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En ce début d’année 2023, que nous vous souhaitons pleine de joie, de succès et de belles découvertes, nous vous proposons une édition spéciale de la newsletter droitmatrimonial.ch, qui revient sur les arrêts commentés en 2022.
TF 5A_907/2019 (d) du 27 août 2021
Divorce; étranger; DIP; entretien; revenu hypothétique; liquidation du régime matrimonial; procédure; art. 125, 181 et 182 CC; 18 al. 1 CO; 52 à 56 et 194 LDIP; Convention de NY
Entretien entre ex-conjoint·e·s et revenu hypothétique – rappels des nouveaux principes (art. 125 CC). Rappel des nouveaux principes jurisprudentiels not. de la méthode en trois étapes, de l’abandon de la « règle des 45 ans » et des critères à prendre en compte (consid. 3.1 in extenso).
Rappel des règles générales d’interprétation d’un contrat en droit des obligations (art. 18 al. 1 CO) (consid. 4.2.1 in extenso). I.c. convention conclue entre les parties (Agreement Regarding Status of Property) ayant un volet relevant du droit des obligations et un volet relevant du régime matrimonial (not. consid. 4.2.2 in extenso).
Reconnaissance d’une décision arbitrale étrangère (art. 194 LDIP ; Convention de New York). Reconnaissance, dans le cadre de la procédure de divorce, d’une sentence arbitrale étrangère relative au volet obligationnel de la convention conclue i.c. entre les parties (consid. 5 in extenso). Rappel des règles prévues par la Convention de New York du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères (art. 194 LDIP) (consid. 5.2).
Droit applicable au régime matrimonial – rappel des principes (art. 52 à 56 LDIP). Rappel des règles légales relatives à l’élection de droit en matière de régime matrimonial (art. 52 et 53 LDIP). En vertu du principe de l’unité du régime matrimonial, une élection de droit partielle, comme en l’espèce, est toutefois exclue (consid. 6.1.1). Rappel des règles légales relatives au droit applicable au régime matrimonial en l’absence d’élection de droit (valable) (art. 54 al. 1 et 55 LDIP). La validité matérielle et les effets d’un contrat de mariage sont régis par le statut du régime matrimonial. Celui-ci se détermine sur la base de l’art. 52 LDIP, en cas d’élection de droit valable, et, à défaut, sur la base de l’art. 54 LDIP. Par « contrat de mariage » au sens des art. 55 al. 2 et 56 LDIP, il faut entendre tout acte juridique bilatéral par lequel les conjoint·e·s règlent leur régime matrimonial, à savoir, essentiellement, par lequel les conjoint·e·s choisissent un régime matrimonial spécifique prévu par un ordre juridique spécifique (consid. 6.2.1).
Numerus clausus, régime ordinaire et choix du régime matrimonial en droit suisse – rappel des principes (art. 181 et 182 CC). Le régime ordinaire de la participation aux acquêts s’applique, sauf si les conjoint·e·s adoptent un autre régime par contrat de mariage ou qu’il et elle ne soient soumis·e·s au régime matrimonial extraordinaire (art. 181 CC). Le contrat de mariage peut être passé avant ou après la célébration du mariage (art. 182 al. 1 CC). Les parties ne peuvent adopter un régime, le révoquer ou le modifier, que dans les limites de la loi (art. 182 al. 2 CC). Seuls le régime matrimonial en tant que tel et certaines modifications d’un régime déterminé (e.g. art. 199 et 216 CC) peuvent faire l’objet du contrat de mariage, à l’exception du droit patrimonial entre conjoint·e·s dans son ensemble ou d’éléments isolés du régime matrimonial. Rappel du numerus clausus des régimes matrimoniaux en droit suisse. Un mélange entre les trois régimes par une modification d’un régime reconnu n’est pas possible. Le choix d’un régime matrimonial englobe l’entier du patrimoine des conjoint·e·s. Une limitation à certains éléments patrimoniaux déterminés est inadmissible (consid. 6.3.1).
Commentaire de l'arrêt TF 5A_907/2019 (d)
Prise en compte d’une sentence arbitrale étrangère dans une procédure de divorce en SuisseAperçu des modifications légales qui entrent en vigueur en 2022 en droit des familles
Chronique proposée par Michael Saul en lien avec les dernières modifications législatives.
TF 5A_294/2021 - ATF 148 III 95 (d) du 7 décembre 2021
Mesures protectrices; entretien; procédure; art. 29 al. 1 Cst.; 176 et 179 al. 1 CC; 221 al. 1 let. d et e, 229, 236 al. 1, 276 al. 1 et 2, 317, 318 al. 2 et 327 al. 3 let. b CPC
Nova – compétence et coordination entre les procédures de MPUC, de modification des MPUC et de divorce. Lorsque la procédure de MPUC est encore pendante, c’est le tribunal des MPUC qui doit prendre en compte les faits et moyens de preuve nouveaux, y.c. l’instance cantonale supérieure au stade de la procédure de recours, lorsqu’ils peuvent être admis en application des art. 229 ou 317 CPC. Peu importe que la procédure de divorce ou qu’une procédure en modification des MPUC ait été introduite en parallèle. Ignorer cette règle de manière systématique, comme en l’espèce, revient à verser dans l’arbitraire (consid. 4.2 pour le principe et consid. 4.5 pour le cas d’espèce).
