Droit matrimonial - Newsletter septembre 2021
Editée par Bohnet F., Burgat S., Hotz S., Mills K., Saint-Phor J., avec la participation de Jéquier G.
Editée par Bohnet F., Burgat S., Hotz S., Mills K., Saint-Phor J., avec la participation de Jéquier G.
Divorce; procédure; art. 30 Cst.; 6 CEDH; 14 Pacte ONU II; 54 CPC
Principe de la publicité de la justice (art. 30 al. 3 Cst. ; 6 al. 1 CEDH et art. 14 al. 1 Pacte II de l’ONU). Rappel du principe (consid. 6.1). Le prononcé public d’un jugement signifie qu’à la fin de la procédure judiciaire, le jugement est prononcé en présence des parties ainsi que du public et des représentants des médias. Ces autres formes de publicité des jugements ne sont pas subsidiaires au prononcé du jugement dans la salle d’audience, mais équivalent au prononcé public. A noter également que la pratique de publication des autorités dans les différents cantons varie considérablement (consid. 6.2). L’exigence du prononcé public des jugements a des effets qui vont au-delà du moment de la conclusion de la procédure ; contrairement à une demande d’inspection de dossier (consid. 6.3).
Droit des tiers intéressés à prendre connaissance des jugements après la clôture de la procédure. Rappel de jurisprudences antérieures (consid. 6.4.1). En résumé de la jurisprudence mentionnée, il peut être affirmé que le principe de la publicité des débats garantit un droit fondamental à la consultation de tous les jugements après leur prononcé, même s’ils ont été prononcés il y a longtemps et peu importe que la demande concerne un jugement individuel ou un nombre important de jugements. Néanmoins, ce travail ne doit pas représenter une charge excessive pour l’autorité judiciaire. En outre, il ne s’agit pas d’un droit absolu. Il peut être restreint notamment pour protéger la vie privée des parties au procès (art. 13 Cst.). Une telle restriction doit être conforme au principe de proportionnalité (ex : anonymisation et caviardage possible) (consid. 6.4.2).
Publicité des procédures en droit des familles (art. 54 al. 4 CPC). Selon l’art. 54 al. 4, les procédures du droit des familles ne sont pas publiques. Ainsi, cette disposition fournit une base légale formelle pour l’exclusion du public des audiences du tribunal et du prononcé des jugements selon l’art. 54 al. 1 CPC (consid. 7.1). Toutefois, et contrairement à ce que l’instance inférieure a conclu, cela ne s’applique pas au jugement écrit ou à la motivation de celui-ci. Ainsi, l’exclusion du public selon cette disposition ne modifie pas le caractère public de la décision. En effet, une certaine publicité en matière de droit des familles est dans l’intérêt du développement du droit et de l’information des juristes, notamment parce que le public est exclu des audiences et de l’ouverture des jugements dans ce domaine du droit. Les décisions de justice doivent donc également être rendues accessibles au public dans les procédures de droit des familles, de manière appropriée (consid. 7.2).
En l’espèce. Il n’est pas admissible de refuser au recourant l’accès demandé aux jugements depuis 2015 en matière de droit des familles du Tribunal supérieur de Zoug par une simple référence à l’art. 54 al. 4 CPC. En règle générale, l’anonymisation peut répondre aux préoccupations de protection de la personnalité, et ceci, même s’il s’agit d’un petit canton où l’identité des parties pourrait être devinée (cf. argument de l’instance inférieure) (consid. 7.3). Concernant l’argument de l’instance inférieure selon lequel une telle demande représenterait une trop importante charge de travail, dans une affaire antérieure genevoise, le Tribunal fédéral y avait jugé que les arrêts en question devaient être rendus accessibles, indépendamment des éventuelles difficultés d’anonymisation. Cela doit également s’appliquer ici. Dans tous les cas, un effort excessif de la part de la juridiction inférieure ne semble pas non plus évident sur la base des vagues déclarations de l’instance inférieure. Le recours est donc fondé (consid. 8.1).
