Droit matrimonial - Newsletter été 2023
Editée par Bohnet F., Burgat S., Davy C., Hotz S., Saul M. avec la collaboration de Perrenoud S. et Wojcik Y.
Editée par Bohnet F., Burgat S., Davy C., Hotz S., Saul M. avec la collaboration de Perrenoud S. et Wojcik Y.
L’entrée en vigueur de la Loi sur la protection des données (LPD) révisée approche à grands pas. A cette occasion, nous proposons un trio de nouveautés qui devraient, chacune à sa manière, répondre aux besoins des différent·es utilisateurs/-trices :
Indépendamment de leur densité respective, les trois ouvrages sont également orientés vers et pensés pour la pratique.
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Divorce; entretien; violences conjugales; art. 9 LPGA; 42bis al. 4 LAI; 37 al. 4 RAI; 67b al. 1 et 5 CP; 28b, 276 al. 1 et 2 et 285 al. 2 CC
Entretien de l’enfant mineur·e (art. 276 al. 1 CC) – contribution de prise en charge. Rappel des principes relatifs aux différents types d’entretien (en nature, en espèce et de prise en charge) et à l’entretien convenable de l’enfant (art. 276 al. 2 CC), en particulier à la composante des coûts indirects liés à la contribution de prise en charge. Celle-ci est uniquement admise si la prise en charge de l’enfant a lieu à un moment où le parent pourrait sinon exercer une activité rémunérée. Il ne s’agit pas d’une rémunération mais d’une compensation de perte de gain attribuée économiquement au parent qui s’occupe de l’enfant (consid. 3.3.3).
Idem – minimum vital élargi du droit de la famille. Le parent gardien et créancier d’aliment est le débiteur de la charge fiscale que représente l’enfant, car il ajoute à ses revenus imposables la contribution d’entretien reçue pour l’enfant. La part fiscale de l’enfant doit être uniquement calculée sur ses coûts directs, soit sans prendre en compte la contribution de prise en charge (coûts indirects), laquelle tient déjà compte de la part d’impôts du parent créancier d’aliment (consid. 5.3.2).
Allocation pour mineur·es impotent·es – définition. L’allocation pour impotent (non imposable, voir consid. 5.2) a pour but légal de rembourser les frais présumés liés à l’impotence, définie à l’art. 9 LPGA comme une atteinte à la santé impliquant un besoin permanent d’aide d’autrui dans la vie quotidienne. Elle indemnise forfaitairement les frais supplémentaires occasionnés par le handicap de l’enfant impotent·e. Il s’agit d’une forme de réparation de dommage et ne constitue pas un revenu de remplacement, contrairement aux rentes ou aux indemnités journalières qui servent à couvrir les frais d’entretien généraux. Les mineur·es n’y ont droit que pour les jours qui ne sont pas passés en institution (art. 42bis al. 4, 1ère phrase, LAI) et pour l’aide et la surveillance supplémentaire nécessaire, en comparaison de mineur·es du même âge, sans handicap (art. 37 al. 4 RAI) (consid. 3.3.1).
Idem – non prise en compte dans le calcul de la contribution d’entretien. Les dépenses supplémentaires dues au handicap se produisent à toute heure et pas seulement pendant les heures d’activité professionnelle, contrairement à ce qui prévaut pour la contribution de prise en charge (art. 285 al. 2 CC). Les deux indemnités sont donc vouées à des dépenses différentes. Il ne se justifie ainsi pas de déduire l’une d’elles en raison du versement de l’autre. Si l’allocation pour impotent devait être déduite de la contribution de prise en charge, cela conduirait à un traitement injuste des parents gardiens d’enfants handicapé·es. A la différence des parents d’enfants en bonne santé, ils devraient effectivement choisir entre la couverture de la totalité du déficit de leurs propres charges lié à leur baisse d’activité et la couverture des frais supplémentaires liés au handicap de leur enfant impotent·e (consid. 3.3.5).
Mesures d’éloignement au sens de l’art. 28b CC – durée. Rappel du principe jurisprudentiel selon lequel, bien que l’art. 67b al. 1 et 5 CP impose une durée limitée de l’interdiction de périmètre, il n’en va pas de même de l’interdiction de périmètre ordonnée en vertu de l’art. 28b CC, lequel n’impose aucune limite temporelle et confère donc à l’autorité judiciaire un pouvoir discrétionnaire à ce sujet : une limitation ne serait pas adéquate dans des cas tels que le harcèlement, car une demande de prolongation aboutirait à une nouvelle confrontation risquant de réactiver la motivation du harceleur (consid. 6.4).