Commentaire de l'arrêt TF 5A_294/2021 - ATF 148 III 95 (d)
François Bohnet
Avocat spécialiste FSA droit du bail, LL.M., Dr en droit, Professeur à l'Université de Neuchâtel
TF 5A_75/2020 - ATF 148 III 270 (d) du 12 janvier 2022
Couple non marié; entretien; avis débiteur; procédure; art. 131a al. 2, 289 al. 2, 291, 293 al. 2 et 308 al. 2 CC; 296 al. 1 et 3 CPC; OAiR
Objet et conséquences procédurales de la subrogation légale en cas d’avances par la collectivité publique (art. 289 al. 2 CC) – changement de jurisprudence. Lorsque la collectivité publique avance des contributions d’entretien du droit de la famille, elle est subrogée dans le droit à l’entretien sur la base de l’art. 131a al. 2 ou de l’art. 289 al. 2 CC. Encore faut-il déterminer l’objet de la subrogation et les conséquences s’agissant de la légitimation matérielle, en particulier la légitimation passive lorsque la partie débitrice de l’entretien en réclame la suppression ou la réduction (consid. 2). Résumé de la jurisprudence topique récente du Tribunal fédéral, en particulier de l’ATF 143 III 177, (consid. 2) et exposé des vives critiques qu’elle a suscitées en doctrine (consid. 3).
Il découle de l’interprétation téléologique de l’art. 289 al. 2 CC que l’autorité législative a voulu faire de la collectivité publique la créancière des contributions d’entretien qu’elle a avancées, mais aussi la faire bénéficier de privilèges en général liés à l’entretien de l’enfant (faire valoir en justice les contributions avancées, requête d’avis aux personnes débitrices ou en fourniture de sûretés). Néanmoins, rien n’indique que l’autorité législative envisageait un transfert du droit de base à l’entretien en tant que tel. Au contraire, il convient de retenir que la cession légale prévue à l’art. 289 al. 2 CC, comme celle de l’art. 131a al. 2 CC (comp. ég. art. 131 al. 3 aCC), porte uniquement sur les créances d’entretien effectivement avancées par la collectivité publique (consid. 6.3).
Dans la plupart des cantons, l’avance de contributions d’entretien n’est accordée qu’en présence d’un titre (jugement ou convention ratifiée) qui fixe l’entretien dû à l’enfant. Nonobstant l’entrée en vigueur de l’OAiR, l’avance de contributions d’entretien demeure du ressort exclusif du droit public cantonal (art. 293 al. 2 CC). Les cantons sont libres de décider s’ils veulent avancer des contributions d’entretien, à quelle hauteur et à quelles conditions, et ils supportent les risques en la matière. En pratique, la collectivité publique ne participe donc pas à la fixation initiale de l’entretien, sous réserve de l’instauration d’une curatelle à cette fin (art. 308 al. 2 CC), et rien ne justifierait une autre solution pour la procédure de modification. L’intérêt de la collectivité publique à un encaissement des contributions avancées ne peut pas l’emporter sur la protection du minimum vital de la partie débitrice qui ne doit pas non plus subir de préjudice du fait de la subrogation. En outre, l’application, lors de la fixation de l’entretien, de la maxime inquisitoire illimitée (art. 296 al. 1 CPC), en plus de la maxime d’office (art. 296 al. 3 CPC), garantit que l’entretien fixé correspond à la situation juridique matérielle (consid. 6.4).
Ainsi, dans le cadre de l’art. 289 al. 2 CC, seules les créances d’entretien périodiques (découlant du droit de base à l’entretien) qui ont été effectivement avancées par la collectivité publique sont transférées à celle-ci, et non les créances d’entretien périodiques futures ni le droit à l’entretien en tant que tel (consid. 6.5).
Même dans ce cas, le droit de requérir l’avis aux personnes débitrices (art. 291 CC) passe en tant que « droit accessoire » à la collectivité publique. Contrairement à ce que retient l’ATF 137 III 193, cela ne suppose pas que la subrogation légale porte sur le droit à l’entretien en tant que tel. Pour des raisons de politique juridique, il se justifie ainsi d’accorder à la collectivité publique subrogée à hauteur des avances effectuées par le passé, et qui effectuera des avances à l’avenir, la possibilité de requérir en fonction un avis aux personnes débitrices. Au surplus, il n’y a pas lieu de revenir sur l’ATF 137 III 193 compte tenu de l’intention claire de l’autorité législative (consid. 6.6).
Ainsi, le droit de base à l’entretien n’est en outre jamais fractionné, même lorsque l’avance prévue en droit cantonal est inférieure au montant de la contribution due (consid. 6.7).
De plus, indépendamment d’éventuelles avances et de leur durée, la procédure en modification de l’entretien opposera donc toujours uniquement la partie débirentière et l’enfant (ou son/sa représentant·e légale·e agissant sur la base de la Prozessstandschaft), mais jamais la collectivité publique (consid. 6.7).
La réaction de la collectivité publique en cas d’action en modification (e.g. suspension des avances) relève du droit cantonal, ainsi que la question de savoir si, lorsque la collectivité a versé des avances durant la procédure, elle réclame ou non à l’enfant l’éventuelle différence resp. leur remboursement intégral, en cas de réduction resp. de suppression des contributions de manière rétroactive (au plus tôt au jour de la litispendance) (consid. 6.7).
La collectivité publique ne peut agir en paiement contre la partie débitrice d’entretien que pour les créances d’entretien objets de la subrogation. En ce sens, le droit d’action est un « droit accessoire » des créances d’entretien avancées. Si elle entend faire valoir d’autres prétentions en justice (e.g. augmentation de l’entretien de l’enfant), la collectivité publique doit instaurer une curatelle à cette fin sur la base de l’art. 308 al. 2 CC (consid. 6.8).
Un changement de jurisprudence dans le sens de ce qui précède s’impose (consid. 7 in extenso, en part. consid. 7.3).
