Droit matrimonial - Newsletter juin 2019
Editée par Bohnet F., Burgat S., Dreni I., Guillod O., Saint-Phor J., avec la participation de Bornick T.
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Mariage; couple; art. 34 al. 2 Cst.; 10a al. 2 et 11 al. 2 LDP
Droits politiques – votation fédérale du 28.02.2016 sur l’initiative populaire du 05.11.2012 « pour le couple et la famille – Non à la pénalisation du mariage », état d’information du corps électoral (art. 34 al. 2 Cst. ; 10a al. 2 et 11 al. 2 LDP).
Après le rejet le 28 février 2016 de l’initiative populaire du 5 novembre 2012 « Pour le couple et la famille – Non à la pénalisation du mariage », qui prévoyait de modifier la Constitution fédérale en y incorporant un art. 14 al. 2 interdisant de pénaliser les couples mariés par rapport aux autres couples, l’administration fédérale des contributions a indiqué que le nombre de couples mariés pénalisés s’élève en réalité à environ 450'000, et non pas aux 80'000 annoncés avant la votation. Le 18 juin 2018, un citoyen suisse a réclamé l’annulation de la votation fédérale du 28 février 2016 en faisant valoir que le corps électoral avait été induit en erreur par l’information inexacte donnée et que cela avait eu une influence sur l’issue du scrutin. Les chiffres avancés faisaient croire que le nombre de couples mariés concernés était marginal, alors qu’en réalité, plus de la moitié des couples mariés à deux revenus (66%) étaient touchés (consid. 2).
L’article 34 al. 2 Cst. protège la libre formation de l’opinion des citoyens. Il garantit aux citoyens qu’aucun résultat de vote ne soit reconnu s’il ne traduit pas de façon fidèle et sûre l’expression de la leur libre volonté. Chaque citoyen doit pouvoir se déterminer en élaborant son opinion de la façon la plus libre et complète possible et exprimer son choix en conséquence. Le texte soumis à votation doit être accompagné de brèves explications du Conseil fédéral, qui doivent rester objectives (art. 11 al. 2 LDP) et respecter les différents principes d’exhaustivité, d’objectivité, de transparence et de proportionnalité (art. 10a al. 2 LDP). S’il existe des incertitudes significatives sur l’exactitude d’une information, elles doivent être présentées comme telles ; principes qui valent d’autant plus pour les explications du Conseil fédéral (consid. 2.1).
Après avoir constaté le caractère erroné ou lacunaire de l’information diffusée (consid. 3 à 3.4), le Tribunal fédéral se demande si les irrégularités constatées ont pu influencer de façon déterminante le résultat du scrutin. En matière de recours contre les votations, la jurisprudence distingue ceux qui sont déposés avant ou peu après de ceux qui sont déposés bien après. Dans le second cas, les exigences pour l’annulation d’une votation sont élevées et le principe de la sécurité du droit (art. 5 Cst.), de la bonne foi (art. 9 Cst.) et de l’égalité (art. 8 al. 1 Cst.) peuvent s’y opposer. Il faut donc procéder à une pesée globale des intérêts (consid. 4.1).
Le Tribunal fédéral procède à une pesée d’intérêts et conclut que la sécurité du droit ne s’oppose pas à l’annulation du scrutin, que les irrégularités constatées sont crasses, que l’issue du scrutin est serrée et qu’il est dès lors possible que les irrégularités l’aient influencée. Par conséquent, le recours est admis et la votation fédérale du 28 février 2016 est annulée (consid. 4.3 et 5).
Mariage; étranger; procédure; art. 12 CEDH; 13, 14 et 29 al. 2 Cst.; 97a al. 1 CC
Refus de concourir à la célébration du mariage (art. 97a al. 1 CC). L’officier de l’état civil refuse son concours à la célébration du mariage lorsque l’un des fiancés ne veut manifestement pas fonder une vie conjugale, mais éluder les dispositions sur l’admission et le séjour des étrangers. Deux conditions cumulatives doivent être manifestement remplies : d’une part, l’absence de volonté de fonder une communauté conjugale d’une certaine durée ; d’autre part, l’intention d’éluder les dispositions sur l’admission et le séjour des étrangers. La volonté de fonder une communauté conjugale est un élément intime qui ne peut pas être prouvé directement. Le plus souvent, l’abus ne peut être établi qu’au moyen d’un faisceau d’indices, qui peuvent concerner des circonstances externes ou consister en des éléments d’ordre psychique, relevant de la volonté interne. L’existence d’un mariage abusif est une question de droit (consid. 4.1).