Mesures protectrices; garde des enfants; art. 298 CC
Garde des enfants. Séparation des frères et sœurs. Si possible, les frères et sœurs ne doivent pas être séparé·e·s. Néanmoins, il existe des exceptions à ce principe si elles sont justifiées par des raisons objectives, notamment la volonté de l’enfant formée de manière autonome, s’il n’existe aucun doute. En outre, il est précisé qu’une telle volonté doit avoir un poids plus important dans la formation de la relation parent-enfant lorsque celui-ci ou celle-ci a un âge plus avancé (14 ans par ex.), même si elle ou il ne peut décider de manière autonome de son lieu de résidence jusqu’à sa majorité (art. 301a CC). En l’espèce, la volonté de l’enfant d’être séparé de son frère est claire : il l’exprime depuis longtemps, continuellement et avec insistance. En outre, étant âgé de 14 ans, une telle volonté a d’autant plus de poids. Sa volonté est donc considérée comme étant formée de manière autonome (consid. 3).
Mesures protectrices; garde des enfants; entretien; procédure; art. 176, 276, 285, 298 al. 2ter CC; 296 CPC
Attribution de la garde (art. 176 al. 3, 298 al. 2ter CC). Rappel des critères (consid. 3.2.1).
Maxime de procédure (art. 296 al. 1 CPC). En vertu de la maxime inquisitoire illimitée, l’autorité judiciaire saisie de questions relatives aux enfants dans les affaires du droit de la famille a l’obligation d’établir d’office l’ensemble des faits déterminants pour la solution du litige et d’administrer, le cas échéant, les preuves nécessaires à établir les faits pertinents pour rendre une décision conforme à l’intérêt de l’enfant. L’autorité n’est pas liée par les offres de preuve des parties et décide quels sont les faits et moyens de preuve pertinents (consid. 3.2.2).
Contribution d’entretien de l’enfant (art. 276 al. 2, 285 CC). Rappel des critères. La contribution d’entretien doit correspondre aux besoins de l’enfant, tenant compte des frais directs et des coûts indirects de sa prise en charge. La contribution de prise en charge se détermine selon la méthode dite des frais de subsistance (Lebenshaltungskostenmethode) (consid. 6.2).
Mesures protectrices; entretien; revenu hypothétique; art. 125, 176 CC
Entretien des époux, train de vie et revenus effectifs (art. 125, 176 al. 1 ch. 1 CC). Tant pour la contribution d’entretien durant le mariage que pour celle après divorce, le train de vie mené durant la vie commune constitue le point de départ pour déterminer l’entretien convenable de chacun des époux, auquel ceux-ci ont droit en présence de moyens financiers suffisants (consid.3.2).
Idem. Revenu hypothétique. Sur la base de l’art. 125 CC, le principe de l’autonomie prime le droit à l’entretien après le divorce. Il en découle un devoir de se (ré)intégrer sur le marché du travail ou d’étendre une activité lucrative existante. En principe, ce devoir s’impose dès la séparation (définitive). Une partie ne peut prétendre à une pension que si, en dépit de tous les efforts raisonnables, elle n’est pas en mesure de pourvoir à son entretien convenable (consid. 4.3.1). Rappel des critères pour imputer un revenu hypothétique (consid. 4.3.2).