Commentaire de l'arrêt TF 5A_75/2020 - ATF 148 III 270 (d)
François Bohnet
Avocat spécialiste FSA droit du bail, LL.M., Dr en droit, Professeur à l'Université de Neuchâtel
TF 5A_568/2021 - ATF 148 III 161 (d) du 25 mars 2022
Divorce; garde des enfants; entretien; art. 125, 276 et 285 CC
Entretien entre ex-conjoint·e·s (art. 125 CC) – rappels. Rappel des (nouveaux) principes jurisprudentiels (consid. 4.1). Le Tribunal fédéral est revenu sur la notion de mariage lebensprägend, précisant en particulier que les présomptions appliquées par le passé, en particulier en lien avec la présence d’enfants commun·e·s, doivent être relativisées et que le catalogue de critères non exhaustif de l’art. 125 al. 2 CC est déterminant. Rappel de la notion de mariage lebensprägend désormais applicable (consid. 4.2).
Entretien entre ex-conjoint·e·s et contribution de prise en charge (art. 276 et 285 CC) – rappels et précisions. Depuis l’entrée en vigueur du nouveau droit de l’entretien de l’enfant, les inconvénients subis par le père ou la mère en raison de la prise en charge des enfants (cas échéant post-divorce) sont compensés en premier lieu par la contribution de prise en charge (art. 276 et 285 CC). En présence de père et mère divorcé·e·s, sont seuls déterminants, dans le cadre de l’entretien entre ex-conjoint·e·s, les inconvénients découlant de la prise en charge des enfants qui ne sont pas couverts par la contribution de prise en charge, dont le bénéficiaire économique est le père ou la mère titulaire de la garde. En vertu du principe central d’égalité entre enfants de père et mère marié·e·s et enfants de père et mère non marié·e·s, il ne faut, dans la mesure du possible, pas aboutir à une différence de traitement entre les enfants issu·e·s du mariage et les enfants né·e·s hors du mariage. Partant, on peut se demander dans quelle mesure les inconvénients liés à la prise en charge des enfants peuvent, à eux seuls, encore justifier de qualifier un mariage de lebsensprägend. D’autant plus que de tels inconvénients peuvent être compensés dans le cadre de l’entretien post-divorce (art. 125 al. 2 ch. 6 CC), même sans admettre que le mariage est lebensprägend et sans s’appuyer sur le train de vie conjugal. Par conséquent, la présence d’enfants commun·e·s ne permet pas (plus) à elle seule de qualifier un mariage de lebensprägend (consid. 4.3.1).
En l’espèce, les difficultés de réinsertion professionnelle de la mère liées à la présence d’une enfant commune née en 2011 ne permet pas de qualifier le mariage de lebensprägend. De même, sont en particulier sans influence déterminante la répartition traditionnelle des tâches adoptée pour une courte période (moins d’une année) et la dépendance professionnelle de l’épouse vis-à-vis de l’époux. Eu égard à l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, le mariage des parties ne doit pas être qualifié de lebensprägend, contrairement à ce qu’a retenu à tort l’instance précédente (consid. 4.4, voir ég. consid. 4.3.2 et 4.3.3).
Contribution entre ex-conjoint·e·s en l’absence d’un mariage lebensprägend – rappels. Si le mariage n’est pas lebensprägend, il convient en principe de se référer, dans le cadre de l’examen d’une éventuelle contribution d’entretien post-divorce, à la situation qui existait avant le mariage, i.e. les conjoint·e·s doivent être remis·e·s dans la situation qui aurait prévalu si le mariage n’avait jamais été conclu. Dans certaines circonstances, il existe un droit, découlant de la solidarité post-divorce, à l’indemnisation d’une sorte d’intérêt négatif (« Heiratsschaden ») (consid. 5.1).
Commentaire de l'arrêt TF 5A_568/2021 - ATF 148 III 161 (d)
Mariage lebensprägend ? – La présence d’enfants commun·e·s n’est plus suffisanteTF 5A_545/2020 - ATF 148 III 245 (d) du 7 février 2022
Mariage; étranger; DIP; filiation; art. 20 al. 1 let. b, 32, 68, 69, 70 et 73 LDIP; 252 al. 1 CC; 8 al. 2 et 11 Cst.; 8 et 14 CEDH; 3 et 7 CDE
Transcription vs reconnaissance d’une naissance survenue à l’étranger en cas de maternité de substitution (art. 32, 68, 69 et 70 LDIP). L’arrêt porte sur la transcription dans les registres de l’état civil d’actes de naissance géorgien qui constatent le lien de filiation entre deux enfants jumeaux nés d’une mère de substitution (géorgienne, domiciliée en Géorgie) et leurs père (turc, domicilié à Zurich) et mère (turco-suisse, domiciliée à Zurich) d’intention, qui sont par ailleurs marié·e·s (faits ; consid. 3).
La transcription à l’état civil se fait aux conditions de l’art. 32 LDIP. Elle intervient lorsqu’une décision étrangère ou déclaration formatrice est reconnue dans l’ordre juridique suisse par l’autorité cantonale de surveillance (consid. 4.1). Lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, de l’enregistrement d’une naissance survenue à l’étranger, la transcription de la naissance entraîne l’inscription de la personne concernée dans les registres de l’état civil. Dans le même temps, la transcription entraîne l’inscription des liens de filiation établis ex lege à la naissance ou par acte juridique, conformément au droit applicable. L’acte de naissance, qui constate uniquement un lien de filiation établi ex lege, se distingue d’une décision ou d’un autre acte juridique qui génèrent une situation juridique ou la modifie. En cas de filiation par la naissance (art. 66 à 70 LDIP), la simple transcription de liens de filiation étrangers ne relève pas de l’art. 70 LDIP, qui règle la reconnaissance de décisions étrangères. En revanche, lorsque l’inscription se fonde sur une décision, c’est sur celle-ci que se base une éventuelle inscription dans les registres suisses de l’état civil, et non sur l’extrait du registre de l’état civil. Pour les liens de filiation établis ex lege le droit applicable désigné par l’art. 68 LDIP est déterminant (consid. 4.2). En cas de maternité de substitution, les règles concernant la filiation par naissance s’appliquent (art. 70, resp. 68 et 69 LDIP) (consid. 4.3).
