Droit matrimonial - Newsletter février 2023
Editée par Bohnet F., Burgat S., Hotz S., Saint-Phor J., Saul M., avec la participation de Weibel R.
Editée par Bohnet F., Burgat S., Hotz S., Saint-Phor J., Saul M., avec la participation de Weibel R.
Avec le développement du numérique, les données personnelles ont acquis une valeur inédite et leur protection une importance cruciale. Les particuliers, comme les politiques, sont désormais bien plus conscients de ces enjeux et les entreprises pressées de mettre en conformité leurs pratiques.
Dans l’optique de l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur la protection des données (LPD) en septembre prochain, les praticiennes et praticiens pourront compter sur un ouvrage de référence détaillé comme le nouveau Commentaire romand de la LPD, dont la parution est prévue avant l’été.
Commandez l’ouvrage dès maintenant et profitez de notre offre spéciale réservée aux destinataires de cette newsletter en utilisant le code NL223 valable jusqu’au 31 mars 2023.
Compte-rendu proposé par Sandra Hotz et Rosemarie Weibel suite au colloque des 9 et 10 février 2023, intitulé In-Corpore : ce que le droit fait à nos corps organisé par le FRI institut suisse d’études juridiques féministes et gender law (pour le programme, cliquez ici).
Mariage; étranger; DIP; procédure; art. 105 ch. 1 et 4 CC; 25 ss et 65 al. 1 LDIP
Annulation du mariage – mariage antérieur non dissous (art. 105 ch. 1 CC). Comme l’art. 96 CC (voir ég. art. 64 al. 1 let. b OEC), l’art. 105 ch. 1 CC consacre le principe de la monogamie et celui de l’interdiction de la bigamie et de la polygamie, considérées comme des attitudes contraires à l’ordre public suisse et érigées en cause absolue d’annulation pour violation d’une règle édictée dans l’intérêt public. Si le mariage antérieur a été dissous avant la conclusion du mariage considéré, ce dernier ne peut être annulé sur cette base. L’art. 105 ch. 1 i.f. CC mentionne (sic) (recte : mentionnait dans sa teneur antérieure à l’entrée en vigueur de la loi sur le « mariage pour tous » au 1er juillet 2022) le divorce et le décès du/de la (précédent·e) conjoint·e (par quoi il faut entendre l’autre conjoint·e de l’époux ou de l’épouse bigame) à titre de causes de dissolution du mariage antérieur. L’action est intentée d’office par l’autorité cantonale compétente du domicile des conjoint·es (art. 106 al. 1 CC). Elle peut l’être également par toute personne intéressée, not. le/la conjoint·e de la personne mariée bigame, que celui/celle-là soit de bonne foi ou non. L’intérêt à faire annuler le mariage peut être matériel ou de nature idéale, actuel ou virtuel. Pour des motifs d’intérêt public, l’annulation doit être prononcée même si les conjoint·es souhaitent poursuivre leur mariage. La charge de la preuve de l’existence d’un mariage antérieur et non dissous appartient à la partie qui intente l’action en annulation du mariage subséquent. Si elle y parvient, le partie défenderesse reste en droit d’apporter la preuve du contraire, notamment de la dissolution antérieure, peu en importe les circonstances (par divorce, décès du/de la précédent·e conjoint·e, déclaration d’absence ou l’annulation de la précédente union) (consid. 4.1.1).
Reconnaissance d’un divorce étranger (art. 65 al. 1 cum art. 25 ss LDIP). Cuba n’est pas partie à la Convention de La Haye du 1er juin 1970 sur la reconnaissance des divorces et des séparations de corps. Partant, la reconnaissance en Suisse du divorce prononcé, in casu, à Cuba entre l’intimé et sa précédente épouse est régie par la LDIP. Rappel des règles en la matière (art. 65 al. 1 cum 25 ss LDIP), not. de la réserve de l’ordre public en part. s’agissant de la garantie d’une citation régulière (art. 27 al. 2 let. a et 29 al. 1 let. c LDIP). La reconnaissance d’un jugement étranger n’est pas soumise à une procédure particulière. Toute autorité suisse est apte à statuer à ce sujet à titre préjudiciel, ainsi lorsque l’exception de chose jugée est invoquée ou qu’est alléguée l’existence d’une décision étrangère formatrice (art. 29 al. 3 LDIP). L’art. 29 al. 2 LDIP impose de permettre à la partie qui s’oppose à la reconnaissance d’être entendue et de faire valoir ses moyens (consid. 4.2.1 et 4.2.2). Les principes de la bonne foi en procédure et de l’interdiction de l’abus de droit (art. 2 al. 2 CC et art. 52 CPC) s’appliquent en matière de reconnaissance et d’exécution des jugements et sentences arbitrables étrangers. Rappel des règles qui en découlent (consid. 4.2.3).
