Droit matrimonial - Newsletter mai 2021
Editée par Bohnet F., Burgat S., Guillod O., Mills K., Saint-Phor J.
Editée par Bohnet F., Burgat S., Guillod O., Mills K., Saint-Phor J.
Premier précis consacré spécifiquement à ce thème en droit suisse, cet ouvrage donne une vision d’ensemble critique, analytique et pratique du régime des assurances de prévoyance liée et de prévoyance libre. Le praticien y trouvera des développements approfondis ainsi que de nombreuses références pratiques et actuelles, notamment sur les principales questions soulevées en matière matrimoniale, soit l’intégration de l’assurance-vie dans les masses de biens des époux et son sort dans le jugement de divorce.
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Partenariat; droit de visite; art. 27 al. 2 LPart et 274a CC
Droit aux relations personnelles à la suite de la séparation des partenaires enregistré·es (art. 27 al. 2 LPart, 274a CC). L’art. 274a CC vise le droit que pourraient revendiquer des tiers, notamment les grands-parents de l’enfant. Le cercle des tiers concerné est cependant plus large et s’étend à la sphère de parenté de l’enfant, mais également à l’extérieur de celle-ci. Le beau-parent peut se prévaloir de cette disposition pour obtenir le droit d’entretenir des relations personnelles avec l’enfant de son ou sa conjoint·e dont il est séparé ou divorcé. De même, l’ex-partenaire peut se voir accorder un droit d’entretenir des relations personnelles avec l’enfant de son ex-partenaire en cas de suspension de la vie commune ou de dissolution du partenariat enregistré (art. 27 al. 2 LPart), aux conditions prévues par l’art. 274a CC (consid. 5).
Notion de circonstances exceptionnelles. L’octroi d’un droit aux relations personnelles à des tiers suppose tout d’abord l’existence de circonstances exceptionnelles qui doivent être rapportées par la partie qui le revendique, ce droit constituant une exception. La mort d’un parent constitue une circonstance exceptionnelle pour octroyer un droit de visite aux membres de la famille du parent décédé, dont les grands-parents font partie. La relation particulièrement étroite que des tiers ont nouée avec l’enfant, comme ses parents nourriciers, ou le vide à combler durant l’absence prolongée de l’un des parents empêché par la maladie, retenu à l’étranger ou incarcéré, figurent parmi les autres exemples cités au titre de circonstances exceptionnelles. Il en va de même des situations dans lesquelles l’enfant a tissé un lien de parenté dite « sociale » avec d’autres personnes, qui ont assumé des tâches de nature parentale à son égard (consid. 5.1).
L’intérêt de l’enfant. Seul l’intérêt de l’enfant est déterminant, à l’exclusion de celui de la personne avec laquelle l’enfant peut ou doit entretenir des relations personnelles. Il ne suffit pas que les relations personnelles ne portent pas préjudice à l’enfant, encore faut-il qu’elles servent positivement le bien de l’enfant. Il incombe à l’autorité saisie d’apprécier le type de relation établi avec l’enfant, en particulier si une « relation particulière » s’est instaurée. S’agissant du droit d’entretenir des relations personnelles avec l’enfant de son ex-partenaire enregistré, il pourra notamment être accordé lorsque l’enfant a noué une relation intense avec le ou la partenaire de son père ou de sa mère et que le maintien de cette relation est dans son intérêt. Lorsque la partie requérante endossait aussi le rôle de parent d’intention non biologique de l’enfant (nicht biologischer Wunschelternteil ; originärer Elternteil), autrement dit lorsque l’enfant a été conçu dans le cadre d’un projet parental commun et a grandi au sein d’un couple formé par ses deux parents d’intention, le maintien de relations personnelles sera en principe dans l’intérêt de l’enfant. Dans une telle configuration, le tiers représente pour l’enfant une véritable figure parentale d’attachement, de sorte que les autres critères d’appréciation, tels que l’existence de relations conflictuelles avec l’ex-partenaire, doivent être relégués au second plan. En revanche, la situation sera appréciée avec plus de circonspection lorsque la partie requérante n’a connu l’enfant qu’après sa naissance, ce qui est souvent le cas s’agissant des beaux-parents. L’autorité doit faire preuve d’une circonspection particulière lorsque le droit revendiqué par des tiers viendrait s’ajouter à l’exercice des relations personnelles par les parents de l’enfant (consid. 5.2).