Etendue de l’exigence de motivation (art. 29 al. 2 Cst.). Le droit d’être entendu implique notamment le devoir pour l’autorité de motiver sa décision. Il suffit de constater qu’un fiancé n’a pas réellement la volonté de fonder une communauté conjugale pour satisfaire à cette exigence, sans qu’il soit nécessaire de motiver la décision quant à la situation de l’autre fiancé (consid. 5.1, 5.2 et 6.2).
Limite du droit au mariage (art. 12 CEDH ; 13 et 14 Cst.). L’article 12 CEDH consacre le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l’exercice de ce droit. Le droit au mariage n’est toutefois pas absolu et des mesures destinées à lutter contre les mariages de complaisance sont admissibles, pour autant qu’elles soient raisonnables et proportionnées et qu’elles visent à déterminer si l’intention matrimoniale des futurs époux est réelle et sincère, à savoir repose sur la volonté de fonder une communauté conjugale (consid. 6.1).
Mesures protectrices; étranger; protection de l’enfant; procédure; art. 1, 3, 5 et 13 CLaH80; 5 LF-EEA
Conditions du retour immédiat des enfants déplacés illicitement (art. 1, 3, 5 let. a et 13 CLaH80). La CLaH80 a pour but d’assurer le retour immédiat des enfants déplacés ou retenus illicitement dans un Etat contractant et de faire respecter les droits de garde et de visite existants dans un Etat contractant (art. 1er CLaH80). Le retour de l’enfant dans son pays de provenance ne peut être ordonné que si le déplacement est illicite au sens de l’article 3 CLaH80 et si aucune des exceptions au retour prévues par l’article 13 CLaH80 n’est réalisée. Le déplacement ou le non-retour est considéré comme illicite lorsqu’il a lieu en violation d’un droit de garde attribué par le droit de l’Etat dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement et que ce droit était exercé de façon effective. En matière internationale, le droit de garde comprend le droit portant sur les soins de la personne de l’enfant, en particulier celui de décider de son lieu de résidence (art. 5 let. a CLaH80) (consid. 3.2 et 3.2.1).
Exceptions au retour (art. 13 CLaH80). Les exceptions au retour doivent être interprétées de manière restrictive, le parent ravisseur ne devant tirer aucun avantage de son comportement illégal. La première exception est donnée lorsque le parent qui avait le soin de l’enfant et qui réclame son retour a consenti ou acquiescé postérieurement à son déplacement (art. 13 al. 1 let. a CLaH80). La deuxième exception vise les cas où il existe un risque grave que le retour n’expose l’enfant à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière ne le place dans une situation intolérable (art. 13 al. 1 let. b CLaH80) (consid. 4.1, 4.2.1, 6.2, 6.2.1 et 6.2.2).
Critère du retour intolérable (art. 13 al. 1 let. b CLaH80 ; 5 LF-EEA). Seuls des risques graves doivent être pris en considération, à l’exclusion de motifs liés aux capacités éducatives des parents. L’article 5 LF-EEA énumère une liste non exhaustive de cas dans lesquels le retour de l’enfant ne peut plus entrer en ligne de compte parce qu’il placerait celui-ci dans une situation manifestement intolérable, notamment lorsque le placement auprès du parent requérant n’est manifestement pas dans l’intérêt de l’enfant, lorsque le parent ravisseur n’est pas en mesure de prendre soin de l’enfant dans l’Etat de résidence habituelle ou que l’on ne peut manifestement pas l’exiger de lui ou encore quand le placement auprès de tiers n’est manifestement pas dans l’intérêt de l’enfant. Le critère du retour intolérable dans le pays d’origine concerne l’enfant lui-même, et non les parents. Le retour peut donc entraîner une séparation entre l’enfant et la personne de référence. Lorsque le parent ravisseur crée lui-même une situation intolérable pour l’enfant en refusant de le raccompagner, alors qu’on peut l’exiger de lui, il ne peut invoquer la mise en danger de l’enfant à titre d’exception au retour. Un retour du parent ravisseur avec l’enfant ne peut pas être exigé si ce parent s’expose à une mise en détention ou s’il a noué en Suisse des relations familiales très solides (consid. 6.2.2 et 6.2.3). Le retour ne doit pas être ordonné dans un endroit précis du pays de provenance (consid. 6.3).