Annulation du mariage – mariage visant à éluder les règles sur l’admission et le séjour des personnes étrangères (art. 105 ch. 4 CC). L’art. 105 ch. 4 CC, entré en vigueur le 1er janvier 2008, s’applique en tous les cas aux mariages célébrés après cette date. L’action en annulation des mariages de complaisance ou fictifs est intentée d’office par l’autorité cantonale compétente du domicile des conjoint·es (art. 106 al. 1, 1ère phr., CC). Elle peut aussi être intentée par toute personne intéressée, not. par chacun·e des conjoint·es, en tout temps (art. 106 al. 1, 2e phr., et al. 3 CC). Rappel de la jurisprudence rendue sous l’empire de l’ancien droit des personnes étrangères, à laquelle on peut se référer pour l’application de l’art. 105 ch. 4 CC, et ainsi des principes et critères à appliquer. Le fardeau de la preuve de l’existence d’une cause d’annulation du mariage incombe à la partie demanderesse. La preuve doit porter tant sur l’intention, soit l’absence de volonté commune, même passagère, de créer une véritable communauté conjugale, que sur le résultat, soit l’abus manifeste et effectif des prescriptions de la législation sur les personnes étrangères. Les constatations portant sur les indices relèvent des constatations de fait qui lient en principe le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF). En revanche, le Tribunal fédéral examine librement si les constatations de fait (indices) permettent de conclure à l’existence d’un mariage fictif (consid. 5.1).
TF 5A_44/2022 (d) du 13 décembre 2022 - Mariage, droit de visite, protection de l’enfant, procédure. Qualité pour recourir et intérêt digne de protection propre (art. 76 al. 1 let. b LTF), également applicable en matière de protection de l’enfant ou de l’adulte. Si une violation de la maxime inquisitoire est invoquée, il faut d’abord démontrer que le tribunal a constaté les faits de manière incomplète et donc arbitraire. Droit de visite (accompagné) et restrictions (art. 273 al. 1 et 274 al. 2 CC) : rappel des principes.
Mesures protectrices; étranger; DIP; enlèvement international; nom de famille; autorité parentale; garde des enfants; droit de visite; entretien; procédure; art. 83 et 85 al. 1 LDIP; CLaH73-loi aliments; CLaH80; CLaH96; 2 et 5 ch. 2 CL; 271 al. 1 et 301a al. 2 let. a CC; 64 al. 1 let. b CPC
Compétence internationale pour régler les questions non pécuniaires relatives à l’enfant (art. 85 al. 1 LDIP ; CLaH96). L’état et la capacité des personnes civiles sont exclus du champ d’application de la Convention de Lugano (art. 1 ch. 2 let. a CL). Sont ainsi notamment exclues les questions non pécuniaires relatives à la relation parents-enfant (autorité parentale, garde et droit de visite). La compétence se détermine selon l’art. 85 al. 1 LDIP qui renvoie à la CLaH96 (consid. 2.3).
Idem – principe (art. 5 CLaH96 ; art. 64 al. 1 let. b CPC). Les autorités de l’Etat de la résidence habituelle de l’enfant sont en principe compétentes (art. 5 al. 1 CLaH96). En cas de changement, les autorités de l’Etat de la nouvelle résidence habituelle sont compétentes (art. 5 al. 2 CLaH96). Contrairement à l’art. 4 al. 1 let. b CPC, il n’existe pas de principe de la perpetuatio fori. En cas de déménagement du parent qui s’occupe principalement de l’enfant avec celui/celle-ci et de création d’un domicile sur place, il y a en principe un transfert immédiat de la résidence habituelle de l’enfant qui rend caduque la précédente compétence, même si la procédure est pendante. La CLaH96 prévoit toutefois plusieurs exceptions (consid. 2.4).
Idem – exception en cas de déplacement illicite (art. 7 al. 1 et 2 CLaH96 ; art. 301a al. 2 let. a CC ; CLaH80). La licéité ou l’illicéité du déplacement se détermine sur la base du droit national de l’Etat de provenance, soit l’art. 301a al. 2 let. a CC pour la Suisse. Rappel des règles prévues par cette disposition qui ne prévoit pas de sanction en cas de non-respect. Dans les relations internationales avec des Etats contractants (comme i.c. l’Italie), il s’agit toutefois d’un déplacement illicite de l’enfant au sens des art. 3 et 5 CLaH80 et art. 7 al. 2 CLaH96, qui ouvre la possibilité d’introduire une procédure en retour de l’enfant dans l’État de destination (art. 12 al. 1 CLaH80). L’art. 7 al. 1 CLaH96 bloque dans ce cas le transfert de compétence en faveur des autorités de l’État de destination, même en cas de nouvelle résidence. Le transfert de compétence n’a alors lieu que si la personne autorisée a acquiescé au déplacement (art. 7 al. 1 let. a CLaH96) ou si l’enfant a résidé dans l’autre Etat pendant au moins un an après que la personne ayant le droit de garde a connu ou aurait dû connaître le lieu où se trouvait l’enfant, qu’aucune demande de retour présentée pendant cette période n’est en cours d’examen, et que l’enfant s’est intégré (art. 7 al. 1 let. b CLaH96). Mécanisme de coordination entre les deux conventions (art. 16 et 19 CLaH80). Le système veut que l’enfant soit ramené physiquement dans la juridiction de l’État précédemment compétent selon l’art. 7 al. 1 CLaH96. Cette disposition et l’art. 6 CLaH80 sont des dispositions miroirs (consid. 2.4.1).