Pouvoir d’appréciation. L’appréciation des circonstances de fait pour fixer le droit aux relations personnelles est une question de droit. Le Tribunal fédéral s’impose toutefois une certaine retenue, l’autorité établissement les faits dispose à cet égard d’un large pouvoir d’appréciation, en vertu de l’art. 4 CC (consid. 5.3).
Application au cas d’espèce. B, liée par un partenariat enregistré à A, (la recourante) a donné naissance à un enfant en janvier 2016, puis à des jumeaux en octobre 2017, suite à des PMA effectuées à l’étranger. Seule la filiation maternelle a été inscrite au registre de l’état civil. Les parties se sont séparées en septembre 2018. Les circonstances de la conception découlent d’un projet familial et parental durable et stable, qui peuvent être qualifiées d’exceptionnelles (art. 274a CC) et justifier un droit de visite (consid. 3.1). La recourante peut représenter une véritable figure parentale, en sus de la mère. La seule interruption des relations personnelles entre la recourante et les enfants, essentiellement imputable à la procédure, tout comme le fait que la recourante a quitté la Suisse, ne permettent pas en soi d’exclure qu’il soit dans l’intérêt des enfants d’avoir des relations personnelles avec elle, même s’il faut prendre ces critères en considération. Vu ce qui précède, le recours est admis et la cause renvoyée auprès de l’instance cantonale (consid. 6 et 7).
Mesures protectrices; garde des enfants, droit de visite, protection de l’enfant, entretien; art. 176, 179, 273, 276, 285, 298, 307, 308, 315a CC
Modification de l’attribution de la garde et critères d’appréciation (art. 176, 179 et 298 al. 2 CC). Rappel des principes. En cas de modification de la garde ou du droit de visite dans le cadre d’une procédure en modification des mesures protectrices de l’union conjugale, il suffit que le pronostic se révèle erroné et que le maintien de la réglementation actuelle risque de porter atteinte au bien de l’enfant (menace sérieuse). Il faut que le changement apparaisse nécessaire, malgré la perte de continuité dans l’éducation et les conditions de vie. L’autorité peut ordonner une expertise, dont elle n’est en principe pas liée (mais ne peut s’en écarter sans raison sérieuse et qu’avec une motivation) et qu’elle doit apprécier en tenant compte de l’ensemble des autres preuves administrées. Il revient à la seule autorité, et non pas à l’expert·e, de tirer les conséquences juridiques d’une expertise (consid. 4.1).
Droit aux relations personnelles et refus de contacts de l’enfant (art. 273 CC). Pour apprécier le poids qu’il convient d’accorder à l’avis de l’enfant, son âge et sa capacité à se forger une volonté autonome (en général aux alentours de 12 ans), ainsi que la constance de son avis sont essentiels. Si un enfant capable de discernement refuse de manière catégorie et répétée d’avoir des contacts avec l’un de ses parents (forte opposition), il faut les exclure (consid. 5.1).
Instauration d’une curatelle de protection de l’enfant (art. 307, 308, 315a CC). Rappel des principes. Lorsque les circonstances l’exigent, l’autorité compétente instaure une curatelle ad hoc (assistance, surveillance, éducative). Le principe de la proportionnalité est la pierre angulaire du système de protection civile de l’enfant. Le curateur ou la curatrice n’a pas le pouvoir de décider de la réglementation du droit de visite, seule l’organisation des modalités pratiques dans le cadre défini par l’autorité pouvant lui être confiée (consid. 6.1, 6.3).
Entretien convenable de l’enfant et modification (art. 179, 276, 285 CC). Rappel des critères (consid. 7.1). La nature fluctuante d’une gratification ne saurait empêcher se prise en considération dans la fixation des revenus de la partie débirentière. Pour obtenir un résultat fiable, il convient de tenir compte du revenu net moyen réalisé durant plusieurs années (consid. 7.2). Lorsque l’autorité admet l’existence d’un fait nouveau, elle doit fixer à nouveau la contribution d’entretien après avoir actualisé tous les éléments pris en compte pour le calcul dans le jugement initial (consid. 7.3).