Mesures protectrices; entretien; art. 173 et 176 CC
Titre de mainlevée de l’opposition au paiement d’arriérés d’entretien (art. 80 LP). Le juge chargé de calculer les contributions d’entretien dues rétroactivement pendant la vie commune ou durant la vie séparée (173 ou 176 CC) doit prendre en compte les montants que le débiteur a déjà payés. La décision de mesures protectrices de l’union conjugale qui condamne au versement rétroactif de contributions d’entretien, en réservant les contributions déjà versées, ne peut constituer un titre de mainlevée définitive de l’opposition (art. 80 LP) que si elle permet une détermination précise du montant à déduire (consid. 3.3.1).
Récupération du trop-perçu. Si le débiteur d’aliments ne demande pas seulement au juge de prendre en compte ce qu’il a déjà payé, mais réclame aussi la restitution d’un excédent, il doit agir par le biais d’une action ordinaire ou dans le contexte de la dissolution du régime matrimonial (consid. 3.3.2).
Mesures protectrices; procédure; art. 328 al. 1 CPC
Mesures protectrices et révision (art. 328 al. 1 CPC). Les mesures protectrices de l’union conjugale (et les mesures provisionnelles dans une procédure de divorce) jouissent d’une autorité de la chose jugée relative. Elles peuvent être modifiées ou révoquées selon l’article 179 al. 1 CC (par renvoi de l’art. 276 al. 1 CPC pour les mesures provisionnelles) en cas de changement essentiel et durable. Ce motif de modification n’exclut toutefois pas les motifs généraux de révision de l’article 328 al. 1 CPC, à la différence du régime ordinairement applicable aux mesures provisionnelles. En outre, l’action en modification ne peut se fonder que sur des vrais nova, de sorte que seule la voie de la révision est ouverte quand il s’agit d’invoquer des pseudo nova qui ne pouvaient être présentés avant le début des délibérations d’appel (consid. 3.2).
Divorce; couple; autorité parentale; protection de l’enfant; art. 298, 311 CC
Retrait de l’autorité parentale en raison de problèmes d’alcool (art. 311 al. 1 CC). L’argument qu’un parent ne peut ou ne veut plus exercer l’autorité parentale conformément à ses devoirs en raison de sa dépendance à l’alcool conduirait à un retrait de l’autorité parentale sur la base de l’art. 311 al. 1 CC, ce qui justifierait aussi une attribution exclusive de l’autorité parentale selon l’art. 298 CC (consid. 3.1).
Attribution de l’autorité parentale à un seul parent. Rappel de principes. Il ressort de l’art. 296 al. 2 CC en lien avec l’art. 298 al. 1 CC que l’autorité parentale conjointe est la règle. Cela repose sur l’hypothèse que le bien-être des enfants mineurs est mieux servi si les parents exercent l’autorité parentale conjointement. Il ne peut être dérogé à ce principe que si, exceptionnellement, une autre solution permet de mieux préserver les intérêts de l’enfant. Un conflit durable et grave entre les parents ou une incapacité persistante à communiquer au sujet des enfants peuvent notamment justifier l’attribution exclusive de l’autorité parentale. Cela suppose que les problèmes entre les parents portent concrètement atteinte au bien de l’enfant et que l’autorité parentale exclusive permettra vraisemblablement d’améliorer la situation. Une prévision de l’évolution de la relation entre les parents doit reposer sur des éléments de fait concrets. Ainsi, il faut examiner si l’autorité parentale conjointe peut causer une atteinte considérable au bien de l’enfant (consid. 4.1). Le juge n’est pas libre de décider si l’autorité parentale conjointe ou l’autorité parentale exclusive correspond mieux au bien de l’enfant, mais seulement d’examiner si l’autorité parentale exclusive est nécessaire pour sauvegarder le bien de l’enfant (art. 298 al. 1 CC) (consid. 4.4.1). Le Tribunal fédéral évoque sa jurisprudence récente dans laquelle il a admis l’attribution exclusive de l’autorité parentale (consid. 4.2).
Délimitation entre l’attribution de l’autorité parentale exclusive (art. 298 al. 1 CC) et le retrait de l’autorité parentale (art. 311 CC). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le seuil d’intervention pour l’attribution exclusive de l’autorité parentale au sens de l’art. 298 al. 1 CC est plus bas que pour le retrait de l’autorité parentale en tant que mesure de protection de l’enfant selon l’art. 311 CC. Alors que l’art. 311 CC suppose une mise en danger du bien de l’enfant, l’art. 298 al. 1 CC exige que l’attribution exclusive soit dans l’intérêt de l’enfant. L’attribution exclusive de l’autorité parentale est donc justifiée si les conditions de l’art. 311 CC pour retirer l’autorité parentale, qui constitue une ultima ratio, sont remplies (consid. 4.3).
