Droit matrimonial - Newsletter novembre 2018
Editée par Bohnet F., Burgat S., Dreni I., Guillod O., Saint-Phor J.
Editée par Bohnet F., Burgat S., Dreni I., Guillod O., Saint-Phor J.
On ne présente plus cet ouvrage, qui s’est établi en quelques années comme une référence de premier recours pour la pratique judiciaire en droit privé. Désormais présentée en deux volumes, la 2e édition a été entièrement mise à jour et complétée de nombreuses actions, en particulier en matière commerciale.
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L'analyse porte sur l'arrêt du TF 5A_384/2018, paru dans la newsletter du mois d'octobre 2018.
Divorce; protection de l’enfant; entretien; art. 125 al. 1 et al. 2 ch. 6, 163, 276a al. 1, 285 al. 2 CC
Méthode de calcul des contributions d’entretien. La loi n’impose pas une méthode spécifique pour le calcul des contributions d’entretien, mais le mélange de méthodes individuelles n’est pas admis. Vu la réforme du droit de l’entretien au 1er janvier 2017 qui complique les calculs et vu la mobilité intercantonale croissante, le Tribunal fédéral doit déterminer une méthodologie uniforme pour toute la Suisse dans ce domaine. Il a récemment fait un premier pas (TF 5A_454/2017) en imposant la méthode dite du coût de la vie. Il clarifie ici l’exigibilité d’une activité lucrative du parent prenant en charge l’enfant et les relations entre la contribution de prise en charge et l’entretien de l’ex-conjoint (consid. 4.1).
Contribution de prise en charge de l’enfant. L’art. 285 al. 2 CC, élément central de la révision de 2017, prévoit que la contribution d’entretien sert aussi à garantir la prise en charge de l’enfant par les parents et les tiers. C’est une troisième composante de l’entretien, à côté de la contribution pécuniaire et de l’entretien en nature. La contribution pécuniaire doit couvrir les coûts (directs) de prise en charge par un tiers, à savoir les frais payés au tiers pour les soins, l’éducation et la formation de l’enfant. La contribution de prise en charge couvre les coûts (indirects) encourus par un parent qui, en raison de la prise en charge personnelle de l’enfant, est empêché d’avoir une activité lucrative pour subvenir à son propre entretien.
Idem. Relations avec les autres composantes de l’entretien. Si les ressources manquent, la contribution pécuniaire passe avant la contribution de prise en charge, parce qu’elle sert directement à la satisfaction des besoins matériels de l’enfant, tandis que la contribution de prise en charge est affectée économiquement au parent qui prend soin de l’enfant et ne couvre donc qu’indirectement les besoins de l’enfant (application par analogie de l’art. 276a al. 1 CC. L’obligation d’entretien envers l’enfant mineur prime l’entretien de la famille (art. 163 CC) et l’entretien après divorce (art. 125 CC). Ainsi, les fonds disponibles doivent servir d’abord à couvrir la contribution pécuniaire à l’entretien de l’enfant, puis à sa prise en charge et enfin à l’entretien de la famille ou après le divorce (consid. 4.3).
Idem. Principe de continuité. La contribution de prise en charge n’est pas un salaire pour les soins donnés à l’enfant, mais doit garantir la présence physique du parent auprès de l’enfant. Comme il appartient aux parents, et non à l’Etat, de se répartir librement les rôles, leur choix mérite d’être protégé au-delà de leur séparation (principe de continuité), car cela correspond en principe à l’intérêt de l’enfant. Le principe de continuité doit donc aussi être appliqué, indépendamment de l’état civil, à la contribution de prise en charge (consid. 4.4 et 4.5).