Mesures protectrices; entretien; art. 276, 285 CC
Entretien de l’enfant (art. 276 et 285 CC). Rappel des principes. Dans les ressources des parents, tous les revenus doivent être pris en compte, y compris lorsqu’un parent tire un revenu d’une part de travail supérieure au taux d’activité que permettrait d’exiger le système des paliers scolaire. Les spécificités du cas d’espèce ne doivent pas être appréciées au stade de la détermination des ressources mais seulement au moment de la répartition de l’excédent. La contribution d’entretien sert aussi à garantir la prise en charge de l’enfant par les parents et les tiers. La prise en charge de l’enfant ne donne droit à une contribution que si elle a lieu à un moment où le parent pourrait sinon exercer une activité rémunérée. La contribution de prise en charge doit permettre de garantir la présence du parent gardien aux côtés de l’enfant et est ainsi limitée au minimum vital du droit des familles (consid. 4.2.1, 4.2.2 et 4.2.3).
Application au cas d’espèce. Selon l’état de fait établi par l’autorité cantonale, la mère ne présente pas de déficit budgétaire après couverture de ses besoins. La Cour cantonale a retenu une contribution de prise en charge – au motif qu’il était insoutenable de la refuser pour la seule raison que les enfants étaient gardés gratuitement par les grands-parents maternels lorsque leur mère travaillait. Cette appréciation est insoutenable. Aucune contribution de prise en charge n’est due dans ce cas, même si la mère exerce une activité à un taux supérieur à celui que l’on pourrait exiger de sa part. Pour cette raison, l’autorité cantonale a versé dans l’arbitraire et la cause est renvoyée à cette instance pour nouveau calcul des contributions d’entretien (consid. 4.1 et 4.3).
Divorce; autorité parentale, procédure; art. 5 et 7 CLaH96
Autorité parentale. Lieu de résidence de l’enfant (art. 5 et 7 CLaH96). En raison du lieu de résidence de l'enfant en France ainsi que de la nationalité et du domicile français de l’intimé, le litige revêt un caractère international. Le Tribunal fédéral doit donc examiner si les autorités suisses demeurent compétentes pour statuer.
Rappel de la portée des art. 5 et 7 CLaH96. Le principe de la perpetuatio fori ne s’applique pas. Dans les relations entre Etats contractants, le changement (licite) de résidence habituelle de l’enfant mineur·e entraîne un changement simultané de la compétence. S’il y a un transfert de résidence pendant la procédure, celle-ci perd donc sa compétence pour statuer sur les mesures de protection. La résidence habituelle de l’enfant se détermine ainsi d’après le centre effectif de sa propre vie et de ses attaches. D’autres facteurs doivent être pris en considération ; sont notamment déterminants la durée, la régularité, les conditions et les raisons du séjour sur le territoire et du déménagement de la famille, la nationalité de l’enfant, le lieu et les conditions de scolarisation, les connaissances linguistiques ainsi que les rapports familiaux et sociaux de l’enfant. Un séjour de six mois crée en principe une résidence habituelle, mais celle-ci peut exister également sitôt après le changement du lieu de séjour, si, en raison d'autres facteurs, elle est destinée à être durable et à remplacer le précédent centre d’intérêts (consid. 1.1). En l’espèce, le transfert en février 2020 de la résidence de l’enfant auprès de son père en France a modifié la compétence des autorités. Les tribunaux français sont compétents (art. 5 CLaH96) (consid. 1.2.).
Divorce; garde des enfants; Art. 133, 298 al. 2ter CC
Attribution de la garde (art. 133, 298 al. 2ter CC). Lorsque l’autorité parentale est conjointe, l’autorité judiciaire examine, selon le bien de l’enfant, la possibilité de garde alternée, si le père, la mère ou l’enfant la demande. En matière d’attribution des droits parentaux, le bien de l’enfant constitue la règle fondamentale. Au moment d’examiner si l’instauration d’une garde alternée est à même de préserver le bien de l’enfant, l’autorité examine les critères essentiels, tels que les capacités éducatives des parents, l’existence d’une bonne capacité et volonté de communiquer et de coopérer, ainsi que la stabilité des relations nécessaires à un développement harmonieux de l’enfant des points de vue affectif, psychique, moral et intellectuel. Si les capacités éducatives sont équivalentes, il faut évaluer les autres critères pertinents pour l’attribution de la garde : capacité et volonté de favoriser les contacts, stabilité du maintien de la situation antérieure, possibilité de s’occuper personnellement de l’enfant, âge de l’enfant et son appartenant à une fratrie ou à un cercle social, et souhait de l’enfant. Ces critères sont interdépendants et leur importance varie en fonction du cas d’espèce. Les critères de la stabilité et de la possibilité de s’occuper personnellement de l’enfant exercent un rôle prépondérant chez les nourrissons et enfants en bas âge, alors que l’appartenance à un cercle social est particulièrement importante durant l’adolescence. L’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation des critères (consid. 3.1, 3.1.1, 3.1.2 et 3.1.3).