Divorce; couple; entretien; mesures provisionnelles; procédure; art. 125, 163, 176 CC; 276 al. 1 CPC
Entretien entre époux ordonné en mesures provisionnelles. L’entretien entre époux durant la procédure de divorce doit être réglé en mesures provisionnelles, même si la demande principale n’est vraisemblablement pas fondée. Les conditions de fond du divorce selon l’art. 115 CC ne doivent donc pas être examinées dans le cadre des mesures provisionnelles (consid. 3.1).
Détermination des contributions d’entretien entre époux (art. 176 CC). Selon l’art. 176 al. 1 ch. 1 CC, auquel renvoie l’art. 276 al. 1 CPC, le juge fixe les contributions d’entretien à verser par un époux à l’autre. Dans la procédure de mesures provisionnelles, il convient exclusivement de déterminer l’entretien courant. Mari et femme ont droit de manière égale au maintien du niveau de vie antérieur ou, en cas de moyens financiers limités, à un standard de vie équivalent. Même lorsque la reprise de la vie commune ne peut plus sérieusement être envisagée, l’art. 163 CC demeure le fondement juridique de l’obligation d’entretien réciproque entre époux. En principe, le juge doit se fonder sur l’accord antérieur des époux sur la répartition des tâches et les prestations en argent, qui structure leur communauté conjugale (art. 163 al. 2 CC). Il doit ensuite tenir compte du fait que la suspension de la vie commune (art. 175 s. CC) oblige chaque époux à subvenir, selon ses facultés, aux frais supplémentaires engendrés par la vie séparée. Il se peut que, de ce fait, le tribunal doive modifier l’accord conclu par les époux pour l’adapter aux nouvelles conditions de vie. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre la jurisprudence selon laquelle, dans la fixation de la contribution d’entretien selon l’art. 163 CC, les critères applicables à l’entretien après le divorce (art. 125 CC) doivent également être pris en considération quand on ne peut plus s’attendre à une reprise de la vie commune. La durée du mariage (art. 125 al. 2 ch. 2 CC) ne doit pas être prise en compte tant que les époux sont encore mariés (consid. 5.1).
Montant des contributions d’entretien. Le montant des contributions d’entretien dépend des possibilités économiques et des besoins respectifs des époux. La loi ne prescrit pas de méthode particulière pour calculer les contributions d’entretien. Le juge du fait dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Si les époux vivent dans des conditions économiques favorables, les dépenses nécessaires au maintien du niveau de vie vécu durant le mariage doivent être prises en compte, ce qui suppose un calcul concret. Il appartient à l’époux qui demande un entretien d’expliquer les frais qui sont nécessaires au maintien du niveau de vie antérieur (consid. 5.1).
Divorce; droit de visite; art. 273 al. 1, 274 al. 2 CC
Relations personnelles (art. 273 et 274 CC). Rappel des principes relatifs à leur but et à leurs limites (consid. 5.2.1).
Relations personnelles après un divorce. Lors d’un divorce, on doit adopter en principe une réglementation durable des relations personnelles entre le parent qui n’a pas la garde et l’enfant, sauf à la modifier par la suite en cas de besoin. Le principe directeur est toujours le bien de l’enfant, déterminé en fonction des circonstances du cas concret. Il faut éviter de stigmatiser aux yeux de l’enfant le parent qui ne détient pas la garde et essayer de normaliser la relation. Selon les circonstances, il peut être souhaitable dans un premier temps, et en principe temporairement, de prévoir un droit de visite accompagné, qui assure un rapprochement prudent entre le parent et l’enfant, avant d’assouplir (en supprimant l’accompagnement) et d’étendre temporellement la réglementation vers un droit de visite coutumier (consid. 5.2.2).
Divorce; entretien; art. 285 al. 2 CC
Contribution de prise en charge de l’enfant. Exigibilité d’une activité lucrative du parent prenant en charge les enfants. Le Tribunal fédéral rappelle sa jurisprudence (ATF 144 III 481) sur la mesure dans laquelle on peut raisonnablement exiger une activité lucrative du parent qui prend en charge les enfants après la séparation (modèle du niveau scolaire). Il faut exiger en principe du parent qui s’occupe de l’enfant qu’il exerce une activité rémunérée à 50% dès la scolarité obligatoire du plus jeune enfant, à 80% dès que l’enfant le plus jeune entre à l’école secondaire et à plein temps dès qu’il atteint l’âge de 16 ans. Des dérogations à ce modèle sont possibles, en fonction du cas d’espèce, en particulier des possibilités de prise en charge par des tiers (consid. 3.2.2).