En l’espèce, le père n’a pas introduit de demande de retour en Italie. Ni la procédure de MPUC ni la procédure d’appel menées en Suisse ne sauraient être assimilées à une demande de retour au sens de la CLaH80, même par analogie. Certes, l’arrêt 5A_105/2020 pourrait porter à confusion. Selon cet arrêt, rendu en lien avec un déplacement en Algérie, soit un État non-contractant, la notion de « procédure de retour » selon l’art. 7 CLaH96 pourrait être comprise de manière fonctionnelle et la procédure de modification du jugement de divorce en Suisse devait i.c. être assimilée par analogie à une demande de retour. Dans un Etat qui n’est pas partie au système de La Haye une demande de retour ne peut pas être introduite. L’application erga omnes (i.e. y.c. vis-à-vis d’Etats non-contractants de la CLaH96) prévue par l’art. 85 LDIP ne concerne pas l’art. 5 al. 2 CLaH96. Un déplacement de l’enfant dans un État non-contractant n’entraîne ainsi pas de transfert de compétence et le principe de la perpetuatio fori s’applique (art. 64 al. 1 let. b CPC). Contrairement à ce qu’insinue l’arrêt 5A_105/2020, la perepetuatio fori en lien avec des Etats tiers ne fait toutefois pas de la procédure suisse une procédure de retour fonctionnelle. Le tribunal suisse n’a pas la possibilité d’ordonner de manière contraignante le retour de l’enfant (consid. 2.4.1).
En l’espèce, l’effet de blocage est tombé en vertu de l’art. 7 al. 1 let. b CLaH96 et l’art. 5 al. 2 CLaH96 est déterminant, si bien que l’autorité précédente (mais aussi le Tribunal fédéral, voir consid. 2.5) était incompétente. Tel n’était pas le cas de l’autorité de première instance qui a rendu sa décision quelques mois à peine après le départ de l’enfant et était dès lors compétente en matière de garde et de droit de visite (art. 7 al. 1 CLaH96 et art. 64 al. 1 let. b CPC) (consid. 2.4.1).
Idem – exception pour certaines procédures opposant les parents (art. 10 CLaH96). Quant à l’exception prévue à l’art. 10 CLaH96, elle ne porte pas en l’espèce. Cette disposition fonde une compétence annexe pour régler les questions relatives au sort de l’enfant dans certaines procédures opposant les parents. Toutefois, il ressort de son interprétation littérale et historique que les seules procédures concernées sont les procédures de divorce au sens des art. 111 ss CC, les procédures de séparation de corps au sens des art. 117 s. CC ou les procédures en annulation du mariage selon les art. 104 ss CC. Une procédure de MPUC ne tombe dès lors pas dans le champ d’application de l’art. 10 CLaH96 (consid. 2.4.3).
Compétence internationale en matière d’entretien de l’enfant (art. 2 et 5 ch. 2 CL). Le principe de la perpetuatio fori s’applique à cet égard (art. 64 al. 1 let. b CPC), principe qui sous-tend également la CL applicable à cette question. Le père ayant été attrait devant les autorités suisses de son domicile, la compétence de celles-ci étaient données sur la base de l’art. 2 CL, l’art. 5 ch. 2 CL ne prévoyant qu’une compétence alternative (consid. 3.1).
Droit applicable en matière d’entretien de l’enfant (art. 83 LDIP ; CLaH73-loi aliments). Il en va de même pour le droit applicable. La CLaH73 relative à la loi applicable aux obligations alimentaires s’applique en vertu de l’art. 83 LDIP. Certes, l’art. 4 al. 1 CLaH73-loi aliments prévoit l’application de la loi de la résidence habituelle de la partie créancière d’aliments et son al. 2 l’application de la loi de la nouvelle résidence habituelle dès le changement de résidence habituelle, sans que la compétence annexe de l’art. 8 ne puisse s’appliquer à l’entretien de l’enfant. Toutefois, sur la base de l’art. 24 CLaH73-loi aliments, la Suisse a usé de la possibilité prévue par l’art. 15 CLaH73-loi aliments de réserver l’application de son droit interne par ses autorités lorsque la partie créancière et la partie débitrice ont la nationalité suisse et que la partie débitrice a sa résidence habituelle en Suisse. Le droit national suisse commun trouve application en pareille hypothèse, réalisée en l’espèce, l’enfant étant en tout état de cause de nationalité suisse puisqu’il porte le nom de famille de son père (art. 271 al. 1 CC) (consid. 3.1). L’obligation d’entretien envers l’enfant existe indépendamment de la question de savoir s’il/elle a été déplacé·e de manière illicite ou non. L’entretien envers l’enfant mineur·e se détermine exclusivement en fonction de la filiation juridique et de la convention interne resp. de la situation de garde (art. 276 cum 163 CC) (consid. 3.2). Rappel du principe et des exceptions relatifs à l’entretien dû par le parent non-gardien (consid. 3.3.3).
Mesures protectrices; étranger; autorité parentale; garde des enfants; droit de visite; art. 301a al. 2 et 5 CC
Modification du lieu de résidence de l’enfant (art. 301a al. 2 et 5 CC) – rappels. Principes, en part. en cas de projet de départ à l’étranger ; interdépendance étroite entre la question de savoir si le changement de lieu de résidence peut être autorisé et l’adaptation des autres questions concernant l’enfant ; critères relatifs à l’attribution de la garde exclusive, transposables dans le cadre de l’application de l’art. 301a CC (consid. 3.1).
Idem – spécificités de la demande d’autorisation judiciaire. Une demande d’autorisation de changement du lieu de résidence selon l’art. 301a al. 2 CC doit être tranchée en tenant compte du fait que le tribunal ou l’autorité de protection de l’enfant ne peut en définitive jamais être certain·e que le parent qui souhaite déménager laissera effectivement l’enfant au lieu de résidence actuel, dans le cas où l’autorité n’autorise pas le changement de lieu de résidence. Exception faite du cas, non réalisé en l’espèce, où l’enfant doit changer seul·e de lieu de résidence (e.g. pour entrer en internat), l’autorité doit décider d’une réglementation concernant l’enfant (uniquement) pour le cas où le parent concerné déménage effectivement à l’étranger (art. 301a al. 2 let. a CC) ou dans un lieu au sens de l’art. 301a al. 2 let. b CC. L’objet du litige est la demande du parent de changer le lieu de résidence de l’enfant (consid. 3.5.2).
