôle, mais l’attribution de la garde n’est pas décisive en soi (consid. 4.1.5).
Droit transitoire et contribution d’entretien envers l’enfant mineur (art. 125 et 286 al. 2 CC ; art. 13c et 13cbis Tit. fin. CC). Le nouveau droit de l’entretien de l’enfant (entré en vigueur le 1er janvier 2017) comprend deux dispositions transitoires. Lorsque l’enfant était déjà au bénéfice d’une contribution d’entretien le 1er janvier 2017, cette dernière ne peut être modifiée que si la situation change notablement. L’entrée en vigueur du nouveau droit ne constitue pas une modification notable de la situation des parties, mais il faut procéder à une pesée des intérêts respectifs de l’enfant et de chacun de ses parents. Le nouveau droit s’applique aux procédures d’entretien pendantes au 1er janvier 2017. Dans la présente procédure en modification du jugement de divorce, les parties ne contestent plus l’existence d’un changement durable de situation. Le Tribunal aurait dû d’abord actualiser tous les éléments déterminants pour le calcul des contributions d’entretien en tenant compte du revenu hypothétique imputé au recourant, puis examiner si le minimum vital LP de ce dernier était couvert et s’il y avait un excédent. Il devait ensuite arrêter la contribution due à l’entretien de l’enfant en établissant son minimum vital LP, l’éventuel solde disponible constituant la contribution due à l’entretien de l’ex-épouse, pour l’entretien dû jusqu’au 31 décembre 2016. Pour les contributions dues dès le 1er janvier 2017 et pour autant que le minimum vital du recourant soit couvert, la Cour Cantonale aurait dû évaluer le montant de l’entretien convenable de l’enfant, y compris le coût de sa prise en charge, seul l’éventuel excédent revenant à l’ex-épouse. Contrairement à ce qu’a affirmé la cour, il ne s’agit pas d’une opération blanche, les montants dus à la mère et à l’enfant ne sont pas équivalents et ne peuvent donc pas se compenser (consid. 4).
Mariage; liquidation du régime matrimonial; procédure; art. 195a al. 2, 200 al. 3, 207 al. 1 et 209 CC
Présomption d’exactitude de l’inventaire (art. 195a al. 2 CC). L’inventaire des biens des époux établi par acte authentique est présumé exact lorsqu’il a été dressé dans l’année à compter du jour où les biens sont entrés dans une masse (art. 195a al. 2 CC). Il s’agit d’une présomption légale d’exactitude qui entraîne un renversement du fardeau de la preuve (consid. 3.2.3).
Présomption légale d’acquêt (art. 200 al. 3 CC). La règle de l’art. 200 al. 3 CC (tout bien d’un époux est présumé acquêt, sauf preuve du contraire) concerne l’état des acquêts et des biens propres au moment de la dissolution du régime matrimonial, moment déterminant pour la dissociation des acquêts et des biens propres (art. 207 al. 1 CC). Elle régit le fardeau de la preuve par rapport à l’attribution à une masse d’un bien appartenant à un époux quand la qualification d’acquêt ou de bien propre est contestée et suppose que le bien de l’époux constitue un fait connu, non contesté ou prouvé. Il faut distinguer cela de la question de savoir si un bien déterminé existe au moment de la dissolution du régime matrimonial, régie par la règle générale du fardeau de la preuve de l’art. 8 CC (consid. 3.2.3 et 3.3.2).
Récompenses (art. 209 CC) – présomption (de fait) de non-emploi des biens propres. Il faut distinguer la question de l’attribution d’un bien à une masse de la question de savoir si une masse a contribué au remboursement de dettes ou à l’acquisition de biens de l’autre masse, donnant ainsi lieu à récompense (art. 209 al. 1 ou 3 CC). À ce sujet, l’art. 200 al. 3 CC ne contient aucune règle, si bien que l’art. 8 CC s’applique. C’est uniquement pour la question de la récompense qu’a été conçue la présomption de fait selon laquelle les époux n’entament pas, pour couvrir leur entretien courant, la substance de leurs biens propres. Cette présomption repose sur le principe que les dépenses pour l’entretien de la famille (y compris la prévoyance professionnelle) ainsi que les frais d’acquisition du revenu et les impôts doivent être supportés par les acquêts. Cela constitue donc un allègement de la preuve des moyens utilisés pour couvrir une certaine catégorie de dépenses (consid. 3.3.2).