Divorce; entretien; revenu hypothétique; art. 125 CC
Revenu hypothétique. Rappel des principes. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral valable pour toutes les causes matrimoniales, le juge peut déterminer les contributions d’entretien en fonction d’un revenu hypothétique dans la mesure où soit le conjoint crédirentier, soit le conjoint débirentier pourraient gagner plus que leur revenu effectif. Cependant, si la possibilité réelle d’obtenir un revenu supérieur n’existe pas, il faut en faire abstraction. L’exigibilité et la possibilité de gagner un revenu sont deux conditions cumulatives qui doivent être remplies. La question de savoir quelle activité paraît exigible est une question juridique. La réponse dépend des qualifications professionnelles, de l’âge et de l’état de santé de la personne à laquelle un revenu hypothétique doit être imputé ainsi que de l’état du marché du travail. Savoir si l’activité peut être menée et si le revenu présumé peut effectivement être réalisé est une question de fait qui doit être résolue par des constatations correspondantes ou par l’expérience générale de la vie ; même dans ce dernier cas, il faut que soient établis des faits qui permettent une application de règles tirées de l’expérience générale (consid. 2.3).
Divorce; entretien; revenu hypothétique; art. 125, 285 al. 2 CC
Revenu hypothétique – rappel du principe (consid. 3.1).
Reprise d’une activité lucrative du parent gardien – critères. On est désormais en droit d’attendre du parent se consacrant à la prise en charge de l’enfant qu’il recommence à travailler, en principe, à 50% dès l’entrée du plus jeune enfant à l’école obligatoire, et à 80% à partir du moment où celui-ci débute le degré secondaire. Il ne s’agit que d’une ligne directrice, qui doit être assouplie dans des cas particuliers, s’il y a des motifs suffisants (désaccord des parents quant à la prise en charge, problèmes médicaux de l’enfant, offre réelle d’accueil extra-familial et autres options disponibles, avantages économiques liés à l’exercice d’une activité lucrative par les deux parents, capacité de gain de ceux-ci). La prise en charge personnelle d’une fratrie nombreuse prend plus de temps que s’il n’y a qu’un seul enfant, de sorte qu’une activité à 50 ou à 80% peut ne pas être exigé du parent gardien (consid. 4.1).
Divorce; entretien; revenu hypothétique; art. 125, 285 al. 2 CC
Calcul de la contribution d’entretien (art. 125 CC). Seules les charges effectives peuvent être prises en compte pour le calcul de la contribution d’entretien, à l’exclusion de dépenses hypothétiques. La charge fiscale prise en considération doit correspondre à celle de l’année de taxation en cours, et à celle future prévisible compte tenu des modifications induites par la séparation et des contributions payées ou versées (consid. 3.2.1).
Reprise d’une activité lucrative du parent gardien – critères (art. 285 al. 2 CC). On est désormais en droit d’attendre du parent gardien, en principe, qu’il commence ou recommence à travailler à 50% dès l’entrée de l’enfant à l’école obligatoire et à 80% à partir du moment où celui-ci fréquente le degré secondaire. Ces lignes directrices ne sont pas des règles strictes : leur application dépend du cas concret, car le juge du fait dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Si les parents faisaient ménage commun, il convient de se fonder sur l’organisation familiale qui prévalait avant la séparation, sans toutefois que ce modèle ne soit perpétué indéfiniment (consid. 3.2.2).
Divorce; entretien; mesures provisionnelles; revenu hypothétique; procédure; art. 285 al. 2 CC
Contribution de prise en charge (art. 285 al. 2 CC). La contribution d’entretien sert aussi à garantir la prise en charge de l’enfant par les parents et les tiers. Lorsque la prise en charge est assurée par l’un des parents (ou les deux), l’obligeant ainsi à réduire son activité professionnelle, la contribution de prise en charge doit permettre de garantir sa présence auprès de l’enfant. Si les parents exercent tous deux une activité lucrative sans toutefois se partager la prise en charge de l’enfant ou, au contraire, s’ils s’occupent tous deux de manière déterminante de l’enfant, le calcul de la contribution de prise en charge se fera sur la base du montant qui, selon les cas, manque à un parent pour couvrir ses propres frais de subsistance (consid. 5.2.1).
Méthode de calcul de la contribution de prise en charge (art. 285 al. 2 CC). La contribution d’entretien comprend désormais le coût lié à la prise en charge de l’enfant par le parent qui s’en occupe personnellement. La méthode dite des frais de subsistance a été considérée comme celle qui correspond le mieux au but du législateur pour déterminer les coûts indirects induits par la prise en charge de l’enfant. La détermination de ceux-ci s’effectue ainsi sur la base du montant qui, selon les cas, manque à un parent pour couvrir ses propres frais de subsistance (consid. 6.2).