Idem. Exigibilité d’une activité lucrative du parent prenant en charge les enfants. Le principe de continuité ne vaut pas pour l’éternité. Il faut donc fixer des règles sur l’exigibilité d’une activité lucrative du parent séparé prenant l’enfant en charge, en acceptant le principe d’égalité entre la prise en charge par un parent ou par un tiers et donc en tenant compte de la disponibilité de structures d’accueil de l’enfance. En cas de désaccord entre les parents, le parent prenant en charge l’enfant n’a pas un droit unilatéral de choisir la forme de prise en charge de l’enfant, qui relève de l’exercice de l’autorité parentale. La question centrale est donc de savoir dans quelle mesure et pour combien de temps l’enfant a besoin d’une prise en charge personnelle par le parent dans le cas concret (consid. 4.6 et 4.7). La scolarisation de l’enfant libère progressivement le parent d’une partie de la prise en charge de l’enfant et constitue ainsi un critère approprié pour fixer de nouveaux paliers dans l’exigibilité d’une activité lucrative. Il faut dès lors exiger en principe du parent qui s’occupe de l’enfant qu’il exerce une activité rémunérée à 50% dès la scolarité obligatoire du plus jeune enfant, à 80% dès que l’enfant le plus jeune entre à l’école secondaire et à plein temps dès qu’il atteint l’âge de 16 ans (consid. 4.7.6). Par ailleurs, le tribunal de première instance devra vérifier dans les faits si le parent qui s’occupe de l’enfant ne peut pas être déchargé autrement que par la scolarité obligatoire (par exemple : placement de l’enfant dans une crèche avant la scolarité obligatoire). On sait que dans la plupart des ménages communs, les deux parents travaillent ; il n’y a pas de raison qu’il en aille autrement dans les ménages séparés, d’autant moins qu’une telle situation entraine des coûts plus élevés (consid. 4.7.7). En résumé, il faut retenir comme lignes directrices premièrement qu’on peut exiger du parent prenant en charge un enfant qu’il prenne, reprenne ou étende son activité lucrative dès le début de la scolarité obligatoire et deuxièmement que le juge prenne en compte équitablement la décharge du parent découlant de la prise en charge volontaire de l’enfant par des tiers, avant ou à côté de l’école (consid. 4.7.8). Des dérogations à ces lignes directrices restent bien sûr possibles dans des cas particuliers (consid. 4.7.9).
Application des nouvelles lignes directrices à l’entretien entre (ex-)conjoints. Le mariage a perdu son caractère d’ « institution de prévoyance » et le taux de divorce approche 50%. On ne peut dès lors plus vraiment parler de la confiance digne de protection dans la continuation du mariage. Il faut tenir compte des changements sociaux et également du développement de la prise en charge des enfants par des tiers, à laquelle recourent la majorité des parents. Ainsi, l’entretien dû à un (ex-)conjoint doit suivre les mêmes lignes directrices que celles posées aux consid. 4.7.6 ss (consid. 4.8.2).
Mesures protectrices; entretien; art. 176 al. 1 ch. 1 CC
Taux d’activité du débiteur d’une contribution d’entretien – Principe et exception. En règle générale, il ne peut être attendu du débiteur de l’entretien qu’il travaille à un taux d’activité supérieure à 100%. Il est possible de s’écarter de ce principe, lorsque que l’exercice d’une activité accessoire est effectivement envisageable et qu’elle peut être exigée du débiteur en fonction des circonstances personnelles, notamment l’âge et le mode de vie antérieur. Pas d’exception en l’espèce, confirmation de la prise en compte du revenu moyen sur trois ans du mari, qui détient la Sàrl dont il est employé, de telle sorte que son revenu doit être calculé comme s’il était indépendant (consid. 3.1).
Calcul des charges – frais de transports et téléphonie. Le Tribunal fédéral confirme les montants retenus par le Tribunal cantonal à titre de déplacements professionnels (nb de KM jusqu’au lieu de travail à 70 cts/km.) et de téléphone, qui ne sont pas remboursés par la Sàrl (consid. 4).
Mesures protectrices; entretien; art. 176 al. 1 ch. 1 CC; 9 Cst.
Calcul des charges afférentes à l’immeuble – Calcul forfaitaire ou preuve concrète. Il est parfois inévitable de recourir à un calcul forfaitaire pour déterminer les besoins des époux. Cela peut être le cas pour le calcul des charges d’un immeuble. Ce procédé tient compte de certaines difficultés de preuves qui peuvent surgir après de longues années de mariage. Mais il n’est pas arbitraire de refuser un calcul forfaitaire et d’exiger la preuve concrète de ces coûts, lorsque cette preuve peut être raisonnablement apportée (consid. 3.3).