Le droit géorgien relatif à la maternité de substitution, comme les cas russe et ukrainien, prévoit que les père et mère d’intention sont automatiquement père et mère juridiques. En outre, l’absence de parentalité de la mère de substitution n’est pas établie par décision, mais ex lege, et la parentalité de la mère de substitution n’est pas évoquée dans les registres de l’état civil. Partant, la filiation de l’enfant à l’égard de la mère de substitution n’est pas régie par l’art. 70 LDIP, faute de décision au sens de cette disposition (consid. 5.2). En particulier, le contrat de maternité de substitution conclu en l’espèce ne saurait être qualifié de décision (consid. 5.3).
Filiation par naissance – droit applicable (art. 20 al. 1 let. b, 68 al. 1 et 69 al. 1 LDIP). L’établissement, la constatation et la contestation de la filiation sont régis par le droit de l’Etat de la résidence habituelle de l’enfant (art. 68 al. 1 LDIP). On entend par résidence habituelle le centre des relations personnelles (voir art. 20 al. 1 let. b LDIP et les critères issus des conventions de La Haye). En général, la résidence habituelle de l’enfant coïncide avec le centre de vie du père ou de la mère. S’agissant de nouveau-né·e·s, les liens familiaux avec le père ou la mère qui s’occupe de l’enfant sont des indices décisifs. Les liens de la mère avec un pays englobent en principe l’enfant. La date de la naissance est le moment déterminant (art. 69 al. 1 LDIP) (consid. 6.1). Une présence de plusieurs mois, en principe six mois, crée une résidence habituelle. Celle-ci ne résulte pas seulement des circonstances de fait reconnaissables de l’extérieur (durée du séjour et relations créées), mais aussi de la durée probable du séjour et de l’intégration à laquelle on peut s’attendre de ce fait. Lorsque, comme en l’espèce, les père et mère d’intention s’occupent dès la naissance des deux enfants et ont prévu de rentrer à brève échéance dans l’Etat de leur propre centre de vie, la résidence habituelle des enfants nés d’une mère de substitution se trouve dans cet Etat, i.c. en Suisse (consid. 6.2). Une autre solution n’est pas envisageable de lege lata (consid. 6.3 in extenso).
Lien de filiation maternel (art. 252 al. 1 CC). Lorsque, comme en l’espèce, le droit suisse est applicable, le principe mater semper certa est trouve application, si bien que la femme ayant donné naissance (mère de substitution) est la mère juridique (art. 252 al. 1 CC) (consid. 6.4).
Lien de filiation paternel (art. 73 LDIP). La reconnaissance d’un·e enfant intervenue à l’étranger est régie, en Suisse, par l’art. 73 LDIP (consid. 7.1). In casu, l’instance précédente a vu dans le contrat de maternité de substitution une reconnaissance des enfants par le père d’intention génétique valable selon le droit suisse. Ce point n’est pas remis en cause devant le Tribunal fédéral (consid. 7.3). De lege lata, il n’est en outre pas possible d’admettre une « reconnaissance par la mère d’intention » (consid. 7.4 in extenso).
Conformité à la Constitution fédérale (art. 8 al. 2 et 11 Cst.) et aux conventions internationales (art. 8 et 14 CEDH ; art. 3 et 7 CDE). Selon la jurisprudence de la CourEDH relative à l’art. 8 CEDH, la mère d’intention doit avoir une possibilité d’obtenir la parentalité juridique, lorsque l’enfant a été conçu·e avec le sperme du père d’intention et les ovules d’une donneuse, et porté·e par une mère porteuse. Il n’est toutefois pas nécessaire que la mère d’intention soit considérée ab initio comme mère juridique, mais il suffit qu’elle puisse, comme le père d’intention génétique, obtenir ce statut ultérieurement par d’autres moyens, comme l’adoption de l’enfant, pour autant que l’intérêt supérieur de l’enfant soit préservé et que la procédure soit effective et rapide. Il en va de même en ce qui concerne la reconnaissance du lien de parentalité entre l’enfant et sa mère d’intention génétique (consid. 8.1). La présente espèce se distingue en outre des ATF 141 III 312, 328 (consid. 8.2). In casu, il n’y a pas de violation de l’interdiction de la discrimination (art. 8 al. 2 Cst. ; art. 14 cum 8 CEDH) (consid. 8.3 et 8.4). Le principe mater semper certa est n’est en tant que tel pas contraire à la CEDH (consid. 8.4). Il n’y a en l’espèce pas de violation de la CEDH et l’intérêt et les droits des enfants sont suffisamment garantis (art. 11 Cst. ; art. 3 et 7 CDE) (consid. 8.5 et 8.6).
De lege ferenda. Au surplus, il revient à l’autorité législative de régler la divergence entre parentalité génétique, biologique et sociale, ce que le Tribunal fédéral a déjà souligné (voir ég. le rapport du Conseil fédéral du 17 décembre 2021 sur la nécessité de réviser le droit de l’établissement de la filiation – postulat 18.3714) (consid. 8.7).