Avis au débiteur. La critique appellatoire du recourant consistant à affirmer qu’il s’est toujours acquitté des contributions d’entretien n’est pas recevable (consid. 7.2).
Professeure titulaire à l’Université de Neuchâtel, greffière au Tribunal fédéral
Mesures protectrices; entretien; procédure; art. 93 LTF; 52 CPC; 176 al. 1 ch. 1 CC
Procédure – décision « intermédiaire ». La qualification de décision « intermédiaire » a été admise par le Tribunal fédéral dans un arrêt publié sur une matière non matrimoniale traitant de mesures provisionnelles vouées à être modifiées avant la décision au fond. Bien qu’une telle qualification n’ait pas été employée dans la jurisprudence de la deuxième Cour de droit civil du Tribunal fédéral, celle-ci admet une possibilité similaire par le prononcé de décisions de mesures provisionnelles dans le cadre de procédures de mesures protectrices de l’union conjugale, qu’elle traite en tant que décisions incidentes au sens de l’art. 93 LTF (consid. 2.1.3).
Idem – réouverture d’une procédure probatoire. Rappel de principes. L’autorité judiciaire n’a pas l’obligation de rouvrir la procédure probatoire après la clôture des débats. En revanche, si elle continue de procéder à des actes d’instruction, en invitant notamment les parties à se prononcer sur de nouvelles pièces, après l’audience lors de laquelle elle a clos les débats, cela implique la réouverture de la procédure probatoire. En conclure différemment serait contraire à la bonne foi procédurale à laquelle le ou la juge est soumis·e au même titre que les parties (art. 52 CPC) (consid. 3.3).
Entretien (art. 176 al. 1 ch. 1 CC) – rappels de principes. Selon la méthode du minimum vital avec répartition de l’excédent, les postes de charges supplémentaires [par rapport au minimum vital élargi], tels que les voyages et les loisirs, doivent être couverts par le disponible des parties. Ils ne doivent pas être déduits du disponible total avant la répartition par « grandes et petites têtes » (consid. 8.2).
La charge fiscale repose sur une estimation et non sur un calcul exact (consid. 10.2).
Avocat spécialiste FSA droit du bail, LL.M., Dr en droit, Professeur à l'Université de Neuchâtel
Droit des personnes; étranger; DIP; procédure; art. 8 CEDH; 10 al. 2, 13, 35 al. 1 Cst.; 26 ss, 32, 37 ss, 39, 40, 40a LDIP; 76 al. 2 LTF; 8 let. d, 90 al. 4 OEC; 30b, 39 et 45 al. 3 CC
Procédure – qualité de partie des autorités fédérales. L’Office fédéral de la justice (OFJ), agissant au nom du Département fédéral de justice et police (DFJP), est autorisé à utiliser les voies de recours cantonales contre les décisions des offices de l’état civil et de leurs autorités de surveillance, mais également à former un recours devant le Tribunal fédéral (art. 45 al. 3 CC, 90 al. 4 OEC et 76 al. 2 LTF), même s’il n’a pas été associé aux procédures cantonales (consid. 1.2).
Reconnaissance (art. 26 ss LDIP) et transcription (art. 32 LDIP) d’un enregistrement de changement de sexe à l’état civil d’un pays étranger (art. 40a LDIP) – principes généraux. S’il est valable dans l’état de résidence ou d’origine de la personne requérante, le changement de sexe effectué à l’étranger est reconnu en Suisse et inscrit dans les registres de l’état civil selon les principes suisses sur la tenue des registres (art. 39 et 40 LDIP par renvoi de 40a LDIP) (consid. 3.1.1). A noter toutefois que l’art. 40a LDIP, relatif au sexe des personnes, n’est applicable qu’aux procédures pendantes ou introduites à partir du 1er janvier 2022, soit à l’entrée en vigueur – sans réglementation transitoire – de l’art. 40a LDIP (consid. 3.1.2).
Avant la nouvelle loi, l’application par analogie de l’art. 39 LDIP était déjà préconisée pour la reconnaissance de changements de sexe intervenus à l’étranger (consid. 3.1.3).
Dans un cas comme dans l’autre, les conditions des art. 32, 26 al. 1 let. a, 27 et 40 LDIP demeurent applicables. Ce qui signifie que les règles de compétence des autorités étrangères doivent être respectées, que l’ordre public suisse est réservé et que les principes suisses sur la tenue des registres doivent être respectés (consid. 3.1.3).