Entretien – interdiction de la reformatio in peius (art. 9 Cst.). Rappel de principes (consid. 3.4).
Mesures protectrices; entretien; revenu hypothétique; procédure; art. 29 al. 2 Cst.; 176, 179 CC
Droit d’être entendu en rapport avec la question du revenu hypothétique (art. 29 al. 2 Cst.). Le principe même de l’imputation d’un revenu hypothétique est une question de droit usuelle qui n’est pas inédite au point de nécessiter une interpellation spécifique de la part du tribunal pour que l’intéressé puisse s’exprimer à ce sujet (consid. 3.2).
Modification des mesures protectrices (art. 179 CC). Rappel du principe sur les faits nouveaux (consid. 5.1.1).
Revenu hypothétique (art. 176 CC). Lorsque le débirentier exerçait une activité lucrative à plein temps et assumait son obligation d’entretien, il doit entreprendre tout ce qui est en son pouvoir pour continuer à assumer dite obligation. Même dans l’hypothèse d’un changement involontaire d’emploi, dans lequel il se satisfait en connaissance de cause d’une activité lucrative lui rapportant des revenus moindres, il doit se laisser imputer le revenu qu’il serait capable de réaliser en mettant à profit sa pleine capacité de gain. L’examen des exigences à remplir relève de l’appréciation du juge. Si le débirentier diminue volontairement son revenu, il n’est pas arbitraire de lui imputer le revenu qu’il gagnait précédemment (consid. 5.1.2).
Mesures protectrices; entretien; revenu hypothétique; procédure; art. 176 al. 1 let. b LTF; 125, 163, 176 al. 1 ch. 1 CC
Intérêt digne de protection (art. 176 al. 1 let. b LTF). Le seul fait d’introduire une requête de mesures provisionnelles en parallèle d’un recours au Tribunal fédéral – fût-ce pour la même période que celle qui concerne le recours – ne saurait avoir pour conséquence de le rendre sans objet ou de supprimer l’intérêt digne de protection à l’annulation de la décision attaquée par celui-ci (consid. 1.2.2).
Détermination du revenu effectif d’un indépendant (art. 163 CC). Rappel des principes. Lorsque le revenu d’un indépendant est fluctuant, il convient de tenir compte du bénéfice net moyen réalisé durant plusieurs années (dans la règle, les trois dernières). Il peut être fait abstraction des bilans présentant des situations comptables exceptionnelles, particulièrement bons ou spécialement mauvais. Lorsque les revenus diminuent ou augmentent de manière constante, le gain de l’année précédente est considéré comme le revenu décisif, qu’il convient de corriger en prenant en considération les amortissements extraordinaires, les réserves injustifiées et les achats privés. Lorsque les allégations sur le montant des revenus ne sont pas vraisemblables ou que les pièces produites ne sont pas convaincantes, les prélèvements privés peuvent être pris en considération, car ils constituent un indice permettant de déterminer le train de vie ; cet élément peut servir de référence pour fixer la contribution due. La détermination du revenu d’un indépendant peut en conséquence se faire en référence soit au bénéfice net, soit aux prélèvements privés, ces deux critères étant toutefois exclusifs l’un de l’autre et ne pouvant ainsi être additionnés (consid. 4.1).
Fixation de la contribution d’entretien (art. 125, 163 et 176 al. 1 ch. 1 CC). Pour fixer la contribution d’entretien, selon l’article 176 al. 1 ch. 1 CC, le juge doit partir de la convention que les époux ont conclue au sujet de la répartition des tâches et des ressources entre eux. Il doit prendre en considération qu’en cas de suspension commune, les époux ont le devoir de participer aux frais supplémentaires qu’engendre la vie séparée. Il peut à cet effet modifier la convention conclue pour la vie commune. Il est dans ce sens admis que le juge doit prendre en considération les critères applicables à l’entretien après le divorce (art. 125 CC) pour statuer sur la contribution d’entretien et, en particulier, sur la question de la reprise ou de l’augmentation de l’activité lucrative d’un époux (consid. 5.1.1).