Divorce; entretien; art. 126 al. 1 CC
Entretien. Fixation du moment à partir duquel la contribution d’entretien est due (art. 126 al. 1 CC). Rappel des principes. Si des mesures provisionnelles ont été ordonnées pour la durée de la procédure de divorce, le début de l’obligation de verser des contributions ne peut être fixé à une date antérieure à celle à laquelle le divorce devient partiellement définitif. A cet égard, l’autorité judiciaire dispose d’un pouvoir d’appréciation (art. 4 CC) (consid. 3.4.1).
En règle générale, les contributions d’entretien accordées dans le cadre du divorce s’appliquent à partir du moment où le jugement portant sur les contributions d’entretien devient définitif. Le tribunal peut et doit s’écarter de cette règle dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, s’il existe des circonstances qui exigent une décision différente (consid. 3.4.2).
Divorce; entretien, revenu hypothétique, procédure; art. 179 CC
Procédure. Modification des mesures provisionnelles (art. 179 CC). Rappel des conditions de modification. La date du dépôt de la demande de modification constitue le moment déterminant pour apprécier l’existence de nouvelles circonstances. Si un autre motif de modification survient après l’introduction de l’instance mais avant le début des délibérations sur le jugement – c’est-à-dire jusqu’au moment où de vrais nova peuvent être présentés – il peut et doit être invoqué dans la procédure en cours, pour autant toutefois que le caractère durable du changement soit intervenu avant cette limite temporelle (consid. 3.1.1).
Revenu hypothétique. Rappel de principes. La partie concernée par l’imputation d’un revenu hypothétique doit se voir accorder un délai approprié. En revanche, lorsque la partie débirentière exerçait déjà une activité lucrative à plein temps et assumait son obligation d’entretien préexistante, rien ne justifie de lui laisser un temps d’adaptation (obligation d’exploiter pleinement sa capacité de gain). Lorsque, même dans le cas d’un changement involontaire d’emploi, elle se satisfait en connaissance de cause d’une activité lucrative lui rapportant des revenus moindres, elle doit se laisser imputer le gain qu’elle réalisait précédemment si elle ne démontre pas avoir tout mis en œuvre pour percevoir une rémunération équivalente. Dans de telles circonstances, l’autorité judiciaire n’a pas à examiner si l’on peut raisonnablement exiger de cette personne qu’elle exerce une activité lucrative, ni si elle a la possibilité effective d’exercer une activité lucrative déterminée et quel revenu elle peut en obtenir. L’examen des exigences à remplir pour qu’on puisse considérer que la partie débirentière a tout mis en œuvre relève de l’appréciation de l’autorité judiciaire (consid. 3.1).
Divorce; entretien, procédure; art. 129, 276a al. 2 CC; 317 CPC
Procédure applicable aux faits nouveaux pour une modification de l’entretien (art. 317 CPC, 129 CC). Rappel des principes (consid. 3.1.1). Selon le Tribunal fédéral, en cas d’éléments sur la base desquels un changement de circonstance peut être invoqué, ne doivent en principe pas être renvoyés à une procédure de modification (art. 129 CC) mais doivent être invoqués dans la procédure d’appel contre le jugement de divorce, dans la mesure de leur recevabilité (art. 317 CPC). Toutefois, lorsque la condition du caractère durable du changement, comme une perte d’emploi après le premier jugement suivie d’une période de chômage, ne peut être satisfaite qu’après le moment prévu par l’art. 317 CPC, la partie débirentière n’est pas forclose à s’en prévaloir dans le cadre d’une action en modification selon l’art. 129 CC (consid. 3.1.2).
Primauté de l’entretien de l’ex-conjoint-e sur celui de l’enfant majeur-e (art. 276a al. 2 CC). Le nouveau droit n’a rien changé au principe que la contribution d’entretien en faveur de l’ex-conjoint·e prévaut toujours sur celle de l’enfant majeur·e et la jurisprudence rendue à ce sujet reste pertinente. Les frais d’entretien de l’enfant majeur·e découlant de l’art. 277 al. 2 CC ne doivent dès lors pas être inclus dans le minimum vital élargi de la partie débirentière (consid. 6.1).