Revenu hypothétique – rappel du principe (consid. 5.2.2).
Reprise d’une activité lucrative du parent gardien. On est désormais en droit d’attendre du parent gardien qu’il recommence à travailler en principe à 50% dès l’entrée de l’enfant à l’école obligatoire, et à 80% à partir du moment où celui-ci débute le degré secondaire. Dans les cas où les parents pratiquaient une répartition « classique » des rôles avant la dissolution du ménage commun, il pourra s’avérer plus adéquat de laisser le parent qui s’occupait principalement des enfants continuer de le faire pendant un certain temps, et inversement (principe de la continuité) ; mais le partage des tâches pratiqué avant la séparation ne saurait être perpétué indéfiniment. En tant que ligne directrice, ce modèle peut être assoupli dans des cas particuliers, en présence de motifs suffisants (consid. 5.2.3).
En l’espèce, l’intimée s’occupait des enfants de manière prépondérante, exerçant parallèlement une activité à taux réduit comme indépendante. Après la séparation, elle a trouvé un emploi salarié à 50%, qu’elle a dû quitter en raison de surmenage professionnel attesté par certificat médical, sans précision de durée. Il a été retenu qu’une augmentation de l’activité professionnelle à 70% pouvait être exigée dès que la plus jeune des filles aurait 13 ans. Ce taux d’occupation, légèrement inférieur à celui prévu par les lignes directrices, est justifié dès lors que la prise en charge des enfants incombe exclusivement à la mère (consid. 5.3.2.1 et 5.3.2.2).
Calcul de la contribution d’entretien de l’épouse (art. 125 CC). La Cour cantonale a réparti le disponible (sous déduction des contributions d’entretien aux enfants) à raison de 35% pour le mari et 65% pour son épouse, selon la méthode du minimum vital avec répartition de l’excédent, bien que les contributions en faveur des enfants aient été arrêtées de manière relativement large (méthode concrète). Cette répartition se justifiait, parce que l’épouse a la charge complète des enfants, et donc leur charge financière quand leur père devrait exercer son droit de visite, et parce que sa situation financière est moins confortable que celle du père (consid. 7.1 et 7.2.1).
Divorce; entretien; mesures provisionnelles; revenu hypothétique; procédure; art. 125 CC
Calcul de la contribution d’entretien (art. 125 CC). Seules les charges effectives, dont l’intéressé s’acquitte réellement, peuvent être prises en compte pour le calcul de la contribution d’entretien. Il appartient à l’intéressé d’apporter la preuve de leur paiement effectif (consid. 3.3).
Revenu hypothétique – rappel du principe (consid. 4.3). Dans le cas d’espèce, il n’apparaît pas arbitraire d’avoir imputé un revenu hypothétique à la recourante malgré son âge (52 ans), dès lors qu’elle a exercé, après la séparation, une activité lucrative à laquelle elle a elle-même volontairement mis fin (consid. 4.4).
Revenu hypothétique et fortune. Le revenu de la fortune est pris en considération au même titre que le revenu provenant de l’exercice d’une activité lucrative. Lorsque la fortune ne produit aucun ou qu’un faible rendement, il peut être tenu compte d’un revenu hypothétique. L’instance inférieure a estimé le taux de rendement de la fortune selon des critères défendables, à savoir la durée vraisemblable du placement, les taux de placement, les taux hypothécaires et le fait que la recourante n’est pas une professionnelle (consid. 5.3).