Détermination du revenu hypothétique (art. 176 CC). Rappel des critères généraux (consid. 5.1.2).
Mesures protectrices; protection de l’enfant; procédure; art. 443 al. 1, 450 al. 1 et 2 ch. 2 CC
Avis de détresse au sens de l’art. 443 al. 1 CC. L’art. 443 al. 1 CC prévoit un droit d’avis qui est conféré à toute personne (consid. 3). Or, la personne qui exerce ce droit de dénonciation n’a ensuite pas un droit à l’ouverture d’une procédure, ni à participer à la procédure ou au prononcé d’une décision au fond (consid. 5).
Avis de détresse – Distinctions. Le droit d’aviser l’autorité se distingue du droit de déposer un recours, qui n’existe que lorsqu’il est prévu par la loi pour un groupe spécifique de personnes (consid. 5). En effet, le droit de déposer un recours n’est conféré qu’aux personnes qui ont la qualité de partie à la procédure et qui sont habilitées à exercer les droits des parties. Par ailleurs, un droit de recours au sens de l’art. 450 al. 1 CC ne peut être exercé que contre les décisions de l’APEA (consid. 3).
Divorce; entretien; art. 125, 285 al. 2 CC
Contribution de prise en charge en cas de garde alternée (art. 285 al. 2 CC). Même si les deux parents travaillent et se partagent à égalité la prise en charge, il se peut que l’un d’eux ne parvienne pas à assumer seul son propre entretien. Dans ce cas, on peut envisager d’imposer à l’autre parent le versement d’une contribution de prise en charge (consid. 3.1.1).
Exigence de reprise d’une activité lucrative du parent gardien – nouveau droit. Le Tribunal fédéral a récemment modifié la jurisprudence jusque-là bien établie de la règle des « 10/16 ans ». Bien qu’il ait confirmé qu’en règle générale, il ne peut être exigé d’un parent qu’il exerce une activité lucrative à temps complet avant que l’enfant dont il a la garde ait atteint l’âge de 16 ans révolus, on est désormais en droit d’attendre de lui qu’il recommence à travailler, en principe, à 50% dès l’entrée de l’enfant à l’école obligatoire, et à 80% à partir du moment où celui-ci débute le degré secondaire (consid. 3.1.2).
A la place de fonder le raisonnement sur l’âge de l’enfant, il n’apparaît pas contraire au droit fédéral de se référer à la situation convenue jusqu’alors entre les époux pour éviter qu’une brusque modification des modalités de la prise en charge n’affecte le bien de l’enfant. Dès lors, il n’est pas décisif qu’en raison de la garde alternée instaurée entre les parents, la mère dispose d’un temps équivalent à celui du père pour exercer une activité lucrative. La situation vécue dans chaque cas particulier ne saurait cependant être maintenue sans limites. Il convient dès lors de déterminer la durée de la contribution de prise en charge (consid. 3.3).
Contribution d’entretien de l’époux post-divorce – principe du clean break Vs. principe de la solidarité (art. 125 CC). Rappel des principes (consid. 4.1).
Divorce; entretien; procédure; art. 125 CC; 117 ss CPC
Subsidiarité de l’assistance judiciaire gratuite par rapport aux obligations d’entretien. Rappel des principes. Le devoir de l’Etat d’accorder l’assistance judiciaire dans une cause non dénuée de chances de succès est subsidiaire par rapport aux obligations d’entretien et d’assistance découlant du droit de la famille. Sur le plan procédural, il s’ensuit qu’une partie à une procédure de droit matrimonial doit d’abord tenter d’obtenir, par une requête judiciaire, une avance sur les frais judiciaires de la part de l’autre partie. Ce n’est qu’en cas d’échec, qu’elle peut demander à l’Etat l’assistance judiciaire gratuite, laquelle n’est examinée que si la demande principale n’aboutit pas (consid. 3.1).
Modification du jugement de divorce; entretien; art. 286 al. 2 CC
Modification de la contribution d’entretien d’un enfant (art. 286 al. 2 CC, par renvoi de l’art. 134 al. 2 CC). Rappel du principe (consid. 3).
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