Divorce; revenu hypothétique; art. 276, 298 CC
Revenu hypothétique (enfant mineur·e). Rappel des principes (consid. 5.1.1). L’obligation d’exploiter pleinement sa capacité de gain subsiste lorsqu’un parent déménage à l’étranger, si la poursuite du travail en Suisse est possible et raisonnable. A cet égard, le parent débiteur d’une contribution d’entretien n’est pas libre de renoncer de son plein gré, à tout ou partie du revenu qu’il pourrait gagner au prix d’un effort raisonnable, au motif qu’il souhaite réaliser d’autres souhaits personnels ou professionnels. L’imputation d’un revenu hypothétique ne viole pas des droits constitutionnels, à condition que le revenu retenu soit raisonnable (consid. 5.1.2).
Un revenu hypothétique peut également être crédité au père ou à la mère en cas de réduction du revenu effectivement gagné. Dans ce cas, la raison de la réduction du revenu n’est pas pertinente, à condition que le parent concerné soit capable de gagner plus avec un effort raisonnable. Dans ce cas, l’imputation d’un revenu hypothétique est également autorisée en cas de diminution du revenu sans fautes du parent. Si, en revanche, la réduction du revenu est effectivement irréversible, un revenu hypothétique peut uniquement être imputé si le parent concerné a réduit ses gains dans l’intention de nuire. Il faut ici que le parent agisse avec malveillance et qu’il soit accusé de comportement abusif (consid. 5.1.3).
Divorce; liquidation du régime matrimonial; art. 211 CC
Liquidation d’une société anonyme (art. 211 CC). La société anonyme qui appartient à l’une des parties doit être considérée comme une unité financière et donc comme un bien au sens du droit matrimonial, comme en cas d’exploitation d’une entreprise individuelle. Lors de la liquidation du régime matrimonial, tous les biens, à l’exception des exploitations agricoles, doivent être estimés à leur valeur vénale. Une exploitation ou un commerce doivent être évalués selon les principes reconnus en matière de gestion d’entreprise. En fonction de la poursuite ou non de l’activité de l’entreprise, il s’agit de déterminer sa valeur de continuation ou sa valeur de liquidation. Dans le dernier cas, le bilan annuel doit être adapté aux valeurs de liquidation, soit aux prix de vente sur le marché. La valeur de continuation sera quant à elle déterminée généralement en fonction d’une estimation du rendement futur liée à une estimation de la valeur substantielle actuelle, toutes deux pondérées par des données concrètes. La valeur de continuation ne doit pas être établie en prenant en compte chaque objet individuel de l’exploitation, mais, au contraire, en procédant à une évaluation globale. Les éléments qui ne sont pas nécessaires à l’exploitation doivent par ailleurs être éliminés et estimés séparément. En matière de régimes matrimoniaux, il n’est pas exclu que la valeur de continuation d’une entreprise puisse être déterminée à l’aide des bénéfices futurs pouvant être supputés et qu’une estimation faite principalement ou entièrement sur la base de la valeur de rendement puisse être raisonnable quand le propriétaire qui bénéficie d’une liquidation matrimoniale ou successorale n’entend pas, selon toutes prévisions, aliéner le bien à long terme. En fonction des circonstances du cas concret, la valeur vénale peut ainsi correspondre à la valeur de rendement (consid. 3.2.3).
Divorce; liquidation du régime matrimonial, procédure; art. 277 CPC
Force probante de l’expertise (art. 277 CPC). Indépendamment de la maxime applicable, l’autorité judiciaire apprécie librement la force probante d’une expertise. Dans le domaine des connaissances professionnelles particulières, elle ne peut toutefois s’écarter de l’opinion émise dans l’expertise que pour des motifs importants qu’il lui incombe d’indiquer (p. ex. contradictions, attribution d’un sens ou d’une portée inexacts à des documents ou déclarations). Elle est tenue de recueillir des preuves complémentaires lorsque les conclusions de l’expertise judiciaire se révèlent douteuses sur des points essentiels et ne peut d’emblée faire supporter l’échec de la preuve à la partie qui entend démontrer un fait sur la base de celle-ci. L’autorité doit au contraire requérir un complément d’expertise ou ordonner une seconde expertise (consid. 5.2).