Divorce; étranger; DIP; partage de prévoyance; procédure; art. 15, 64 LDIP
Droit international privé – complément du jugement de divorce étranger en matière de partage de prévoyance rendu avant 2017 (art. 64 LDIP). Les nouvelles dispositions relatives au partage de la prévoyance professionnelle, adoptées le 19 juin 2015, sont entrées en vigueur le 1er janvier 2017. En même temps ont été révisées les dispositions de la LDIP pertinentes en la matière. Le nouvel art. 64 al. 1bis LDIP consacre désormais la compétence exclusive des tribunaux suisses pour connaître des procédures portant le partage de prétentions LPP envers une institution suisse. L’action en complément ou en modification du divorce est régie par le droit, sous réserve de la loi (art. 64 al. 2 LDIP). S’agissant du champ d’application temporel du nouveau droit, les jugements étrangers entrés en force avant le 1er janvier 2017 sont soumis aux règles de droit international privé applicables jusqu’à cette date. En l’espèce, le jugement de divorce français dont le complément est requis a été rendu le 14 avril 2014, modifié par arrêt sur appel du 26 mai 2015 ; c’est donc les anciennes dispositions de la LDIP qui s’appliquent (consid. 3.1). La compétence locale des autorités suisses peut cependant être admise dès lors que la procédure a trait à une matière patrimoniale (art. 3 et 6 LDIP). En l’occurrence, le droit français est donc applicable. En effet, le partage de la prestation de sortie de la prévoyance professionnelle ne tombe pas sous la réserve en faveur des règles touchant à l’obligation d’entretien (art. 49 LDIP) ou au régime matrimonial (art. 52-57 LDIP) (consid. 3.2 et 3.3).
Idem. Clause d’exception au droit applicable (art. 15 LDIP). La clause d’exception, applicable de manière restrictive, habilite l’autorité saisie à ne pas appliquer le droit auquel renvoie la règle de conflits de loi, à la double condition que, d’une part, la cause n’ait qu’un « lien très lâche » avec le droit déclaré applicable et que, d’autre part, il existe une relation « beaucoup plus étroite » avec un autre droit, en tenant compte de toutes les circonstances. Ce qui n’est pas le cas en l’espèce, le droit français reste donc applicable (consid. 4.1 et 4.3).
Divorce; entretien; art. 285, 286 CC
Entretien de l’enfant (art. 285 CC). Seules les charges effectives, dont l’intéressé∙e s’acquitte réellement, peuvent en principe être prises en compte pour le calcul de la contribution d’entretien. En l’espèce, l’autorité cantonale n’a pas admis sans preuve le loyer allégué par l’intimée, mais a uniquement accepté de tenir compte dans ses charges du loyer dont elle s’acquittait précédemment, eu égard au fait que le concubinage récent ne fonde aucune obligation de soutien de son compagnon actuel envers elle et l’enfant (consid. 3.1.3).
Divorce; entretien; revenu hypothétique; art. 285, 286 CC
Revenu hypothétique (art. 285 CC). Rappel du principe (consid. 4.1.3).
Contribution spéciale pour enfant (art. 286 CC). L’autorité judiciaire peut contraindre les parents à verser une contribution spéciale lorsque des besoins extraordinaires imprévus de l’enfant le requièrent. Le Message du Conseil fédéral envisage le cas d’une contribution pour corrections dentaires ou pour des mesures scolaires particulières, de nature provisoire. Plus généralement, il doit s’agir de frais qui visent à couvrir des besoins spécifiques, limités dans le temps, qui n’ont pas été pris en considération lors de la fixation de la contribution ordinaire d’entretien et qui entraînent une charge financière que celle-ci ne permet pas de couvrir. Leur apparition ne doit pas correspondre à un changement de situation notable et durable, qui justifierait une modification de la contribution d’entretien (consid. 8.2.2).
Divorce; entretien; revenu hypothétique; art. 125 CC
Entretien post-divorce de l’époux-se et revenu hypothétique (art. 125 CC). Conformément au principe de l’indépendance économique des époux, la partie demanderesse ne peut prétendre à une pension que si elle n’est pas en mesure de pourvoir elle-même à son entretien convenable, de sorte que, selon les circonstances, elle peut se voir imputer un revenu hypothétique. Rappel des critères (consid. 3.1). En l’espèce, le Tribunal fédéral confirme la décision de l’autorité précédente de ne pas imputer un revenu hypothétique à la défenderesse, d’origine indienne, sans formation, n’ayant jamais exercé d’activité professionnelle pour s’occuper des enfants, ne parlant pas le français, âgée de 50 ans au moment de la séparation et d’une fragilité psychique (consid. 3.2).