Dissociation des acquêts et des biens propres (art. 207 al. 1 CC). Il découle de l’art. 207 al. 1 CC que tous les biens des époux au moment de la dissolution du régime matrimonial sont attribués soit aux acquêts, soit aux biens propres. Chaque bien d’un époux est attribué exclusivement à l’une ou à l’autre des deux masses (consid. 3.3.3).
Preuve d’un bien propre. Il revient à chaque époux de veiller, durant le mariage, à ce qu’il puisse, par des moyens de preuve appropriés, démontrer l’appartenance d’un bien à ses biens propres en cas de litige au sujet de la liquidation du régime matrimonial (consid. 3.3.4).
Mesures protectrices; domicile conjugal; art. 176 al. 1 ch. 2 CC
Critères pour l’attribution du logement et du mobilier de ménage (art. 176 al. 1 ch. 2 CC). Le droit de propriété n’est en principe pas un critère décisif pour l’attribution du logement et du mobilier de ménage selon l’art. 176 al. 1 ch. 2 CC. Une exception à ce principe existe uniquement lorsqu’aucun autre critère d’attribution n’est pertinent : dans ce cas, le droit de propriété ou d’autres droits d’usage sont pris en compte. Le bien de l’enfant est en revanche un critère prioritaire, tandis que les intérêts de tiers sont sans pertinence (consid. 4).
Mesures protectrices; garde; entretien; art. 9 Cst.; 296 al. 2 et 301a al. 1 CC
Attribution de la garde – rappel des principes. L’autorité parentale conjointe, désormais la règle en cas de séparation, n’implique pas forcément l’instauration d’une garde alternée, guidée par le seul intérêt prépondérant de l’enfant. Le juge doit en premier prendre en compte les capacités éducatives de chacun des parents, y compris leur capacité et volonté de communiquer et coopérer. Seul un conflit marqué et persistant exposant l’enfant à une situation néfaste à son bien-être justifie un refus de la garde alternée, une simple incapacité des parents à coopérer ne suffisant pas. Si les parents ont des capacités éducatives équivalentes, le juge évalue ensuite la situation géographique et la distance séparant les logements des deux parents, la capacité et la volonté de chaque parent de favoriser les contacts entre l’autre parent et l’enfant, la stabilité que peut apporter à l’enfant le maintien de la situation antérieure (ainsi, une garde alternée sera instaurée plus facilement lorsque les deux parents s’occupaient de l’enfant en alternance avant la séparation), la possibilité pour chaque parent de s’occuper personnellement de l’enfant, l’âge de ce dernier et son appartenance à une fratrie ou à un cercle social ainsi que le souhait de l’enfant s’agissant de sa prise en charge, quand bien même il n’aurait pas la capacité de discernement (consid. 3.2.2 et 3.3).
Mesures protectrices; entretien; art. 159 al. 3 et 163 CC
Devoir d’assistance (art. 159 al. 3 CC). Le devoir d’assistance général ancré à l’art. 159 al. 3 CC permet également d’imposer à un époux des prestations qui vont au-delà de l’entretien de la famille de l’art. 163 CC (consid. 4.4.1).
Subsidiarité de l’aide sociale. L’aide sociale est subsidiaire par rapport à l’entretien entre époux (consid. 4.4.4).
Devoir d’assistance des beaux-parents. Le devoir d’assistance des beaux-parents est subsidiaire au devoir d’entretien des parents juridiques (cf. ATF 120 II 285, consid. 2b) (consid. 4.4.4).
Mesures protectrices; entretien; revenu hypothétique; art. 176 CC
Limite de l’entretien – rappel des principes. Le niveau de vie durant la vie commune constitue la limite de l’entretien entre époux dans les mesures protectrices de l’union conjugale (consid. 2.1).