En l’espèce. L’appréciation des preuves a conduit à retenir que la perte générée par la vente de la maison n’était pas démontrée (consid. 4.2). L’offre de preuve de l’intimée portait sur l’évaluation de la maison. Elle ne portait pas sur la question de savoir comment le recourant avait affecté les fonds du prêt hypothécaire. Faute pour le recourant d’avoir réussi à contester valablement le fait qu’une partie du prêt avait servi à acheter des fournitures n’ayant pas été prises en compte dans les évaluations, il supporte l’échec de cette preuve. (consid. 5.3).
Modification du jugement de divorce; entretien, revenu hypothétique; art. 276, 298 CC
Entretien. Garde exclusive. Revenu hypothétique (art. 276, 298 CC). Dans le cas de l’instauration d’une garde exclusive, le père ou la mère qui n’a pas la garde doit, en principe, assumer la totalité de l’entretien pécunier, sauf lorsque le parent exerçant la garde dispose de capacités financièrement manifestement plus importantes que l’autre parent. En présence d’enfants issue·s d’une nouvelle relation, la partie débitrice d’aliments peut se consacrer à l’entretien personnel de son enfant issu·e de la nouvelle union pendant la première année de vie. Néanmoins, il doit ensuite exercer une activité rémunérée pour satisfaire à son obligation d’entretien envers les enfants issu·es de l’ancienne union dont il n’a pas la garde (consid. 3.4.). Prise en charge externe. En ce qui concerne les possibilités alternatives de prise en charge externe, l’aide des grands-parents au profit des petits-enfants (et indirectement au profit de ses propres enfants) est très répandue et également socialement souhaitable. Toutefois, ces services de garde sont fondés sur le volontariat (sauf cas particulier de l’art. 328 al. 1 CC) (consid. 5.1). |
Couple non marié; autorité parentale; art. 310 al. 1 CC
Autorité parentale. Retrait du droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant (art. 310 al. 1 CC). Rappel de principes. Le retrait du droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant constitue une mesure de protection qui permet à l’autorité de retirer l’enfant à ses parents et le placer de manière appropriée (art. 310 al. 1 CC). Une telle mesure se justifie lorsque les parents n’offrent pas un environnement protégé ou destiné à favoriser le développement physique, mental et moral de l’enfant. Peu importe les causes de la mise en danger et la question de savoir si les parents en sont responsables ou non (consid. 3.1).
En l’espèce. Pour rendre sa décision, l’autorité s’est fondée sur une expertise complète, doublée d’un rapport complémentaire concluant, après une analyse intensive du système familial durant près de 6 mois. Le dossier met en évidence une situation alarmante de l’enfant qui avait été gardé totalement isolé par sa mère, ce qui avait entraîné des déficits de développement et de la personnalité en dehors des normes admissibles. A 14 ans, l’enfant n’était pas en mesure de former une propre volonté, rencontrait des difficultés à gérer seul son hygiène, ne maîtrisait pas l’utilisation d’un couteau ou d’une fourchette. Le souhait de l’enfant de retourner chez sa mère devait dès lors être apprécié au regard de ces circonstances. Enfin, en minimisant les déficits de santé de son enfant, notamment en ne reconnaissant pas la nécessité de soigner la scoliose dont souffrait l’enfant, la mère a adopté une attitude contraire au bien de l’enfant. Dans une telle situation, il se justifiait donc de retirer la garde de l’enfant, en tant que seule mesure justifiée et proportionnée possible. La mesure de curatelle selon l’art. 308 al. 1 et 2 CC avec mission d’assurer la coordination et la coopération avec le réseau d’aide et de représenter l’enfant dans le domaine psychosocial, médical, éducatif et professionnel est confirmée.
Autorité parentale, garde des enfants, entretien, procédure; art. 93 LTF; 310 CC
Recevabilité du recours contre une décision de mesures provisionnelles (art. 93 al. 1 let. a LTF). Une décision réglant de manière provisoire la question de la garde et du droit de visite est susceptible de causer un préjudice irréparable, car même une décision finale ultérieure favorable ne pourrait pas compenser rétroactivement l’exercice des prérogatives parentales dont la personne concernée a été frustrée. Ce qui n’est pas le cas si la décision porte sur la question de la contribution d’entretien. Cela étant, en l’espèce, dans la mesure où l’attribution des droits parentaux a une incidence directe sur la fixation de l’entretien de l’enfant, la question du préjudice irréparable sur ce point peut rester ouverte à ce stade (consid. 1.2).