Idem. Fixation et durée de l’entretien. L’autorité judiciaire doit tenir compte de l’ensemble des critères énumérés de façon non exhaustive à l’art. 125 al. 2 CC. En pratique l’obligation est souvent fixée jusqu’au jour de la retraite de la partie débitrice, mais il n’est pas exclu d’allouer une rente sans limitation de durée (consid. 4.1).
Divorce; entretien; procédure; art. 4, 126 CC; 106, 107, 277 CPC
Etablissement des faits (art. 277 al. 2 CPC). La maxime des débats atténuée impose à l’autorité judiciaire d’aviser les parties lorsqu’il manque des pièces nécessaires pour statuer sur les conséquences patrimoniales du divorce. Ce devoir est toutefois limité aux pièces qui sont nécessaires à la preuve de faits déjà allégués et ne fonde aucune obligation du tribunal de faire procéder à une amélioration lorsqu’une partie n’a pas suffisamment formé un allégué de fait (consid. 3).
Versement de l’entretien post-divorce en capital (art. 4, 126 al. 2 CC). Lorsque des circonstances particulières le justifient, l’autorité judiciaire peut imposer un règlement définitif de l’entretien sous forme de capital, en usant de son pouvoir d’appréciation. En ce sens, peuvent notamment constituer des circonstances particulières, un éloignement spatial important, un risque permanent de retard dans le paiement de la contribution d’entretien, mais non le seul fait que la partie débitrice dispose des moyens financiers pour le faire, ni l’existence de tensions entre les ex-époux, pas plus que le risque de pré-décès. Une lacune de prévoyance née durant le mariage peut réaliser une telle circonstance (consid. 4.1.1 et 4.1.2).
Frais et dépens (art. 4 CC, 106 et 107 CPC). Les frais et dépens sont en principe mis à la charge de la partie qui succombe. L’autorité judiciaire peut toutefois s’écarter de cette règle et les répartir selon sa libre appréciation lorsque le litige relève du droit de la famille (consid. 5.2).
Divorce; liquidation du régime matrimonial; procédure; art. 204, 207, 214 CC; 151 CPC
Liquidation du régime matrimonial. Moment déterminant (art. 207 al. 1, 204 al. 2 CC, 214 al. 1, 211 CC). Dans le cas où la liquidation du régime matrimonial est réglée par voie judiciaire, la date du jugement ou une date aussi proche que possible de cette date est déterminante. Il est toutefois possible de déroger à ce principe notamment par accord des parties, qui peut être implicite (consid. 3.2). En principe il est acceptable que l’autorité judiciaire inférieure considère la date du jugement de première instance et non celle de sa propre décision comme déterminante pour le moment de la liquidation du régime matrimonial. La situation ne serait différente que si l’instance inférieure avait statué sur la demande d’indemnisation de manière réformatoire (consid. 3.4).
Procédure. Faits notoires (art. 151 CPC). Les faits notoires n’ont pas à être prouvés et ne doivent pas être allégués. Le Tribunal fédéral peut en tenir compte d’office et ils échappent ainsi à l’interdiction des faits nouveaux (consid. 3.5.2).
Idem. Rappel des principes (consid. 3.6.1). Le Tribunal fédéral tranche la question de savoir si le cours des actions des sociétés cotées en bourse constitue des faits notoires. A cette fin, il dresse une liste des différents faits qui jusqu’à présent n’ont pas été considérés comme notoires, par exemple, les taux d’intérêts Libor, et ceux qu’ils l’ont été, par exemple, le taux d’intérêt des obligations fédérales (consid. 3.6.2 à 3.6.4). Concernant les actions, il existe de nombreuses sources pour les cours des actions des sociétés cotées en bourse, dont certaines présentent des valeurs qui ne diffèrent que très peu les unes des autres. En outre, en principe, seules les informations provenant d’internet qui ont un caractère officiel du fait qu’elles sont facilement accessibles et proviennent de sources fiables sont considérées comme publiques et notoires. Par conséquent, il n’est pas justifié d’attribuer le cours de la bourse aux faits notoires (consid. 3.6.5 et 3.6.6).