Revenu hypothétique – rappel des principes. Si un époux débiteur ou créancier d’entretien peut augmenter son revenu en fournissant un effort raisonnablement exigible, il faut lui imputer un revenu hypothétique. Lorsque la possibilité effective d’une augmentation de revenu fait défaut, il ne faut pas retenir de revenu hypothétique, sous réserve d’abus de droit. Le caractère exigible de l’effort et la possibilité effective d’atteindre un certain revenu sont deux conditions cumulatives. La première est une question de droit ; la seconde relève des faits (consid. 5.1).
Indemnité de l’assurance-chômage. La prise en compte d’une indemnité de l’assurance-chômage suppose que celle-ci puisse être obtenue (consid. 6.1
Mesures protectrices; revenu hypothétique; art. 176 CC
Revenu hypothétique – rappel des principes. Un revenu hypothétique peut uniquement être imputé lorsque ce dernier est possible et peut être raisonnablement exigé (consid. 3.4).
Divorce; procédure; art. 14 Cst.
Droit au mariage (art. 14 Cst.). Le droit au mariage (art. 14 Cst.) comprend le droit de se remarier. En l’espèce, le Tribunal fédéral laisse ouverte la question de savoir si le recourant peut tirer de la garantie constitutionnelle un droit à une décision partielle sur le principe du divorce dans la procédure de divorce, en précisant toutefois que ce point de vue est défendu en doctrine en lien avec certaines situations de fait (consid. 1.1.3).
Divorce; audition de l’enfant; procédure; art. 296 et 299 CPC; 41 al. 1 LTF
Représentation de l’enfant devant le Tribunal fédéral (art. 41 al. 1 LTF ; art. 299 CPC). Le Tribunal fédéral ne peut attribuer un représentant qu’à une partie et uniquement lorsque celle-ci est manifestement incapable de procéder elle-même (art. 41 al. 1 LTF). L’art. 299 CPC, selon lequel le tribunal doit ordonner la représentation de l’enfant si nécessaire, s’applique devant les instances cantonales, mais non devant le Tribunal fédéral (consid. 1).
Maxime inquisitoire (art. 296 CPC) – appréciation anticipée des preuves. Une appréciation anticipée des preuves est également possible lorsque la maxime inquisitoire s’applique, sous réserve d’une demande d’audition de l’enfant. Elle fait partie de l’appréciation des preuves qui ne peut être revue par le Tribunal fédéral que sous l’angle de l’arbitraire (art. 9 Cst.) (consid. 6.1).
Audition de l’enfant en deuxième instance. Le seul fait que la procédure de divorce dure depuis relativement longtemps n’implique pas nécessairement que les enfants doivent être auditionnés (à nouveau) en deuxième instance (consid. 6.2).
Divorce; protection de l’enfant; art. 307 al. 1 et 3 CC; 9 et 29 al. 2 Cst.
Injonction de participer à une thérapie (art. 307 al. 3 CC). La mise en place d’une thérapie parentale visant à améliorer la communication entre les parents peut être ordonnée si le développement de l’enfant est menacé, si les parents n’y remédient pas eux-mêmes et si la menace ne peut pas être écartée par une mesure moins incisive (principe de proportionnalité). Le Tribunal fédéral n’intervient que si l’autorité cantonale, plus proche de la situation de fait, a pris en considération des éléments qui ne jouent aucun rôle ou a omis de tenir compte de facteurs essentiels. En l’espèce, seule la volonté de l’enfant de ne plus voir son père fait obstacle à la reprise des relations personnelles, bien que tous les professionnels confrontés à l’enfant s’accordent à dire que son attitude est en disproportion évidente avec ses griefs contre son père. Le juge n’est pas lié par les souhaits de l’enfant et peut s’en écarter s’il respecte sa personnalité et motive soigneusement sa décision. La cour cantonale n’a donc pas excédé son pouvoir d’appréciation en enjoignant aux parents de participer à une thérapie (consid. 5.1 et 5.3).
Réparation d’une violation du droit d’être entendue – rappel des principes (art. 29 al. 2 Cst.). La violation du droit d’être entendu peut être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s’exprimer devant une autorité de recours disposant d’un plein pouvoir d’examen. En revanche, si la violation est grave, une réparation n’est pas envisageable, sauf si le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure. En l’espèce, la mise en place d’une thérapie systémique en application de l’art. 307 al. 3 CC ne nécessite pas l’accord des parties et la recourante n’émet aucune critique quant au choix du thérapeute ; son grief est donc infondé (consid. 6.1 et 6.2).