Retrait et modification de l’attribution de l’autorité parentale et de la garde (art. 310 CC). L’existence de capacités parentales est une prémisse nécessaire à l’attribution de la garde. L’intérêt de l’enfant commande en règle générale d’éviter des changements trop fréquents s’agissant du lieu de vie et de laisser l’enfant auprès du parent qui en prenait régulièrement soin au moment de l’ouverture de la procédure et qui est la personne de référence. L’absence de capacités parentales ne saurait dépendre de la seule incapacité d’un parent à collaborer avec l’autre. Ses questions ne sont au contraire pas directement liées puisque la capacité de collaboration ne constitue que l’un des critères à prendre en compte dans la pesée des intérêts pour attribuer la garde, une fois que l’autorité compétente s’est assurée au préalable de leurs capacités parentales respectives (consid 4 et 5.2).
Couple non marié; garde des enfants, procédure; art. 29 al. 2 Cst.; 4, 8 et 298b al. 3ter CC, 152 CPC
Critères pour obtenir une expertise pédopsychiatrique (art. 29 al. 2 Cst., 4 et 8 CC, 152 CPC). Rappel du principe du droit à la preuve (consid. 4.1). L’attribution de la garde, la nature conflictuelle de la relation entre les parents ou l’existence d’un conflit de loyauté des enfants ne signifient pas encore nécessairement qu’il faille procéder à une expertise pédopsychiatrique. En effet, sauf exception, l’expertise ne constitue qu’une mesure probatoire parmi d’autres. L’autorité compétente doit l’ordonner lorsqu’elle apparaît comme le seul moyen de preuve idoine, en particulier lorsqu’elle ne bénéficie pas de connaissances personnelles suffisantes pour se prononcer sur le bien de l’enfant, par exemple en raison d’une maladie ou d’un comportement pathologique, ou encore lorsque l’autorité ne dispose pas d’éléments de preuve sur des faits pertinents pour la décision. Elle jouit à cet égard d’un large pouvoir d’appréciation (consid. 4.3.2).
Instauration de la garde alternée (art. 298b al. 3ter CC). Rappel des principes. La garde alternée est la situation dans laquelle les parents exercent en commun l’autorité parentale, mais se partagent la garde de l’enfant d’une façon alternée pour des périodes plus ou moins égales, pouvant être fixées en jours ou en semaines, voire en mois. L’autorité parentale conjointe n’implique pas nécessairement l’instauration d’une garde alternée. Pour évaluer si la garde alternée est à même de préserver le bien de l’enfant, l’autorité doit en premier lieu examiner les capacités éducatives des parents et leur bonne capacité et volonté de communiquer et coopérer. Si les parents disposent de capacités éducatives, l’autorité doit évaluer les autres critères d’appréciation pour l’attribution de la garde, soit la situation géographique et la distance séparant les logements, la stabilité du maintien de la situation antérieure, la possibilité de s’occuper personnellement de l’enfant, l’âge de l’enfant, son appartenance à une fratrie ou à un cercle social, ainsi que son souhait. Les critères d’appréciation sont interdépendants et leur importance varie en fonction du cas d’espèce. Ainsi, les critères de la stabilité et de la possibilité de s’occuper personnellement de l’enfant ont un rôle prépondérant chez les nourrissons et les enfants en bas âge, alors que l’appartenance à un cercle social est particulièrement importante dans l’adolescence. La capacité de collaboration et de communication des parents est d’autant plus importante lorsque l’enfant est déjà scolarisé·e ou qu’un certain éloignement géographique entre les domiciles respectifs des parents nécessite une plus grande organisation. L’autorité du fait dispose d’un large pouvoir d’appréciation (consid. 5.1.1, 5.1.2 et 5.1.3).
Couple non marié; protection de l’enfant, entretien, procédure; art. 75 LTF
Procédure (art. 75 LTF). Le droit fédéral prévoit que les cantons doivent garantir une instance de recours, sauf dans les cas particuliers prévus aux lettres a à c de l’art. 75 al. 2. Le délai transitoire prévu à l’art. 130 al. 2 LTF pour adapter la procédure cantonale à l’art. 75 al. 2 LTF a expiré depuis longtemps.