Commentaire de l'arrêt TF 5A_545/2020 - ATF 148 III 245 (d)
Sandra Hotz
Professeure ordinaire de droit civil et droit de la santé à l'Université de Neuchâtel, Dr. iur, avocate
TF 5A_524/2021 - ATF 148 I 251 (f) du 8 mars 2022
Couple non marié; autorité parentale; protection de l’enfant; procédure, mesures provisionnelles; art. 49 al. 1 et 122 al. 1 et 2 Cst.; 310 al. 1, 315, 315a, 440 et 445 al. 1 et 2 CC
Protection de l’adulte et de l’enfant – rappels de droit constitutionnel (art. 49 al. 1, 122 al. 1 et 2 Cst.). Rappel de la primauté du droit fédéral et du fait que la force dérogatoire du droit fédéral au sens de l’art. 49 al. 1 Cst. peut être invoquée en tant que droit individuel constitutionnel (consid. 3.4.1). Même si les dispositions concernant la protection de l’enfant et de l’adulte relèvent en principe du droit public, elles sont néanmoins édictées sur la base de la compétence de la Confédération en matière de droit civil (art. 122 al. 1 Cst.) et sont incorporées dans la législation civile comme « droit public complémentaire », resp. « droit civil fédéral formel ». En vertu de l’art. 122 al. 2 Cst., l’organisation judiciaire et l’administration de la justice en matière de droit civil sont du ressort des cantons, sauf disposition contraire de la loi. Le droit fédéral doit être interprété restrictivement dans ce contexte (consid. 3.4.2).
Objet de l’arrêt – art. 310 al. 1, 440 al. 2 et 445 al. 1 CC. L’arrêt porte sur la question de savoir si, au regard du droit fédéral, des mesures provisionnelles retirant le droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant et prononçant le placement de celui-ci ou celle-ci sur la base des art. 310 al. 1 CC et 445 al. 1 CC (applicable par analogie par renvoi de l’art. 314 al. 1 CC) peuvent être rendues par un·e membre unique de l’autorité de protection de l’enfant (art. 440 CC), in casu du canton du Jura (consid. 3.5 ; voir ég. consid. 3.4.3 à 3.4.5).
Interprétation des art. 440 al. 2 et 445 al. 1 CC – rappel des principes. Rappel des méthodes d’interprétation de la loi et du pluralisme pragmatique (consid. 3.6).
Idem – interprétation littérale. L’art. 440 al. 2 cum al. 3 CC pris au sens littéral laisse la liberté aux cantons de définir quelles peuvent être les affaires échappant à l’obligation de composition collégiale de l’autorité de protection de l’enfant (minimum trois membres) (consid. 3.6.1).
Idem – interprétation historique. Examen approfondi des travaux préparatoires (consid. 3.6.2.1 à 3.6.2.7). Il ressort de l’interprétation historique qu’une certaine liberté a été laissée aux cantons pour définir des exceptions à une composition collégiale de l’autorité. Néanmoins, le Message n’a pas renoncé à définir leurs contours et l’absence de liste exhaustive d’exceptions n’emporte pas la volonté de donner un blanc-seing aux cantons. Interdiction leur est faite de contourner, par l’art. 440 al. 2 CC, le principe de collégialité, intrinsèquement lié à celui d’interdisciplinarité, dans les affaires où il devrait prévaloir au regard notamment de l’importance du cas concerné. S’agissant en particulier du prononcé de mesures provisionnelles, il apparaît que même si, aux prémices de la révision, la compétence d’un membre unique de l’autorité de protection semblait acquise, certaines limitations ont par la suite été apportées, en excluant notamment une compétence individuelle pour des mesures impliquant un pouvoir d’appréciation important et pour des décisions limitant l’exercice des droits civils de la personne concernée ou d’une autre manière, portant gravement atteinte à sa liberté personnelle. Pour de telles décisions, la compétence d’un·e membre unique de l’autorité peut ainsi tout au plus être admise s’agissant de mesures superprovisionnelles au sens de l’art. 445 al. 2 CC (consid. 3.6.2.8).
Idem – avis de la doctrine et de la COPMA. De manière générale, la doctrine se réfère abondamment au Message sur ces questions (consid. 3.6.3 et 3.6.3.1). Examen des recommandations de la « Conférence des cantons en matière de protection des mineurs et des adultes » (COPMA) (consid. 3.6.3.2).
Idem – interprétation téléologique. Dans l’interprétation de nouvelles dispositions, les travaux préparatoires prennent une place particulière lorsque les circonstances ne se sont pas modifiées et que les conceptions juridiques n’ont pas évolué. Dans ce cas, l’interprétation historique se confond avec l’interprétation téléologique. Vu le caractère récent de la révision du droit de la protection de l’adulte et de l’enfant et dès lors que l’art. 440 al. 2 CC est une concrétisation du principe de l’interdisciplinarité, dont la réalisation a été l’un des buts principaux de la révision, les interprétations historique et téléologique se recoupent en l’espèce dans une large mesure. On peut en outre se référer aux recommandations de la COPMA, qui préconisent une grande retenue s’agissant de l’attribution d’une compétence individuelle, compte tenu des exigences découlant du principe de l’interdisciplinarité (consid. 3.6.4.1).
Au 1er janvier 2022, treize cantons avaient prévu une compétence individuelle pour ordonner des mesures provisionnelles au sens de l’art. 445 al. 1 CC (not. BE ; FR ; GE ; JU ; NE ; VD), onze cantons avaient prévu une compétence collégiale à trois membres (not. VS) et deux cantons présentaient des solutions hybrides (consid. 3.6.4.2). Tour d’horizon des motifs retenus par les cantons pour justifier leur choix (consid. 3.6.4.3).