Divorce; étranger; procédure; DIP; art. 5 al. 3 Cst.; 317 CPC
Compétence ratione loci du Tribunal fédéral pour statuer sur une contribution d’entretien dans le cadre d’un divorce. La partie invoquant le grief d’incompétence ratione loci devant le Tribunal fédéral, alors que la procédure de divorce a été ouverte plus de 5 ans auparavant, précédée d’une requête de mesures protectrices qu’elle a elle-même introduite plus de 7 ans auparavant en Suisse, contrevient au principe de la bonne foi procédurale (art. 5 al. 3 Cst.) (consid. 3).
Recevabilité de nova – rappel des principes (art. 317 CPC). Une pièce n’est recevable en appel que s’il n’était pas possible, en faisant preuve de la diligence nécessaire, de la produire avant la clôture des débats principaux de première instance (en l’espèce, l’attestation médicale relative à une détérioration de l’état de santé durant la procédure de première instance aurait pu être produite en première instance) (consid. 5.3).
Divorce; procédure; art. 47 et 183 al. 2 CPC
Nouvelle expertise. Lorsqu’il s’agit de déterminer si une nouvelle expertise peut être ordonnée, il faut garder à l’esprit qu’en présence d’enfants, les circonstances peuvent évoluer rapidement (consid. 2.4).
Récusation de l’expert (art. 47 cum 183 al. 2 CPC). En l’espèce, le seul fait que l’expert considère que l’examen des père et mère est nécessaire pour permettre de prendre les décisions relatives à l’enfant ne permet pas de conclure que l’expert manque d’impartialité. Il est approprié que l’expert prenne en compte l’environnement social immédiat de l’enfant, en particulier ses parents, afin de déterminer de manière complète ses intérêts (consid. 3.1.3).
Modification de jugement de divorce; étranger; garde des enfants; droit de visite; procédure; DIP; art. 298 et 315 CP; 301a al. 2 lit. a et al. 5 CC; 9 et 29 al. 2 Cst.; 8 § 1 et 13 CEDH
Effet suspensif de l’appel portant sur l’exécution de mesures provisionnelles (art. 315 al. 4 lit. b et al. 5 CPC). L’appel portant sur des décisions ayant trait aux mesures provisionnelles n’est en principe pas soumis à effet suspensif. En revanche, l’exécution des mesures provisionnelles peut être exceptionnellement suspendue si la partie concernée risque de subir un préjudice difficilement réparable, à moins que l’appel paraisse d’emblée irrecevable ou manifestement mal fondé. En l’espèce, la recourante a demandé de surseoir à l’exécution de la mesure provisionnelle autorisant son ex-époux à modifier le lieu de résidence de leur enfant. Dès lors que le père est seul titulaire de la garde depuis 2009 et que l’enfant ne se sent pas en sécurité avec sa mère et préfère vivre auprès de son père, refuser l’effet suspensif à l’appel de la recourante ne paraît pas d’emblée inéquitable (consid. 5.3).
Modification d’un jugement de divorce; étranger; garde des enfants; protection de l’enfant; DIP; enlèvement international; art. 14 LF-EEA; 12, 26 al. 3 et 42 CLaH80
Résidence habituelle au sens de CLaH80. La notion de résidence habituelle, non définie par la CLaH 80, est basée sur une situation de fait et se détermine selon les critères suivants : le centre effectif de la vie et des attaches, la durée du séjour, la régularité, la maîtrise de la langue, les conditions et les raisons du séjour sur le territoire et la nationalité de l’enfant. Ainsi, elle coïncide donc souvent avec le centre de vie d’un des parents, les relations familiales du très jeune enfant avec le parent qui en a la charge étant en principe déterminantes. L’enfant peut cependant avoir deux résidences habituelles alternatives et successives, en particulier en cas de garde alternée pendant une période assez longue pour entraîner régulièrement un changement de la résidence habituelle (consid. 5.1.2 et 5.3).