Divorce; entretien; avis au débiteur; procédure; art. 143 al. 1, 177, 291 CC; 23 al. 1 et 26 CPC
Nature de l’avis aux débiteurs (art. 291 CC). Déterminer le for pour prononcer un avis aux débiteurs (art. 339 al. 1, 23 al. 1 ou 26 CPC) dépend avant tout de la nature de l’objet du litige (consid. 3.1). Or, l’avis aux débiteurs présente des caractéristiques de droit civil et de droit de l’exécution forcée, sans pouvoir être clairement attribué à l’un des deux domaines. L’avis aux débiteurs a son fondement juridique en droit civil (art. 132 al. 1, 177 et 291 CC ; art. 13 al. 3 et 34 al. 4 LPart), qui réglemente aussi son champ d’application (créance alimentaire résultant du mariage, du divorce, du rapport de filiation ou du partenariat enregistré), en dehors duquel un avis aux débiteurs ne peut pas être ordonné. Le Tribunal fédéral a cependant décrit l’avis aux débiteurs comme une mesure d’exécution forcée privilégiée sui generis, compte tenu de son but, à savoir l’exécution d’une décision portant sur une somme d’argent. La mesure est sui generis parce que les décisions qui ont pour objet une somme d’argent sont généralement exécutées par la voie de la poursuite pour dettes (art. 38 al. 1 LP). La mesure est privilégiée, du point de vue du créancier, dans la mesure où, contrairement à l’exécution forcée selon la LP, elle s’applique aux contributions d’entretien futures et peut être ordonnée de manière illimitée, contrairement par exemple à la saisie de salaire selon l’art. 93 al. 3 LP (consid. 3.2). Le Tribunal fédéral a examiné la qualification de l’avis aux débiteurs à propos de questions de fond et de procédure très différentes. Par exemple, il a qualifié l’avis aux débiteurs fondé sur l’art. 177 CC de mesure provisionnelle selon l’art. 98 LTF, de sorte que la suspension des délais au sens de l’art. 46 al. 1 LTF ne s’applique pas au recours devant le Tribunal fédéral. Mais aucune réponse définitive ne peut être tirée de la jurisprudence quant à la détermination d’un for selon le CPC (consid. 4).
Compétence à raison du lieu pour ordonner un avis au débiteur (art. 291 CC). Pour désigner le for, le législateur utilise différents critères de rattachement, spécialement le domicile du défendeur, mais il peut prévoir un for différent (art. 30 al. 2 Cst.). Par exemple, il veut aider le demandeur économiquement plus faible à faire valoir ses prétentions et prévoit ainsi le for du domicile du demandeur. L’appréciation unique de plusieurs prétentions, le besoin particulier de protection d’une partie ou la proximité des preuves sont d’autres motifs de s’écarter du for du domicile du défendeur (consid. 5.1). Pour protéger le créancier d’entretien, vu comme la partie faible, le législateur voulait supprimer toute barrière juridique, notamment en lui permettant de saisir le tribunal le plus facilement accessible, à savoir celui de son domicile. Comme cette possibilité n’est pas offerte par l’art. 339 CPC (consid. 5.4), le for d’une action indépendante pour l’avis au débiteur doit être déterminé conformément à l’art. 23 al. 1 ou 26 CPC. Cette solution permet de maintenir la pratique des tribunaux cantonaux supérieurs selon laquelle les décisions indépendantes sur l’avis aux débiteurs peuvent faire l’objet d’un recours (consid. 5.6).
Conditions pour prononcer un avis au débiteur (art. 143 al. 1, 177 et 291 CC). L’avis aux débiteurs suppose que le débirentier « néglige » (art. 143 al. 1 et 291 CC), respectivement « n’exécute pas » (art. 177 CC) son obligation d’entretien imposée par un jugement. Une omission ponctuelle ou un retard isolé de paiement sont insuffisants. Pour justifier la mesure, il faut disposer d’éléments permettant de retenir de manière univoque qu’à l’avenir, le débiteur ne s’acquittera pas de son obligation, ou du moins qu’irrégulièrement. Par conséquent, le juge doit clarifier un état de fait qui ne ressort pas de la décision à exécuter. Si les conditions en sont remplies, le juge doit prononcer l’avis aux débiteurs, sans revenir sur la procédure préalable au fond (en divorce ou en protection de l’union conjugale). Toutefois, les droits fondamentaux du débirentier ne doivent pas être violés et les règles sur le revenu saisissable et la protection du minimum vital doivent être respectées. Le juge doit donc tenir compte de tout changement de la situation financière du débirentier. La tâche du juge ne se limite donc pas au simple examen de la force exécutoire du titre d’entretien, contrairement à ce que prévoit l’art. 341 al. 1 CPC pour le juge de l’exécution forcée (consid. 5.5.2).
Divorce; entretien; mesures provisionnelles; procédure; art. 176 al. 1 ch. 1, 276 al. 2, 276a al. 1, 285 al. 2 CC
Méthode de calcul de la contribution de prise en charge (art. 276 al. 2, 285 al. 2 CC). Il convient d’appliquer la méthode des frais de subsistance qui retient le critère de la différence entre le salaire net perçu de l’activité lucrative et le montant total des charges du parent gardien, étant précisé qu’il y a en principe lieu de se fonder sur le minimum vital du droit de la famille. Le minimum vital du droit des poursuites permet en effet une existence tout juste décente, limitée à la durée de l’exécution forcée, alors que les contributions d’entretien sont dues à bien plus long terme. On ne se réfère donc au minimum vital LP que si les ressources ne suffisent pas à couvrir les autres charges usuelles (consid. 5.3.1).