Dans des circonstances telles que celles du cas d’espèce, cette question est liée à celle de l’attribution de la garde exclusive : un rejet de la demande de changement du lieu de résidence de l’enfant doit être accompagné de l’attribution de la garde exclusive au parent qui reste pour le cas où l’autre parent déménage ; en cas d’admission de la demande, il faut prévoir l’attribution de la garde exclusive en faveur du parent qui déménage, pour le cas où le déménagement a lieu. En dissociant la question de l’autorisation de changement du lieu de résidence et celle de l’attribution de la garde exclusive, l’autorité précédente a versé dans l’arbitraire. En effet, en prévoyant le transfert de la garde exclusive au père indépendamment du déménagement de la mère et en retenant, de manière arbitraire, que la volonté de la mère de quitter le pays ne dépendait pas de l’autorisation de changement du lieu de résidence de l’enfant, l’autorité précédente a privé la mère de la possibilité de renoncer à un départ (sans l’enfant) et de conserver ainsi la garde exclusive sur l’enfant (consid. 3.5.2).
Mesures protectrices; garde des enfants; entretien; art. 176 CC
Entretien des enfants (adolescent·es). En principe, le parent non-gardien doit seul prendre en charge l’entretien financier des enfants, sauf si le parent qui a la prise en charge principale a une capacité contributive plus importante. Lorsque, le/la conjoint·e non-gardien·ne n’est déjà pas en mesure de couvrir son propre entretien convenable (auquel chaque partie a droit dans une même mesure en présence de moyens suffisants) sans qu’il n’y ait par ailleurs de situation de déficit dans l’ensemble, il est logique de ne pas lui imposer d’entretien en faveur des enfants (consid. 5.3.2). Des enfants adolescent·es demandent aussi du temps et de l’énergie à leurs parents (consid. 5.3.3).
Mesures protectrices; entretien; revenu hypothétique; art. 125, 163 et 176 al. 1 ch. 1 CC
Entretien entre conjoint·es séparés·es (art. 176 al. 1 ch. 1 cum art. 163 CC) – rappels et précisions. Rappel des principes généraux. Le tribunal doit partir de la convention, expresse ou tacite, conclue par les conjoint·es au sujet de la répartition des tâches et des ressources (art. 163 al. 2 CC). En cas de suspension de la vie commune, le but de l’art. 163 CC impose à chacune des parties de participer, selon ses facultés, aux frais supplémentaires engendrés par la vie séparée. Si leur situation financière le permet, le standard de vie antérieur choisi d’un commun accord doit être maintenu pour les deux parties et constitue la limite de l’entretien. Quand il n’est pas possible de le conserver, les parties ont droit à un train de vie semblable. Lorsque la séparation est irrémédiable, le tribunal peut ainsi être amené à modifier la convention conclue pour la vie commune pour l’adapter à ces faits nouveaux. C’est dans ce cas que le tribunal doit prendre en considération, dans le cadre de l’art. 163 CC, les critères de l’art. 125 CC, à savoir en part. en matière de revenu hypothétique. En revanche, le tribunal des MPUC ne doit pas trancher les questions de fond, objets du procès en divorce, not. le caractère lebensprägend ou non du mariage (consid. 3.1, voir ég. 3.2).
Idem – absence de train de vie commun. Si, durant le mariage, les conjoint·es étaient convenu·es d’une indépendance totale, chacun·e subvenant à ses propres besoins et vivant en tous points de manière autonome par rapport à l’autre, l’octroi d’une contribution d’entretien ne se justifie en principe pas, vu l’absence de train de vie commun. Dans ce cas, la séparation ne crée pas non plus une situation nouvelle justifiant de modifier la convention passée durant le mariage. Tel est notamment le cas lorsque les parties n’ont jamais ou seulement très brièvement vécu ensemble, qu’elles n’ont pas constitué de communauté de vie, sous quelque forme que ce soit, et qu’aucun·e n’a contribué, en espèces ou en nature, à l’entretien de l’autre (consid. 3.1).
Epargne – 3e pilier d’une personne salariée. Pour une personne salariée, les cotisations des assurances de 3e pilier n’ont pas à être prise en compte dans le calcul du minimum vital. En tant que ces assurances servent à la constitution d’une épargne, il peut néanmoins en être tenu compte au moment de répartir l’excédent. Le principe de l’égalité de traitement des conjoint·es séparé·es ne doit pas conduire à un déplacement de patrimoine qui anticiperait la liquidation du régime matrimonial. S’il est établi que les parties n’ont pas consacré, durant la vie commune, la totalité du revenu à l’entretien de la famille, il faut déduire du solde disponible la part de revenu destinée à la constitution de la fortune (consid. 5).
Mesures protectrices; entretien, procédure; art. 276 al. 3, 277 al. 2, 285a al. 1, 319 al. 1 et 323 al. 2 CC; 271 let. a CPC
Entretien de l’enfant majeur·e (art. 277 al. 2 CC). Rappels généraux. L’entretien de l’enfant majeur·e doit constituer une solution d’équité entre ce qu’on peut raisonnablement exiger des parents, en fonction de l’ensemble des circonstances, et ce qu’on peut raisonnablement attendre de l’enfant, en ce sens qu’il/elle pourvoie à ses besoins par le produit de son propre travail ou par d’autres moyens (consid. 3).