Modification du jugement de divorce; entretien; art. 127 CC; 18 CO
Convention de divorce excluant la modification de l’entretien (art. 127 CC, 18 CO). Par convention, les époux peuvent exclure complètement ou partiellement la modification ultérieure d’une rente fixée d’un commun accord. Une convention sur les effets accessoires du divorce est une manifestation de volonté qui doit être interprétée selon les mêmes principes que les autres contrats. L’autorité judiciaire doit recourir en premier lieu à l’interprétation subjective (rechercher la réelle et commune intention des parties), le cas échéant empiriquement, sur la base d’indices, sans s’arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir. Si l’interprétation subjective n’aboutit pas, l’autorité doit recourir à l’interprétation objective, à savoir rechercher la volonté objective des parties d’après les règles de la bonne foi. Lorsque la teneur d’une clause contractuelle paraît limpide à première vue, il peut résulter d’autres conditions du contrat, du but poursuivi ou d’autres circonstances que le texte de cette clause ne restitue pas exactement le sens de l’accord conclu. Il n’y a cependant pas lieu de s’écarter du sens littéral du texte lorsqu’il n’y aucune raison sérieuse de penser que celui-ci ne corresponde pas à leur volonté (consid. 3.3). En l’espèce, la convention de divorce des parties stipulait clairement que l’ex-époux renonçait à demander une modification de l’entretien, quelles que soient les circonstances nouvelles, sous réserve d’une baisse de salaire en dessous de CHF 6'000.00 suite à une maladie ou un accident. Ces conditions n’étant pas réalisées, le Tribunal fédéral confirme l’argumentation de l’autorité cantonale et rejette le recours (consid. 3.4).
Couple non marié; filiation; procédure; art. 29 al. 2 Cst.; 8, 262 CC
Droit d’être entendu et opposition à une expertise ADN dans une procédure en constatation de la paternité (art. 29 al. 2 Cst.). Rappel de la portée du droit d’être entendu garanti dans la Constitution fédérale (consid. 4.3.1). Selon la jurisprudence, l’expertise ADN est le moyen de preuve de choix en matière d’établissement de la filiation. Par ailleurs, selon le Code de procédure civile, les parties et les tiers doivent se prêter aux examens nécessaires à l’établissement de la filiation et y collaborer, dans la mesure où leur santé n’est pas mise en danger. A moins que, dans un cas particulier, il existe des risques extraordinaires pour la santé, tant le prélèvement de cellules par frottis buccal que la prise de sang ne portent en principe que des atteintes légères à l’intégrité corporelle (consid. 4.3.2). En l’espèce, le recourant se plaint que l’autorité cantonale ne l’ait pas interpellé expressément sur la question de la méthode de prélèvement ADN applicable, sans faire valoir de motifs rédhibitoires. Le grief est dès lors rejeté (consid. 4.4).
Présomption de paternité (art. 8, 262 CC). La paternité est présumée lorsque, entre le trois centième et le cent quatre-vingtième jour avant la naissance de l’enfant, le défendeur a cohabité avec la mère. La présomption cesse lorsque le défendeur prouve que sa paternité est exclue ou moins vraisemblable que celle d’un tiers. S’agissant du fardeau de la preuve, il incombe à la partie demanderesse d’établir le fait de la paternité sur lequel elle fonde son action en justice (consid. 5.1). La vraisemblance de la preuve porte en l’espèce sur la cohabitation (consid. 5.2). La maxime inquisitoire illimitée en matière d’établissement de la filiation est applicable (consid. 6.3).