Les motifs invoqués pour justifier une compétence individuelle ne sont pas dénués de pertinence, mais ne peuvent occulter le fait que, même prononcée à titre provisionnel, une mesure prise dans le domaine central de la protection de l’enfant a généralement de lourdes répercussions pour les personnes concernées. Par ailleurs, une mesure provisionnelle peut subsister sur une longue durée avant qu’une décision sur le fond, et partant, un examen interdisciplinaire n’interviennent. De plus, une décision provisionnelle crée souvent un précédent et peut de ce fait avoir une influence considérable sur les décisions rendues ultérieurement. En outre, en cas d’urgence impérieuse, des mesures superprovisionnelles peuvent être rendues par un membre unique de l’autorité (art. 445 al. 2 CC), étant relevé que, selon la jurisprudence, lorsqu’une décision de mesures superprovisionnelles causant une atteinte grave aux droits de la personnalité est rendue en matière de protection de l’adulte, une décision de mesures provisionnelles doit être rendue sans délai (consid. 3.6.4.4).
Idem – interprétation systématique. Passage en revue des règles de procédure relatives à l’autorité de protection de l’enfant. En présence d’enfants de père et mère marié·e·s, le droit de la protection de l’enfant prévoit une répartition de compétences entre d’une part, le tribunal chargé du divorce ou des MPUC et d’autre part, l’autorité de protection de l’enfant (art. 315a CC). Celle-ci est ainsi en principe compétente (art. 315 CC), pour autant qu’un tribunal ne soit pas déjà saisi des questions correspondantes, notamment dans le cadre des MPUC ou du divorce (art. 133, 176 al. 3, 298 et 315a s. CC). La compétence matérielle du tribunal matrimonial se justifie alors du point de vue de l’unification matérielle et de l’économie de procédure. Les cantons peuvent prévoir la compétence d’un·e juge unique pour rendre des décisions de MPUC ou des mesures provisionnelles de divorce, et, partant, en matière de protection de l’enfant (art. 122 al. 2 Cst. ; art. 3 et 4 CPC). L’exigence d’interdisciplinarité n’est pas prévue, sous réserve d’une expertise ou d’enquêtes sociales qui ne relèvent toutefois pas du principe de collégialité (consid. 3.6.5.1). La répartition des compétences opérée par la loi ne permet toutefois pas d’éviter une différence de traitement entre enfants de père et mère marié·e·s et enfants de père et mère non marié·e·s. La relation avec l’art. 315a al. 1 et 2 CC n’est dès lors pas déterminante (consid. 3.6.5.2).
Résultat de l’interprétation – exigence d’une autorité collégiale. Ni l’interprétation littérale ni l’interprétation systématique ne permettent de trancher la question litigieuse. En revanche, les interprétations historique et téléologique appellent la compétence d’une autorité collégiale pour rendre de telles mesures. Dès lors, il y a lieu d’accorder une importance prépondérante à ces interprétations, dont le résultat est largement repris par la doctrine dominante. Le retrait du droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant et son placement relèvent du domaine central du droit de la protection de l’enfant et la mesure, même provisionnelle, porte en général une atteinte grave à des droits fondamentaux de l’enfant, singulièrement au respect de sa vie familiale, avec effet aussi pour les père et mère voire des personnes tierces, de sorte qu’il convient de conférer une importance particulière aux principes d’interdisciplinarité et de collégialité, afin de sauvegarder au mieux les intérêts de toutes les personnes concernées. L’exigence d’une compétence décisionnelle collégiale n’apparaît pas impraticable, de nombreux cantons l’ayant déjà prévue. En cas d’urgence impérieuse, le prononcé de mesures superprovisionnelles reste possible, l’intervention d’un collège décisionnel n’étant pas nécessaire (art. 445 al. 2 CC) (consid. 3.7).
Hormis ce dernier cas, le retrait du droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant et son placement ne sauraient dès lors relever de la compétence d’un·e membre unique de l’autorité de protection. La législation jurassienne ici en cause est donc contraire au droit fédéral (consid. 3.8).
Effet sur les décisions entrées en force. La violation constatée du droit fédéral est toutefois sans effet sur les décisions déjà entrées en force de chose jugée, car on ne saurait considérer qu’elles souffrent d’un défaut si grave qu’elles apparaissent comme nulles (consid. 3.9).
Commentaire de l'arrêt TF 5A_524/2021 - ATF 148 I 251 (f)
François Bohnet
Avocat spécialiste FSA droit du bail, LL.M., Dr en droit, Professeur à l'Université de Neuchâtel
TF 5A_382/2021 - ATF 148 III 353 (d) du 20 avril 2022
Couple non marié; autorité parentale; entretien; procédure; art. 131a al. 2, 163, 289 al. 2, 293 al. 2, 301 al. 1 et 306 al. 3 CC
Autorité parentale – décisions concernant l’enfant (art. 301 al. 1 et 306 al. 3 CC). Les décisions concernant l’enfant prises par le père ou la mère qui détient l’autorité parentale ne sont pas systématiquement imputables à l’enfant, en particulier lorsqu’elles ne sont pas compatibles avec son bien (art. 301 al. 1 CC) ou en présence d’un conflit d’intérêts (art. 306 al. 3 CC). Rappel du droit constitutionnel de l’enfant de connaître son ascendance (art. 119 al. 2 let. g Cst.) (consid. 3.3).