Applicabilité de la Convention de la Haye sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants (art. 4 CLaH). La CLaH80 s’applique à tout enfant de moins de 16 ans qui avait sa résidence habituelle dans un Etat contractant immédiatement avant l’atteinte aux droits de garde ou de visite. En l’espèce, la fille du couple avait moins de 16 ans et se trouvait alternativement en Suisse et en Allemagne sous un régime d’autorité parentale conjointe et de garde alternée avec changement toutes les deux semaines, immédiatement avant le non-retour en Allemagne. La CLaH80 est donc applicable (consid. 5.1.1 et 5.2).
Modification de jugement de divorce; entretien; procédure; art. 13cbis al. 1 Tit. fin. CC
Entretien de l’enfant – retenue du Tribunal fédéral. En ce qui concerne la modification de l’entretien de l’enfant, le juge du fond dispose d’un large pouvoir d’appréciation (art. 4 CC) et le Tribunal fédéral fait preuve de retenue dans son examen (consid. 2.3)
Entretien de l’enfant – droit transitoire (art. 13cbis al. 1 Tit. fin. CC). Les procédures en cours à l’entrée en vigueur (1er janvier 2017) de la révision du droit de l’entretien de l’enfant sont soumises au nouveau droit (art. 13cbis al. 1 Tit. fin. CC). Lorsque le nouveau droit s’applique à une procédure pendante ayant pour objet des contributions d’entretien avant et après cette date, le juge doit fixer celles-ci pour la période antérieure et postérieure au 1er janvier 2017, de préférence dans deux points séparés du dispositif de son jugement. Le juge ne doit toutefois appliquer le nouveau droit qu’aux contributions d’entretien dues à partir du 1er janvier 2017, car le nouveau droit de l’entretien de l’enfant n’a pas d’effet rétroactif (consid. 4.1.2).
Allocation pour enfant ou de formation professionnelle – ancien et nouveau droit. Il faut déduire des besoins de chaque enfant créancier d’entretien l’allocation pour enfant ou l’allocation de formation professionnelle (consid. 4.6 et 4.9).
Frais de prise en charge – ancien droit. En principe, le minimum vital, au sens du droit des poursuites, d’enfants de parents mariés ou divorcés englobe également les frais de prise en charge par des tiers. En l’espèce, l’instance précédente a retiré les frais de prise en charge par des tiers du calcul du minimum vital des enfants. Ce faisant, elle a calculé des besoins courants des enfants plus élevés que leurs besoins de prise en charge. Une telle manière de faire s’impose dans le but de garantir l’égalité de traitement entre les enfants créanciers d’entretien dans les situations de manque de moyens financiers (consid. 4.8).
Frais de prise en charge – nouveau droit. Sous l’empire du nouveau droit de l’entretien de l’enfant, la prise en charge par des tiers et la prise en charge personnelle sont sur un pied d’égalité ; aucun type de prise en charge ne doit avoir la priorité sur l’autre. Les frais de prise en charge par des tiers sont pris en compte dans les besoins courants de l’enfant en tant que coûts directs et ceux de la prise en charge personnelle font partie de la contribution de prise en charge en tant que coûts indirects. Si les moyens financiers sont insuffisants, il faut en premier lieu couvrir les besoins courants ; pour ne pas avantager les enfants pris en charge par des tiers, les coûts de prise en charge par des tiers doivent alors être exclus des besoins courants (consid. 4.9).
Couple non marié; étranger; autorité parentale; procédure; DIP; art. 5 et 7 CLaH96
Résidence habituelle de l’enfant (art. 7 CLaH96). Le lieu de résidence peut être qualifié d’habituel dès que l’enfant mineur déménage avec le parent qui en a la garde en un nouveau lieu appelé à devenir le centre durable de sa vie et de ses intérêts. En l’espèce, lorsque l’enfant a déménagé, l’autorisation de déménagement à l’étranger octroyée par l’autorité de première instance à la mère était déjà exécutoire car tout effet suspensif avait été écarté. Le déménagement était donc conforme à la CLaH96 (consid. 3.3).
Effet suspensif et déplacement de mineur à l’étranger (art. 5 CLaH96). Lors d’une procédure d’autorisation de déplacement de mineur à l’étranger, l’effet suspensif ne doit être refusé qu’exceptionnellement, afin d’éviter que les autorités suisses perdent leur compétence suite au transfert de l’enfant mineur à l’étranger (consid. 3.4).