Couple non marié; audition de l’enfant; art. 314a al. 1 CC
Le manque de l’audition de l’enfant (314a al. 1 CC). Si le tribunal arrive à la conclusion qu’une audition de l’enfant n’aurait aucune valeur de connaissance dans la situation initiale donnée, c’est-à-dire que tout résultat de l’audition de l’enfant est objectivement inadapté ou non pertinent dès le départ pour la détermination des faits concrets juridiquement pertinents (ce que l’on appelle une fausse appréciation anticipée des preuves), il n’a pas l’obligation d’entendre l’enfant. En revanche, en règle générale, l’audition ne peut être supprimée sur la base d’une appréciation anticipée des preuves ; le tribunal doit procéder à une audition même s’il a des doutes que ce moyen apportera quelque chose. En outre, il convient de s’abstenir de procéder à des auditions répétées lorsque cela représente une charge déraisonnable pour l’enfant. Toutefois, la renonciation à une nouvelle audition présuppose que l’enfant a été interrogé·e sur les points pertinents (consid. 3.2).
Autorité parentale. Retrait du droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant (art. 310 al. 1 CC). Rappel des principes (consid. 4.2).
Couple non marié; garde des enfants; droit de visite; art. 298b CC; 52fbis RAVS
Instauration de la garde alternée (art. 298b al. 3 et 3ter CC). Rappel des principes (consid. 3.1.1).
Ibid. Relations personnelles (art. 298b al. 2ter CC). L’art. 298 al. 2ter CC peut également entrer en considération dans un litige qui concerne principalement les relations personnelles entre un père ou une mère, vivant séparément, et leur enfant. Cette disposition ne s’applique pas seulement si le père ou la mère souhaite obtenir l’équivalent de la moitié de prise en charge. Elle s’applique de façon générale, surtout si le père ou la mère souhaite s’occuper de son enfant également pendant la semaine, au lieu de lui rendre visite uniquement le week-end. Dans ce cas, le litige ne porte plus sur les relations personnelles entre le parent qui ne détient pas la garde et l’enfant (art. 273 al. 1 CC), mais sur les modalités de la prise en charge de l’enfant au sens de l’art. 298 al. 2ter CC, donc sur la garde elle-même. Pour régler la garde dans un cas concret, le tribunal doit juger indépendamment de la volonté du père ou de la mère et se détacher d’un accord y relatif, si l’intérêt de l’enfant le commande (consid. 3.1.2).
Ibid. Rappel des critères (consid. 3.1.3). Le Tribunal fédéral rappelle qu’il est contraire à la jurisprudence d’accorder la garde uniquement au père ou à la mère dans le cas ou en pratique, les deux se partagent la garde. En l’espèce, le père avait une prise en charge de 39% et la mère 61%. L’arrangement pris pour le père allait clairement au-dessus d’un « simple » droit de visite le week-end. L’instance inférieure aurait ainsi dû constater qu’il s’agissait bel et bien d’une garde alternée. La notion de garde alternée, qui est également à la base de l’art. 298b al. 3ter CC, ne présuppose pas une garde strictement égale (consid. 3.4.1 et 3.4.2).
Attribution des bonifications pour tâches éducatives (art. 52fbis al. 1 et 2 RAVS). Rappel des principes. En principe, le tribunal ne peut pas envisager une autre solution que celle prévue par la loi, tant que les parties n’ont pas convenu d’un partage différent. Cela ne présuppose pas une répartition exactement par moitié du temps de garde. La répartition 50/50 des bonifications pour tâches éducatives s’applique si la mère et le père ont effectivement assumé une part substantielle de la garde. Toutefois, le tribunal doit également tenir compte de l’objectif des bonifications pour tâches éducatives, à savoir permettre l’accumulation d’une prévoyance vieillesse malgré la garde des enfants. Le tribunal peut ainsi prendre en compte si la garde de l’enfant empêche le père ou la mère d’exercer une activité rémunérée et donc de constituer sa prévoyance vieillesse. En l’espèce, le recourant sollicite la fixation d’une garde alternée et une répartition à parts égales des parts de soins ; ainsi, les bonifications pour tâches éducatives des enfants devraient également lui être créditées à parts égales. Compte tenu de cette répartition à peu près, il n’y a aucune raison de s’écarter de la répartition 50/50 (consid. 3.6.1).