Entretien de l’enfant – avances de la collectivité en l’absence d’un titre d’entretien (art. 131a al. 2, 289 al. 2 et 293 al. 2 CC). Les art. 131a al. 2 et 289 al. 2 CC s’appliquent non seulement aux avances versées par la collectivité publique sur la base d’une décision d’entretien entrée en force (art. 293 al. 2 CC), mais aussi aux avances fondées sur le droit public cantonal, versées pour l’entretien de l’enfant avant ou pendant une procédure visant la fixation initiale de l’entretien, soit les prestations d’assistance ou d’aide sociale. Dans ces deux cas, la collectivité publique doit aussi pouvoir être subrogée dans la créance de nature civile et la partie créancière d’entretien libérée de son obligation de rembourser (consid. 4.1). Les principes posés dans l’arrêt TF 5A_75/2020 (destiné à publication), en part. son consid. 6 (consid. 4.2) – selon lesquels la légitimation active appartient toujours à l’enfant indépendamment d’une éventuelle avance – s’appliquent également lorsque la collectivité publique a octroyé des prestations d’aide sociale en l’absence d’un titre d’entretien exécutoire (consid. 4.3).
Idem – répartition de l’excédent. Rappel de la méthode en deux étapes (consid. 6.2.1.2). Répartition de l’excédent, rappel des principes et exceptions. En particulier, il n’est pas exclu de corriger vers le bas le résultat arithmétique de la répartition de l’excédent, au détriment de la partie créancière, lorsque la situation du père ou de la mère qui prend principalement en charge l’enfant est incomparablement plus basse que celle de la partie débitrice d’entretien (en l’espèce, le débiteur présente un salaire de l’ordre de CHF 21'000.- par mois, alors que la mère a eu des périodes d’aide sociale, puis s’est remariée). Par ailleurs, in casu, la crainte du père, débirentier, que la part d’excédent ne soit pas utilisée pour l’entretien de l’enfant n’en justifie pas la réduction. Si cette crainte se réalise, il reviendra à l’APEA d’intervenir et, cas échéant, d’instaurer une curatelle (consid. 6.2.1.3).
Idem – méthode des paliers scolaires (précision). Rappel de la règle des paliers scolaires de l’ATF 144 III 481, dont il ressort ég. du consid. 4.7.7 qu’en l’absence d’une situation effectivement vécue, la prise en charge de l’enfant dans une crèche ou par une tierce personne doit être examinée pour la période précédant la scolarisation, étant précisé que le TF envisageait les situations financières serrées en premier lieu (consid. 7.3.1.2).
Concours entre la contribution de prise en charge de l’enfant d’une précédente union et l’entretien selon l’art. 163 CC en cas de (re)mariage. Rappel de la fonction de la contribution de prise en charge. Notion d’entretien convenable de l’art. 163 CC. En l’espèce, la mère et son (nouveau) mari ont convenu d’une répartition traditionnelle des tâches, la mère s’occupant principalement du ménage et de la nouvelle enfant issue de cette union. Les frais de subsistance de la mère sont ainsi couverts par son (nouveau) mari si bien que, pour la période ultérieure à leur mariage, elle ne présente aucun déficit qui devrait être comblé par la contribution de prise en charge de sa première enfant issue de sa précédente union avec le recourant (consid. 7.3.2).
Déménagement et frais de logement. Il n’existe pas de règle générale selon laquelle une personne dépendante de contributions d’entretien ne serait autorisée à déménager dans un nouveau logement qu’à condition que cela n’entraîne pas une augmentation des frais (consid. 7.4.4).
Entretien de l’enfant majeur·e. Rappel et confirmation de la jurisprudence relative à la fixation de la contribution d’entretien au-delà de la majorité de l’enfant, même en présence d’enfants très jeunes. Le montant de base et la part aux frais de logement de l’enfant majeur·e sans revenus propres vivant chez son père ou sa mère doivent être calculés comme ceux d’un·e enfant mineur·e (consid. 8.3).
Commentaire de l'arrêt TF 5A_382/2021 - ATF 148 III 353 (d)
Contribution de prise en charge et mariage du parent gardienTF 5A_849/2020 - ATF 148 III 358 (d) du 27 juin 2022
Mesures protectrices; entretien; revenu hypothétique; art. 125 et 163 CC
Entretien et revenu hypothétique – rappels. Quote-part d’épargne. Période d’adaptation plus généreuse en cas de situation financière favorable (consid. 4).
Entretien durant le mariage (art. 163 CC) vs entretien après le divorce (art. 125 CC). L’« entretien convenable » constitue le point de départ de tout calcul d’entretien et se mesure à l’aune du dernier train de vie commun des conjoint·e·s, tant s’agissant de l’entretien pendant le mariage (art. 163 CC) que de l’entretien après le divorce (art. 125 CC). L’entretien convenable se distingue du minimum vital et, en présence de moyens suffisants, n’est pas limité à celui-ci. Parmi les principes tirés de l’art. 125 CC, seule la primauté de l’autonomie financière (Primat der Eigenversorgung) – uniquement mentionnée expressément à l’al. 1 de cette disposition – peut déjà être appliquée par analogie à l’entretien matrimonial (art. 163 CC), lorsque, du point de vue des faits, on ne peut plus sérieusement compter sur une reprise de la vie commune. En revanche, contrairement à l’entretien post-divorce, l’entretien matrimonial ne connaît pas de limitation dans le temps des contributions. Tant que le lien matrimonial subsiste, le principe d’égalité de traitement issu de l’art. 163 CC s’applique, à savoir que les conjoint·e·s ont, dans les limites des moyens disponibles, droit au maintien du dernier train de vie commun dans la même mesure et indépendamment de critères comme le caractère lebensprägend du mariage ou sa durée. Seule une capacité contributive propre, réelle ou hypothétique, peut limiter le devoir d’entretien de l’art. 163 CC (consid. 5).