La question du changement de sexe a déjà été traitée par la jurisprudence, mais celle de l’inscription d’un troisième sexe ou la suppression de l’indication n’avait jusqu’alors pas été traitée par les autorités fédérales ou cantonales (consid. 3.3.1).
Idem – compatibilité de l’inscription avec les principes suisses relatifs à la tenue des registres (art. 40 LDIP). La réserve de l’application des principes suisses sur la tenue des registres pour toute inscription dans le registre d’état civil suisse repose sur un objectif d’uniformité. Les corrections apportées par les exigences sur la tenue du registre doivent être définies par le but de l’inscription, celle-ci devant se rapporter aux éléments de l’état civil tels qu’ils résultent de la loi (consid. 3.4.1).
En raison de l’importance qu’il revêt en matière de parentalité, pour les règles sur l’établissement des documents suisses d’identité ou pour le service militaire, bien qu’il ne soit pas expressément énoncé dans la liste non-exhaustive des éléments de l’état civil de l’art. 39 al. 2 CC, le sexe – au demeurant mentionné à l’art. 8 let. d OEC – relève, tout comme le nom ou le statut juridique d’une personne, des éléments de l’état civil. Le but de l’inscription du sexe au registre ne permet donc ni l’inscription d’un troisième sexe ni la possibilité de renoncer à une inscription (consid. 3.4.2).
L’introduction de l’art. 40a LDIP n’a rien changé à cette situation juridique, puisque la loi qui l’a introduit n’a pas envisagé la reconnaissance d’un troisième sexe ou la renonciation de l’indication sur le plan international ou interne (art. 30b CC, introduit par la même loi que l’art. 40a LDIP). De la même manière que tous les changements de nom provenant de l’étranger ne sont pas enregistrés, une modification de l’indication du sexe effectuée à l’étranger doit être compatible avec les deux catégories admises en Suisse pour pouvoir être enregistrée (consid. 3.4.3), une suppression pure et simple étant aussi inadmissible (consid. 3.4.6). A noter que la question des catégories de sexes est actuellement traitée par le pouvoir législatif qui ne souhaite par ailleurs pas modifier la pratique avant que les procédures législatives soient terminées (consid. 3.4.4). L’art. 40 en relation avec l’art. 40a LDIP ne souffre donc pas d’une lacune qui devrait être comblée par le pouvoir judiciaire (consid. 3.4.6).
Sans préciser les contours de cette assertion, le Tribunal fédéral laisse sous-entendre qu’il convient de distinguer les personnes de nationalité suisse déjà inscrites au registre d’état civil suisse des personnes étrangères à inscrire nouvellement dans ledit registre (consid. 3.4.5).
Idem – droit au respect de l’identité et à l’autodétermination sexuelle (art. 8 CEDH, 10 al. 2 et 13 Cst.). Comparaison de différentes pratiques européennes (consid. 3.6). La CourEDH n’a pas retenu une violation de l’article 8 CEDH de la pratique française n’autorisant pas la mention d’un sexe autre que le sexe masculin ou féminin dans l’état civil français. En l’occurrence, au vu de la jurisprudence de la CourEDH, du maintien du modèle binaire voulu par le législateur suisse lors de l’introduction de l’art. 40a LDIP et de la modification de l’art. 30b CC et des procédures législatives actuellement en cours sur ce sujet, le Tribunal fédéral n’a pas jugé incompatible avec l’art. 8 CEDH de réserver au pouvoir législatif le soin d’effectuer la pesée des intérêts en présence (consid. 3.6.5 in fine).
Le Tribunal fédéral n’a pas tranché la question de savoir si la garantie des droits fondamentaux au sens de l’art. 35 al. 1 Cst. impose à l’Etat d’offrir la possibilité d’opter pour une autre alternative aux personnes qui, sur la base d’une preuve médicale d’une variante du développement sexuel, ne peuvent pas s’identifier au système binaire (consid. 3.7.2).