Ordre de priorité des contributions d’entretien (art. 276a al. 1 CC). L’obligation envers un enfant mineur prime les autres obligations d’entretien du droit de la famille. Les moyens à disposition doivent donc tout d’abord servir à couvrir les coûts directs de l’enfant, puis les coûts indirects de sa prise en charge. Ensuite, si un disponible subsiste, le juge examine si le conjoint peut également prétendre à une contribution d’entretien (consid. 5.3.2).
Calcul de la contribution d’entretien de l’époux (art. 176 al. 1 ch. 1 CC). La loi n’imposant pas de mode de calcul, les tribunaux ont un large pouvoir d’appréciation. Quelle que soit la méthode appliquée, le train de vie mené jusqu’à la cessation de la vie commune constitue la limite supérieure du droit à l’entretien. En cas de situation financière favorable, il faut recourir à la méthode concrète fondée sur les dépenses indispensables au maintien du train de vie durant la vie commune. La méthode du minimum vital élargi avec répartition de l’excédent est admissible lorsque les époux dépensaient l’entier de leurs revenus (pas d’économies) ou que, en raison des frais supplémentaires liés à l’existence de deux ménages séparés, la quote-part d’épargne existant jusqu’alors est entièrement absorbée par l’entretien (consid. 6.3 et 6.4).
Divorce; entretien; procédure; art. 176, 285 al. 2 CC; 276, 279 CPC; 18 al. 1 CO
Approbation et interprétation des conventions d’entretien (art. 279 CPC). A l’instar de la possibilité de conclure une convention soumise à approbation sur les effets accessoires du divorce (art. 279 CPC), les réglementations en matière d’entretien dans les procédures de protection du mariage et de divorce (cf. art. 176 CC et 276 CPC) peuvent reposer sur une convention qui nécessite également une approbation judiciaire. Le contenu de telles conventions se détermine, comme pour tout autre contrat, selon la volonté réelle et commune des parties (art. 18 al. 1 CO). L’interprétation empirique ou subjective du contrat prime en principe sur l’interprétation normative ou objective. Lorsque la preuve d’une volonté réelle et concordante des parties n’est pas apportée, on recherche la volonté présumée des parties en interprétant leurs déclarations selon le principe de la confiance, comme elles pouvaient et devaient être comprises de bonne foi, selon leur teneur littérale et leur contexte. Il faut partir de la teneur des déclarations, qui ne doivent cependant pas être appréciées isolément de leur contexte, mais à la lumière de leur signification concrète. Ainsi, le but de la réglementation visé par les déclarants, comme il pouvait et devait être compris de bonne foi par le destinataire, est déterminant (consid. 3.2.1).
Exigibilité d’une activité lucrative du parent prenant en charge les enfants (art. 285 al. 2 CC). Rappel de la jurisprudence du Tribunal fédéral, selon laquelle le besoin de prise en charge tombe en principe complètement et un emploi à temps plein est raisonnablement exigible de la part du parent qui prend en charge les enfants, dès que l’enfant le plus jeune atteint l’âge de 16 ans (consid. 7.2).
Modification du jugement de divorce; étranger; mesures provisionnelles; procédure; art. 93 al. 1 let. a LTF
Nature des mesures provisionnelles modifiant le jugement de divorce (art. 93 al. 1 let. a LTF). Les mesures provisionnelles liées à une procédure en modification ou en complément d’un jugement de divorce sont des décisions incidentes, sujettes à recours que si elles peuvent causer un préjudice irréparable. Le fait que les conclusions litigieuses portent sur la reconnaissance d’une décision étrangère ne change rien à la nature incidente de la décision (consid. 1.1).
Modification du jugement de divorce; audition des enfants; garde; procédure; art. 279 al. 1, 285 let. d, 296 al. 3 CPC; 133 al. 2 CC
Ratification de la convention de divorce et bien de l’enfant (art. 279 al. 1, 285 let. d, 296 al. 3 CPC ; 133 al. 2 CC). Le tribunal ratifie la convention sur les effets du divorce après s’être assuré que les époux l’ont conclue après mûre réflexion et de leur plein gré, qu’elle est claire et complète et qu’elle n’est pas manifestement inéquitable. Le sort des enfants fait partie des effets du divorce. Une convention des époux sur le sort des enfants ne lie pas le tribunal, mais possède plutôt le caractère d’une conclusion commune, même s’il s’agit d’une convention de divorce. Conformément à l’article 133 al. 2 CC, le juge du divorce doit prendre en considération une telle requête commune, mais il doit prioritairement tenir compte de toutes les circonstances importantes pour le bien de l’enfant (consid. 3.3).
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