Commentaire de l'arrêt TF 5A_849/2020 - ATF 148 III 358 (d)
Application anticipée de l'art. 125 CC limitée au principe de l'autonomie financièreTF 5A_32/2021 (d) du 1 juillet 2022
Mariage; étranger; DIP filiation; art. 15, 17, 68, 69, 70 et 73 LDIP; 252 al. 1 et 260 CC; 11 Cst.; 8 CEDH; 3 et 7 CDE
Filiation en cas de maternité de substitution – droit applicable (rappels). Lorsque, comme en l’espèce en Géorgie, l’absence de lien de filiation de la mère porteuse n’est pas constatée par décision d’un tribunal ou d’une autorité, mais intervient ex lege, la filiation de l’enfant vis-à-vis de la mère porteuse n’est pas réglée par l’art. 70 LDIP (rappel de l’arrêt TF 5A_545/2020 du 7 février 2022, destiné à la publication) (consid. 4.1.3, voir ég. consid. 4 in extenso). Lorsque les père et mère d’intention n’ont pas constitué leur résidence habituelle dans l’Etat où l’enfant est né·e d’une mère porteuse, qu’il et elle s’occupent de l’enfant pratiquement dès sa naissance et ont prévu de rentrer dans l’Etat où se situe leur propre centre de vie, la résidence habituelle de l’enfant nouveau-né d’une mère porteuse se situe dans ce même Etat (i.c. la Suisse). En l’espèce, le droit suisse s’applique donc à l’établissement de la filiation (art. 68 al. 1 et 69 al. 1 LDIP) (consid. 5 à 5.2). Ni l’art. 68 al. 2 LDIP ni l’art. 69 al. 2 LIDP ni l’art. 15 LDIP ne permettent d’arriver à une autre conclusion (consid. 5.3). Ainsi, le principe mater semper certa est trouve application et la mère porteuse est la mère juridique de l’enfant (art. 252 al. 1 CC). En raison de l’application du droit suisse, l’art. 17 LDIP (réserve de l’ordre public) n’est pas applicable (consid. 5.4).
Reconnaissance en Suisse de la reconnaissance d’un·e enfant intervenue à l’étranger (art. 73 LDIP). Rappel des principes (consid. 6.1). Selon le droit géorgien applicable en l’espèce, il n’y a pas eu, en Géorgie, à proprement parler de reconnaissance de l’enfant, les liens de filiation avec les père et mère d’intention étant créés ex lege dès la naissance (consid. 6.2). Encore faut-il examiner s’il y a eu une reconnaissance de l’enfant intervenue à l’étranger, valable selon le droit suisse, applicable en tant que droit de l’Etat de la résidence habituelle de l’enfant (consid. 6.3).
Idem – mère d’intention (rappels). En vertu du droit suisse applicable selon l’art. 68 al. 1 LDIP, une reconnaissance par la mère d’intention n’est pas envisageable de lege lata, même en cas de lien génétique (consid. 6.3.1).
Idem – père d’intention. Au consid. 7.3 de l’arrêt TF 5A_545/2020 précité, est restée ouverte la question de savoir si une reconnaissance de l’enfant valable selon le droit suisse découlerait du contrat de mère porteuse. La réponse à cette question est ici négative. La reconnaissance (art. 260 CC) est strictement personnelle et non sujette à représentation ; elle peut intervenir à tout moment du vivant de l’enfant, mais aussi avant la naissance, mais pas avant la procréation. Les contrats de procréation (avec un institut de procréation) et de maternité de substitution (avec la mère porteuse et la donneuse d’ovule) règlent de manière générale les droits et obligations de toutes les personnes impliquées dans le but de la fécondation à venir et de la naissance de l’enfant.
En l’espèce, le contrat de procréation et le contrat de maternité de substitution – signé par une représentante – ne peuvent d’emblée pas constituer une reconnaissance de paternité valable en droit suisse. Rien n’indique qu’une reconnaissance valable ne soit intervenue en Géorgie. Il n’est ainsi pas nécessaire d’examiner la question de l’ordre public (consid. 6.3.2). Par ailleurs, en l’espèce, le père d’intention n’a pas non plus (encore) reconnu l’enfant en Suisse (art. 71 al. 1 et 72 al. 1 et 2 LDIP ; art. 260 al. 3 CC) (consid. 6.4).
Conformité à la Constitution fédérale et aux conventions internationales. Rappel de la jurisprudence de la CourEDH relative à l’art. 8 CEDH et des autres principes. En l’espèce, le statut juridique de l’enfant garantit suffisamment son bien-être (art. 11 Cst., art. 3 CDE), ainsi que les droits découlant de l’art. 7 CDE, et les droits découlant de l’art. 8 al. 1 CEDH ne sont pas excessivement atteints (consid. 7 in extenso).
Commentaire de l'arrêt TF 5A_32/2021 (d)
Sandra Hotz
Professeure ordinaire de droit civil et droit de la santé à l'Université de Neuchâtel, Dr. iur, avocate
TF 2C_382/2021 - ATF 149 II 19 (f) du 23 septembre 2022
Divorce; entretien; procédure; art. 23 let. f, 25 et 33 al. 1 let. c LIFD
Entretien – nature fiscale, imposition et non-déductibilité des frais d’avocat·e (art. 23 let. f, 25 et 33 al. 1 let. c LIFD). Nature fiscale des contributions d’entretien et système d’imposition auquel elles sont assujetties (art. 23 let. f et 33 al. 1 let. c LIFD) (consid. 5 in extenso). Principes relatifs aux déductions sur le revenu. L’art. 25 LIFD ne permet pas de déduire les frais d’avocat·e déboursés pour obtenir des contributions d’entretien (consid. 6 in extenso, en part. consid. 6.5).
Commentaire de l'arrêt TF 2C_382/2021 - ATF 149 II 19 (f)
Non-déductibilité des frais d’avocat liés à l’obtention de contributions d’entretienOutil de travail à utiliser sans modération
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