Revenus de l’enfant. L’ATF 147 III 265 consid. 7.1 précise que, pour les enfants, des éléments peuvent être pris en compte dans le calcul des revenus, tels les allocations familiales et professionnelles (art. 285a al. 1 CC), les revenus de la fortune (art. 319 al. 1 CC), les revenus de l’activité lucrative (art. 276 al. 3 et 323 al. 2 CC). En revanche, on ne peut pas déduire de cet arrêt que tous les revenus des enfants doivent être intégrés en entier dans les ressources de la famille. Dans quelle mesure ceci devra se faire relève du pouvoir d’appréciation du tribunal (consid. 5.1).
Procédure de MPUC – rappels. Les MPUC sont ordonnées à la suite d’une procédure sommaire (art. 271 let. a CPC), avec administration restreinte des moyens de preuve et limitation du degré de la preuve à la simple vraisemblance (consid. 5.3).
TF 5A_479/2022 (d) du 01 décembre 2022 - Mesures protectrices, garde des enfants, procédure. Rappels : Provisio ad litem – incompétence du Tribunal fédéral ; maxime des débats et maxime inquisitoire (art. 55 et 296 al. 1 CPC), principe de disposition et maxime d’office (art. 58 et 296 al. 3 CPC) ; répartition des frais (art. 106 al. 2 et 107 al. 1 let. c CPC).
TF 5A_453/2022 (f) du 13 décembre 2022 - Mesures protectrices, entretien, procédure. Les conclusions ayant pour objet une somme d’argent doivent être chiffrées, même si, s’agissant de l’entretien des enfants, la maxime d’office s’applique.
Divorce; entretien; art. 125 CC
Entretien après divorce (art. 125 CC) – durée. Dans le cadre du modèle des paliers scolaires, l’entrée de l’enfant à l’école n’est pas un facteur à prendre en compte pour l’examen du caractère lebensprägend du mariage. Même en cas de mariage lebensprägend, un entretien après divorce doit être limité dans le temps (art. 125 al. 1 CC). La durée appropriée de l’entretien ne dépend pas uniquement de la durée de la vie commune pendant le mariage, mais de la pondération des différents critères de l’art. 125 al. 2 CC. Même avec la nouvelle jurisprudence fédérale, un entretien après divorce jusqu’à la retraite de la partie débitrice n’est pas exclu. Tel peut même être le cas lorsque la partie créancière atteint la retraite avant la partie débitrice, puisque la capacité contributive de celle-ci diminue au moment de sa propre retraite. Examen et pondération des différents critères dans le cas d’espèce (concubinage avant mariage de près de dix ans ; choix de se marier et pour l’épouse de cesser toute activité professionnelle en lien avec la naissance de la fille commune ; plan de vie commune ; âge de l’épouse ; différence des revenus retenus). Un concubinage avant mariage ne peut être pris en compte que dans une certaine mesure pour le critère de la durée du mariage (consid. 2.3).
Idem – sort des moyens supplémentaires libérés suite à la fin de l’entretien des enfants. La méthode en deux étapes avec répartition de l’excédent est désormais la seule admissible (consid. 2.4.1). En principe, le dernier niveau de vie commun des parties constitue la limite maximale de l’entretien après divorce. Selon la jurisprudence (en part. ATF 134 III 577 ; T 5A_112/2020), on peut toutefois présumer que les moyens supplémentaires résultant de la fin de l’entretien de l’enfant auraient été alloués au train de vie conjugal, raison pour laquelle la partie débitrice ne peut en principe pas les réclamer pour elle seule. Cette jurisprudence vise à éviter les situations inéquitables, qui peuvent résulter du pur hasard, soit lorsque les enfants deviennent économiquement indépendant·es peu avant ou peu après la séparation des conjoint·es. D’une part, l’excédent ne doit pas être simplement partagé par moitié et la règle de la limite de l’entretien fixée par le dernier train de vie commun doit être prise en compte. D’autre part, la partie qui s’occupait des enfants ne doit pas être simplement privée de toute prétention à cet égard. Afin d’éviter un schématisme à proscrire et pour garantir l’équité dans le cas d’espèce, on peut admettre que les moyens libérés par la fin de l’entretien de l’enfant auraient été affectés à un niveau de vie plus élevé des parents (qui serait ensuite déterminant pour l’entretien convenable après séparation ou après divorce), lorsqu’il existe une certaine proximité temporelle avec le moment de la séparation et une certaine relation avec la durée de la vie commune matrimoniale et avec les circonstances précises qui ont constitué le mariage concret (comp. ATF 134 III 577) (consid. 2.4.2).
En l’espèce, les moyens supplémentaires seront libérés avec la fin de l’entretien de la fille (ndlr : née en 2007) lorsqu’elle aura fini sa formation, soit un moment qui surviendra plus de dix ans après la séparation effective. Il s’agit d’une période plus longue que la durée de la vie commune matrimoniale (ndlr : mariage en 2006, séparation fin mai 2015). Dès lors, il ne se justifie pas d’augmenter, à partir d’un point si éloigné dans le temps, l’entretien convenable de l’épouse à un niveau plus élevé que le train de vie commun, ce qu’a retenu à juste titre l’instance précédente (consid. 2.4.2).