Couple non marié; entretien; art. 276, 285 CC; 3 LHID
Entretien de l’enfant (art. 276 et 285 CC). Rappel des principes (consid. 3.1 et 3.2).
Prise en compte et calcul de la charge fiscale (art. 289 al. 1 CC ; art. 3 al. 1 LHID). Si la situation financière des parties permet d’aller au-delà du minimum vital selon le droit des poursuites et faillites lors du calcul de la contribution d’entretien de l’enfant, une charge fiscale doit être prise en compte. En matière fiscale, le revenu de l’enfant, à savoir les contributions d’entretien en sa faveur, est ajouté au revenu imposable du père ou de la mère qui reçoit la prestation (consid. 4.2.2.1).
Le Tribunal fédéral se penche sur la question de comment déterminer la charge fiscale qui doit être prise en compte dans le calcul de l’entretien convenable de l’enfant (consid. 4.2.3). L’addition du revenu de l’enfant au revenu imposable du crédirentier ou de la crédirentière tend à entraîner des impôts plus élevés. En revanche, le crédirentier ou la crédirentière peut effectuer à la fois des déductions générales et spéciales notamment pour les frais de prise en charge par des tiers inclus dans la contribution d’entretien de l’enfant. En outre, il s’agit de prendre en considération les circonstances spécifiques (barème d’imposition différent selon qu’il s’agit d’une personne seule ou famille monoparentale ; consid. 4.2.3.1).
Ensuite, le Tribunal fédéral développe les différentes méthodes de calcul proposées dans la doctrine pour déterminer la part d’impôt que le père ou la mère bénéficiaire devra payer en plus en raison de la contribution à l’entretien de l’enfant (consid 4.2.3.2). Dans tous les cas, les auteurs s’accordent à dire que dans un premier temps, la charge fiscale (présumée) du crédirentier ou de la crédirentière doit être déterminée sur la base des circonstances concrètes. A cet égard, les simulateurs fiscaux de la Confédération ou des cantons, mais aussi les simulateurs de calculs d’entretien proposés par le secteur privé, peuvent être utiles. Les auteurs sont également d’accord sur le fait que la charge fiscale (Steueranteil) doit être calculée uniquement (et toujours) par rapport à la contribution d’entretien pécuniaire, et non pas sur la base de la contribution d’entretien en nature (4.2.3.3).
Une répartition mathématique tenant compte de tous les aspects n’est pas possible ou du moins difficilement applicable en pratique. La méthode, qui propose une répartition proportionnelle des impôts dus en fonction des revenus, y compris les contributions d’entretien, du crédirentier ou de la crédirentière et de ceux des enfants mineur·e·s (consid. 4.2.3.2.3) semble donc utilisable.
En effet, dans le cadre de la méthode concrète en deux étapes, les revenus et la charge fiscale du crédirentier ou de la crédirentière ainsi que les autres postes de dépenses de l’enfant pertinents pour la détermination du minimum vital en droit des familles sont (ou doivent être) connus, et le juge dispose par conséquent de toutes les informations pour déterminer la charge fiscale à inclure dans les besoins pécuniaires de l’enfant. Ainsi, lors de la détermination des besoins – élargis – de l’enfant, il s’agit de prendre en compte la contribution d’entretien de l’enfant (revenu de l’enfant) imposable au crédirentier ou à la crédirentière (art. 3 al. 3 LHID et 285 al. 2 CC) par rapport au revenu total imposable du parent bénéficiaire et la part de l’obligation fiscale totale du crédirentier ou de la crédirentière qui en découle. Si, par exemple, le revenu attribuable à l’enfant représente 20% du revenu du foyer fiscal, la même proportion de la dette fiscale totale du crédirentier ou de la crédirentière doit être incluse dans les besoins de l’enfant et, par conséquent, seule la différence doit être incluse dans les besoins du crédirentier ou de la crédirentière (consid. 4.2.3.5).
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