En l’espèce, le Tribunal administratif d’Argovie a statué comme première et dernière instance et non pas comme instance de recours. Or, le droit cantonal ne peut déroger au droit fédéral (consid. 1.2.3). Le recours en matière civile est donc irrecevable, car l’autorité a statué en qualité de première instance et non en qualité d’instance de recours et sans se prévaloir d’une disposition justifiant une telle exception (consid. 1.3). Le canton d’Argovie est tenu de prévoir un recours cantonal afin de répondre aux exigences de la loi sur le Tribunal fédéral (consid. 2).
Couple non marié; entretien; art. 276, 285 CC
Entretien. En principe, les recettes et les dépenses réelles (c’est-à-dire effectives) sont déterminantes pour le calcul des contributions d’entretien. Les décisions peuvent et doivent être modifiées si les circonstances changent de manière significative (art. 129 al. 1, 179 al. 1, 298d al. 3 CC) ou lorsque l’autorité judiciaire s’est fondée sur un pronostic essentiel qui ne s’est finalement pas réalisé comme prévu. Si aucune déclaration claire ne peut être faite concernant l’évolution future des revenus ou des dépenses et si plusieurs variantes sont possibles de manière réaliste, le tribunal doit baser ses calculs sur l’une de ces possibilités. Il doit indiquer précisément avec quelle activité, quel revenu peut être obtenu. La détermination d’une valeur moyenne à partir de deux alternatives possibles est irrecevable et conduit à un revenu manifestement inexact et donc déterminé de manière arbitraire. En outre, un revenu hypothétique non contesté par les parties est réputé accepté et cette incertitude acceptée ne peut plus faire l’objet d’une procédure de modification (consid. 5.2.3).
Ibid. Minimum vital. Le minimum vital selon le droit de la poursuite pour dettes constitue le point de départ pour la détermination des besoins et de l’entretien dû. Dans la mesure où les moyens financiers le permettent, la pension alimentaire due doit être obligatoirement étendue au minimum vital du droit de la famille. Dans le cas des parents, il convient généralement d’ajouter les impôts, un forfait de communication et d’assurance, les frais de formation continue, les frais de logement en fonction de la situation financière au lieu du minimum vital selon le droit de recouvrement, les frais d’exercice du droit de visite et, le cas échéant, un montant approprié pour le remboursement de la dette. Pour l’enfant, le minimum vital du droit de la famille comprend notamment une part d’impôts, une participation aux frais de logement correspondant aux circonstances financières particulières et, le cas échéant, les primes d’assurance maladie dépassant l’assurance de base obligatoire (consid. 7.3.1).
Couple non marié; entretien, procédure; art. 197ss, 303 CPC
Procédure. Mesures provisionnelles (art. 303 CPC). Le litige porte sur la nécessité d’une audience de conciliation (art. 197ss CPC). Selon l’autorité cantonale, l’art. 303 al. 1 CPC permet d’exiger à titre de mesures provisionnelles que le défendeur consigne ou avance des contributions d’entretien équitables lorsque la filiation est établie. Cette disposition constituerait un cas d’application de l’art. 262 let. 3 CPC qui permet au tribunal d’ordonner des mesures provisionnelles et notamment le versement d’une prestation en argent lorsque la loi le prévoit. Partant, la procédure de conciliation ne pourrait pas être requise sur la base de l’art. 198 let. a CPC combiné avec l’art. 248 let. d CPC. Toujours selon l’autorité cantonale, lorsqu’une mesure provisionnelle est ordonnée avant l’introduction de l’action au fond, il n’y a pas lieu de prévoir une procédure de conciliation. Il en est de même lorsque les mesures provisionnelles sont déposées en même temps que l’action au fond. Il serait contraire à la ratio legis de l’art. 198 lit. h CPC d’imposer une audience de conciliation au demandeur qui a introduit l’action principale en même temps que les mesures provisionnelles.
La doctrine est controversée sur la question de savoir si des mesures provisionnelles peuvent être déposées avant la litispendance en application de l’art. 303 CPC. Sans trancher cette question, le Tribunal fédéral relève qu’en matière de contributions d’entretien, les mesures provisionnelles peuvent dans tous les cas être déposées simultanément à la procédure au fond (consid. 3.3.2 3.3.3).
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