Divorce; entretien; liquidation du régime matrimonial; procédure; art. 285 al. 2 CC; 55 al. 1, 277 al. 1 et 317 al. 1 CPC; 99 al. 2 LTF
Entretien des enfants – rappels procéduraux (art. 99 al. 2 LTF et art. 317 al. 1 CPC). Les conclusions nouvelles et, partant, une augmentation des conclusions devant le Tribunal fédéral son prohibées (art. 99 al. 2 LTF). La règle s’applique aussi en matière de contributions d’entretien pour un enfant (consid. 2.5). Lorsque la maxime inquisitoire illimitée s’applique, les parties peuvent présenter des nova en appel même si les conditions de l’art. 317 al. 1 CPC ne sont pas remplies (consid. 3).
Méthode concrète en deux étapes – application immédiate de la nouvelle jurisprudence aux décisions pendantes et futures. La méthode du minimum vital avec répartition de l’excédent est désormais contraignante pour toutes les catégories d’entretien du droit de la famille (entretien de l’enfant : ATF 147 III 265 ; entretien après divorce : ATF 147 III 293 ; entretien entre époux : ATF 147 III 301). L’application d’une autre méthode reste exceptionnellement possible, mais doit être spécialement motivée. En principe, une nouvelle jurisprudence doit s’appliquer immédiatement et à toutes les affaires pendantes au moment où elle est adoptée, ou futures. Lorsque l’autorité précédente ne pouvait pas avoir connaissance de la nouvelle jurisprudence, de sorte qu’elle s’est fondée sur l’ancienne, le Tribunal fédéral n’annule pas l’arrêt entrepris pour ce seul motif, et ne fait droit au recours que s’il se révèle contraire au droit fédéral dans le cadre des principes jurisprudentiels précédemment applicables (consid. 5.1).
En l’espèce, la décision de première instance a été rendue avant la nouvelle jurisprudence. Après avoir relevé que les parties n’invoquaient pas cette jurisprudence, alors que plusieurs écritures avaient été déposées depuis sa publication, l’autorité cantonale, dans le cadre d’un examen d’office, a en définitive estimé qu’il n’y avait pas lieu de calculer à nouveau les contributions d’entretien, tant les griefs soulevés à l’encontre des situations financières des parents que ceux en lien avec les contributions d’entretien des enfants étant infondés. Ce raisonnement résiste à la critique. Comme lesdites contributions n’avaient pas à être modifiées, la cour cantonale, à l’instar du Tribunal fédéral, n’était pas tenue de procéder à un nouveau calcul en se fondant sur la méthode du minimum vital avec répartition de l’excédent. De toute manière, le recourant n’expose pas en quoi l’application de ladite méthode aurait conduit à un résultat différent (consid. 5.2).
Idem – charge fiscale chez l’enfant. L’inclusion d’une charge fiscale dans le budget des enfants ne dépend pas, du moins directement, de l’application de la méthode concrète en deux étapes. Avant que cet arrêt fût rendu, la doctrine préconisait déjà la prise en compte de tels frais dans le minimum vital du droit de la famille de l’enfant et certains tribunaux s’y conformaient. Détermination de la contribution d’entretien due aux enfants (art. 285 al. 2 CC) : rappels généraux (consid. 5.2).
Liquidation du régime matrimonial et maxime des débats (art. 55 al. 1 et 277 al. 1 CPC) – rappels. La liquidation du régime matrimonial est soumise à la maxime des débats (art. 55 al. 1 et 277 al. 1 CPC). Rappel des principes concernant cette maxime, en part. du fardeau de l’allégation subjectif et de la charge de la motivation des allégués (consid. 6.2.2.1).
Divorce; entretien; liquidation du régime matrimonial; procédure; art. 125 CC; 311 al. 1 CPC
Conclusions de l’appel (art. 311 al. 1 CPC). Rappel des principes, en part. quant à l’exigence de conclusions chiffrées (consid. 3.1).
Entretien et liquidation du régime matrimonial – actio duplex et chiffrement des conclusions. L’actio duplex est une action dans le cadre de laquelle la partie intimée peut déposer ses propres conclusions sans devoir formellement former une demande reconventionnelle. Il n’y a pas lieu de déroger à l’exigence de conclusions chiffrées dans ce type d’action lorsqu’une partie conclut au versement d’une somme d’argent. La doctrine considère que les demandes en entretien et celles relatives au régime matrimonial sont en principe de nature condamnatoire et qu’elles doivent être chiffrées lorsqu’elles tendent au paiement d’une somme d’argent, comme en l’espèce. À noter que la partie qui agit en partage successoral en concluant au paiement d’une somme d’argent doit aussi chiffrer ses prétentions (consid. 3.3.2).
Motivation de l’appel (art. 311 al. 1 CPC). Rappel des principes et exigences, en part. lorsque l’appelant·e est une personne non assistée et non-juriste (consid. 4.3.1.). In casu, l’acte d’appel de l’épouse, non assistée, ne remplissait pas les exigences de motivation minimale requises (consid. 4.3.2, voir ég. infra).
Durée de l’entretien après divorce (art. 125 CC). En principe, l’entretien convenable est limité dans le temps. En cas de mariage lebensprägend, la solidarité après divorce peut en général conduire à une contribution d’entretien due jusqu’au jour où la partie débitrice atteint l’âge de la retraite fixé par l’AVS. L’allocation d’une contribution sans limitation de durée, au-delà de l’âge de la retraite de la partie débitrice, n’est admissible qu’exceptionnellement (consid. 4.3.2).