Couple non marié; entretien; étranger; procédure; art. 285 et 286 al. 2, 13c Tit. fin. CC; 407b CPC; 9 Cst.
Arbitraire dans l’établissement de faits futurs prévisibles – rappel des critères. Les parties peuvent présenter des pièces destinées à prouver des faits futurs, si ces derniers sont prévisibles et influent sur le sort du litige. En revanche, elles ne peuvent pas se prévaloir dans l’action en modification de moyens de preuve qui auraient pu être présentés devant l’instance précédente si elles avaient fait preuve de diligence (consid. 3.2.2 et 3.3.2).
Statut de fait nouveau de l’entrée en vigueur du nouveau droit de l’entretien de l’enfant (art. 13cbis al. 1 Tit. Fin). Le nouveau droit de l’entretien de l’enfant est directement applicable aux procédures en cours et permet de demander la modification d’une contribution d’entretien fixée antérieurement. L’entrée en vigueur du nouveau droit justifie donc une demande de modification des pensions, pour autant que les parties rédigent des conclusions en ce sens dans les délais qui leur sont impartis. En l’espèce, les parties se plaignaient du défaut d’application du nouveau droit. Comme elles ne prétendent pas avoir été empêchées de modifier leurs conclusions en procédure d’appel, leur critique doit être rejetée (consid. 4.2).
Couple non marié; garde des enfants; protection de l’enfant; art. 310 al. 1 CC
Retrait du droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant (art. 310 al. 1 CC) – rappel des principes. Lorsque l’autorité de protection de l’enfant examine si le droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant doit être retiré (art. 310 al. 1 CC), l’intérêt objectif de l’enfant est décisif. La décision relève du pouvoir d’appréciation du juge (art. 4 CC), encadré par les principes de proportionnalité et de subsidiarité ; le Tribunal fédéral fait preuve de retenue dans son examen. Le retrait du droit de déterminer le lieu de résidence, qui constitue une mesure incisive pour toutes les personnes impliquées, ne peut être admis que si le danger pour le développement de l’enfant ne peut pas être repoussé par l’une des mesures prévues aux art. 307 et 308 CC. Il n’a pas pour objectif de récompenser ou de sanctionner des comportements passés, mais vise uniquement à prévenir une mise en danger future du bien de l’enfant (consid. 5.1 et 5.2).
Abus sexuels. En retenant qu’en présence de liens nourriciers, une politique de tolérance zéro doit être appliquée envers d’éventuels abus sexuels, l’autorité précédente a suivi la jurisprudence du Tribunal fédéral (cf. TF 5A_444/2016 du 18 mai 2017, consid. 6.3) (consid. 5.2).
Couple non marié; garde des enfants; art. 133 et 298 al. 2ter CC
Garde alternée – rappel des principes. Le bien supérieur de l’enfant est le critère déterminant dans la décision d’attribution de la garde. Afin de le déterminer, le juge doit en premier lieu examiner les capacités éducatives des parents et leur volonté de communiquer et coopérer. On ne saurait déduire une incapacité à coopérer du seul refus d’instaurer la garde alternée. En revanche, un conflit marqué et persistant entre les parents risque d’exposer de manière récurrente l’enfant à une situation conflictuelle contraire à son intérêt. Si les parents disposent de capacités éducatives, le juge doit dans un deuxième temps évaluer les autres critères d’appréciation pertinents pour l’attribution de la garde. En l’espèce, vu le large droit de visite de l’intimée (tous les lundis et jeudis midi et, en alternance, une semaine sur deux, le mardi soir ou le week-end entier dès le jeudi soir), on peine à percevoir en quoi la garde alternée une semaine sur deux exposerait davantage l’enfant au conflit opposant ses parents (consid. 3.1 et 3.3).
Force probante du rapport d’un curateur de l’enfant. Le juge peut ordonner une expertise et ensuite s’écarter de ses conclusions, pourvu qu’il motive les raisons de sa décision. Il peut également solliciter un rapport du service de protection de l’enfance ou du curateur de l’enfant, des conclusions duquel il peut s’écarter à des conditions moins strictes que celles valant pour l’expertise judiciaire (consid. 4.1 et 4.2).
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