Idem – motivation de la conclusion en appel in casu. S’agissant d’un régime d’exception, la conclusion prise en l’espèce par l’épouse sur le versement d’une contribution à vie était dès lors soumise à une obligation de motivation accrue (consid. 4.3.2).
Divorce; entretien; procédure; art. 125, 126 al. 1 et 130 al. 1 CC
Entretien après divorce (art. 125 CC) – décès de la partie débitrice en cours de procédure (art. 126 al. 1 et 130 al. 1 CC). En l’espèce, l’intimé est décédé le 21 août 2022. Le litige devant le Tribunal fédéral est restreint à l’octroi en faveur de la recourante d’une contribution d’entretien que l’autorité cantonale a supprimée par arrêt du 14 juin 2022. Selon l’art. 130 al. 1 CC, l’obligation d’entretien s’éteint au décès de la partie débitrice ou de la partie créancière. Il apparaît ainsi que la procédure est devenue sans objet pour la période postérieure au décès de l’intimé. Tel n’est en revanche pas le cas de celle antérieure au décès, la recourante disposant d’un intérêt digne de protection actuel pour les pensions qui seraient échues au jour du décès, étant précisé, s’agissant de la naissance de la contribution d’entretien, que l’entrée en force du jugement de divorce est la règle (art. 126 al. 1 CC), à savoir dès le prononcé de l’arrêt cantonal s’agissant des effets accessoires (consid. 1).
Idem. Rappel des principes en part. de la méthode en trois étapes et de la notion de mariage lebensprägend (consid. 3.2.1 à 3.2.2). En l’espèce, la cour cantonale n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation en retenant que le mariage des parties n’avait pas eu un impact décisif sur la vie de la recourante. Pour le surplus, la recourante ne prétend pas, pas plus qu’elle ne l’avait fait en instance cantonale, que les circonstances commandaient de lui allouer une contribution d’entretien selon l’art. 125 CC correspondant au dommage lié au mariage (consid. 3.3.4).
TF 5A_901/2021 (d) du 15 décembre 2022 - Divorce, liquidation du régime matrimonial, procédure. Maxime des débats (art. 55 al. 1 cum art. 277 al. 1 CPC) et devoir d’interpellation du tribunal (art. 56 CPC) – rappel des principes.
Couple non marié; autorité parentale; audition d’enfant; procédure; art. 298d et 314a al. 1 CC; 298 al. 1 CPC
Audition de l’enfant – rappel des principes (art. 314a al. 1 CC ; art. 298 al. 1 CPC). L’enfant est directement concerné·e par la règlementation de l’autorité parentale. L’enfant n’est certes pas partie au procès des parents relatif à l’autorité parentale conjointe, mais il/elle dispose d’une position procédure particulière qui lui permet de participer à la procédure. Par conséquent, l’enfant est entendu·e dans la procédure, à moins que son âge ou d’autres justes motifs ne s’y opposent (art. 314a al. 1 CC ; art. 298 al. 1 CPC). Rappel de l’ATF 146 III 203, en particulier du fait que pour des enfants plus âgé·es, l’aspect « droit de la personnalité » est prépondérant et l’enfant a un droit de participation propre, alors que pour des enfants plus jeunes l’audition doit être comprise comme un moyen de preuve (consid. 2.1).
Les dispositions précitées concrétisent les droits découlant des art. 29 al. 2 Cst., 6 ch. 1 CEDH et 12 CDE. Le principe d’égalité de traitement (art. 8 Cst.) n’a pas d’effet horizontal et ne peut pas être invoqué dans un litige entre personnes privées. Idem s’agissant de l’art. 8 CDE (consid. 2.2).
Capacité de l’enfant de se déterminer sur la question de l’attribution de l’autorité parentale : rappel des principes, en particulier de la limite des 12 ans (i.c. enfants de 5 et 7 ans au moment déterminant) (consid. 2.3). Savoir si l’enfant se trouve dans un conflit de loyauté, s’il en souffre et si une perspective d’amélioration de la situation est envisageable en cas d’autorité parentale exclusive sont des questions de psychologie de l’enfant auxquelles on ne peut répondre qu’avec des connaissances spécialisées (consid. 2.4). En l’espèce, le fait d’avoir renoncé à l’audition des enfants résiste à la critique (consid. 2.5).
Modification de l’attribution de l’autorité parentale (art. 298d al. 1 CC). Rappel des principes (consid. 3.1 à 3.1.4).
Professeure titulaire à l'Université de Neuchâtel, juge suppléante au Tribunal cantonal vaudois, avocate-conseil à Lausanne
Assistant-doctorant à l'Université de Lausanne, greffier ad hoc au Tribunal d'arrondissement de Lausanne
Couple non marié; autorité parentale; droit de visite; protection de l’enfant; procédure; mesures provisionnelles; art. 15 Cst.; 303 al. 1, 314 al. 1, 445 al. 1, 446 al. 1, 450a et 450f CC; 229 al. 3 et 317 CPC
Recours devant l’instance cantonale en matière de protection de l’enfant – mesures provisionnelles (art. 445 al. 1 cum art. 314 al. 1 CC). L’art. 445 al. 1 CC (applicable par renvoi de l’art. 314 al. 1 CC) s’applique aussi devant l’instance judiciaire de recours. Selon cette disposition, l’autorité de protection prend, d’office ou à la demande d’une personne partie à la procédure, les mesures provisionnelles nécessaires pendant la durée de la procédure. Elle peut notamment ordonner une mesure de protection à titre provisoire, en particulier la fixation provisoire des relations personnelles. Par nature, les mesures provisionnelles sont en général fondées sur un examen sommaire des faits et de la situation juridique. Elles doivent être nécessaires et proportionnées, et ne peuvent être prises que pour autant qu’il ne soit pas possible de sauvegarder autrement les intérêts en jeu et que l’omission de prendre ces mesures risque de créer un préjudice difficilement réparable. L’urgence de la mesure sollicitée, et donc les conditions d’intervention de l’autorité, doivent être rendues vraisemblables (consid. 3.1).
Idem – nova et pouvoir d’examen. L’art. 446 al. 1 CC (applicable par renvoi de l’art. 314 al. 1 CC), pendant de l’art. 296 al. 1 CPC, prévoit que l’autorité de protection établit les faits d’office. Compte tenu du renvoi de l’art. 450f CC aux règles du CPC, l’art. 229 al. 3 CPC est applicable devant cette autorité, si bien que les faits et moyens de preuve nouveaux sont admis jusqu’aux délibérations. Cela vaut aussi en deuxième instance. Dès lors qu’en matière de protection de l’adulte et de l’enfant, la maxime inquisitoire illimitée est applicable, les restrictions posées par l’art. 317 CPC pour l’introduction de faits ou moyens de preuve nouveaux sont inapplicables. La phase des délibérations débute dès la clôture des débats, s’il y en a eu, respectivement dès que la juridiction supérieure a communiqué aux parties que la cause a été gardée à juger. Le droit de réplique ne permet pas de présenter des nova lorsqu’un second échange d’écritures n’a pas été ordonné, ni en principe de compléter son recours. Si l’autorité cantonale peut décider d’office, en revenant sur son ordonnance d’instruction, de rouvrir la procédure d’administration des preuves pour tenir compte de faits nouveaux, en particulier de vrais nova qui se sont produits subséquemment, les parties n’ont pas un droit à la réouverture de la procédure probatoire. L’autorité de recours doit procéder à un examen complet de la décision attaquée, en fait, en droit et en opportunité (art. 450a CC), conformément à la maxime d’office et à la maxime inquisitoire, puisque ces principes s’appliquent aussi devant l’instance judiciaire de recours (consid. 4.1).
Critères de fixation du droit de visite – rappels et précisions. L’ampleur et le mode d’exercice du droit de visite doivent être appropriés à la situation (i.e. tenir équitablement compte des circonstances particulières du cas). Le bien de l’enfant est le critère prépondérant. Il varie en fonction de son âge, de sa santé physique et psychique et de la relation qu’il entretient avec l’ayant droit. Il faut en outre tenir compte de la situation et des intérêts de l’ayant droit : sa relation avec l’enfant, sa personnalité, son lieu d’habitation, son temps libre et son environnement. Enfin, il faut tenir compte de la situation (état de santé, obligations professionnelles) des personnes chez qui l’enfant vit, que ce soit un parent ou une personne tierce qui élève l’enfant. Les éventuels intérêts des parents sont secondaires (consid. 7.1).
Liberté de conscience et de croyance (art. 15 Cst.) et éducation religieuse (art. 303 al. 1 CC). Art. 15 Cst. – rappels (consid. 8.1). Les parents disposent de l’éducation religieuse de l’enfant (art. 303 al. 1 CC). Il s’agit d’une composante de l’autorité parentale que conserve le parent qui se voit retirer seulement le droit de garde. La faculté des parents de décider de l’éducation religieuse de leurs enfants est une composante de leur propre liberté de conscience et de croyance, garantie par l’art. 15 al. 1 Cst. (consid. 8.2).
Couple non marié; protection de l’enfant; procédure; art. 450f CC; 138 CPC
Procédure devant l’APEA – droit applicable. En matière de protection de l’enfant et de l’adulte, l’art. 450f CC renvoie au CPC pour les questions procédurales qui ne sont réglées ni par le CC ni par le droit cantonal. Le CPC s’applique dans ce cas à titre de droit cantonal, dont l’examen par le Tribunal fédéral est limité à l’arbitraire (art. 9 Cst.) et n’intervient qu’en cas de grief motivé au sens de l’art. 106 al. 2 LTF (consid. 1.3).
Idem – notification de la décision (droit zougois). Le droit cantonal zougois prescrit que la notification des décisions de l’APEA doit intervenir par la Poste. Certes, le droit zougois ne précise pas quelle méthode d’envoi doit être utilisée (courrier normal, A Plus ou recommandé). Cela ne constitue toutefois pas une lacune. En pareil cas, les autorités sont libres de choisir le mode d’envoi de leurs décisions. En particulier, elles peuvent recourir au courrier A Plus. Les autorités cantonales ne doivent pas être privées de cette marge d’appréciation par une application de l’art. 138 CPC à titre complémentaire. En l’espèce, c’est ainsi à juste titre que l’instance précédente a considéré que le recours intenté devant elle contre les décisions notifiées par courrier A Plus était tardif (consid. 2.4, voir ég. 2.1).
Découvrez les nombreux Masters de la Faculté de droit de l’Université de Neuchâtel, pour la rentrée 2022-2023, en cliquant ici
Retrouvez tous les arrêts de la newsletter, organisés par mots-clé, sur le site de la faculté.