Mariage; nom de famille; art. 190 Cst.; 4, 30 al. 1 et 160 CC
Changement de nom au sens de l’art. 30 al. 1 CC – rappel des principes. Le nom d’une personne est en principe immuable, à moins qu’elle démontre des « motifs légitimes » que le tribunal évalue selon un pouvoir d’appréciation qu’il exerce dans le respect des règles du droit et de l’équité (art. 4 CC). La notion de « motifs légitimes » est plus souple que celle de « justes motifs ». Les « motifs légitimes » ne peuvent pas être illicites, abusifs ou contraires aux mœurs. Le nom demandé doit être conforme au droit et ne doit pas porter atteinte au nom d’un tiers. Les « motifs légitimes » peuvent reposer sur des composantes subjectives ou émotionnelles, si tant est qu’elles revêtent une importance certaine. Le nom ne doit pas perdre sa fonction identificatrice. L’examen doit inclure une évaluation des différents éléments de preuve comme des pièces administratives, judiciaires ou contractuelles qui donnent des informations sur l’importance objective du nom souhaité dans la vie économique ou sociale du ou de la requérant·e (consid. 3.1).
Idem – double nom des conjoint·es (art. 160 CC). L’existence des doubles noms en Suisse doit être distinguée de la possibilité pour les conjoint·es de porter un double nom légal, laquelle a été supprimée avec la modification de l’art. 160 CC en 2013. Ainsi, le Tribunal fédéral admet les doubles noms sur la base de « motifs légitimes » au sens de l’art. 30 al. 1 CC, pour autant que cette possibilité ne soit pas utilisée à des fins détournées, respectivement pour obtenir ce que le droit matrimonial actuel prohibe ou pour anticiper l’éventuelle modification de la loi (initiative « Stamm/Waliser » de 2017) actuellement traitée par les Chambres fédérales (consid. 4.3).
L’art. 160 CC étant une loi fédérale bénéficiant de l’immunité constitutionnelle (art. 190 Cst.), les autorités sont tenues de les appliquer. Si elle viole les garanties constitutionnelles telles que l’égalité entre les femmes et les hommes, il ne revient pas au pouvoir judiciaire mais au pouvoir législatif de les corriger (consid. 5.3).
Mesures protectrices; droit de visite; entretien; revenu hypothétique; procédure; art. 29 al. 2 Cst.; 176 al. 1 ch. 1, 273 al. 1 et 274 al. 2 CC
Procédure – obligation de motiver les décisions (art. 29 al. 2 Cst.). Rappel des principes. Il suffit que l’on puisse discerner les motifs qui ont guidé la décision pour que le droit d’être entendu des parties soit respecté, la motivation pouvant être implicite et résulter des différents considérants (consid. 3.1.2). En l’occurrence, le Tribunal fédéral a considéré que la motivation implicite qui découlait des considérants de la décision querellée ne violait pas le droit d’être entendu du recourant (consid. 3.1.3).
Exercice des relations personnelles (art. 273 al. 1 CC) – droit de visite surveillé. Rappel des principes. Un risque concret de mise en danger de l’enfant dans le cadre du droit de visite doit exister pour justifier un droit de visite surveillé (art. 274 al. 2 CC), lequel tend notamment à désamorcer les situations de crises, réduire les craintes et améliorer le lien parent-enfant, mais aussi la relation entre les parents. Le droit de visite surveillé doit être ordonné pour une durée limitée, à moins qu’il apparaisse d’emblée qu’avant un certain temps, les visites ne pourront pas avoir lieu sans accompagnement. Une telle mesure doit être admise avec retenue selon un large pouvoir d’appréciation du ou de la juge du fait que le Tribunal fédéral ne revoit lui-même qu’avec retenue (consid. 3.2.2).
Entretien (art. 176 al. 1 ch. 1 CC) – prise en compte de la fortune. Rappel du principe selon lequel la substance de la fortune n’est normalement pas prise en considération dans les calculs des contributions d’entretien si les revenus (du travail et de la fortune) suffisent à l’entretien des conjoint·es (consid. 4.2.2).
Idem – revenu hypothétique. Rappel des principes.
Idem – frais de logement. Rappel du principe selon lequel les charges de logement d’une des parties peuvent ne pas être intégralement retenues lorsqu’elles apparaissent excessivement élevées au regard de ses besoins et de sa situation économique concrète (consid. 4.4.1.2).
Idem – frais de repas. Rappel du principe selon lequel il n’est pas arbitraire de ne pas retenir des frais de repas en cas d’emploi à temps partiel. Il n’est pas non plus insoutenable d’en retenir (consid. 4.4.3).
Mesures protectrices; entretien; revenu hypothétique; art. 176 al. 1 ch. 1 CC
Entretien en mesures protectrices de l’union conjugale (art. 176 al. 1 ch. 1 CC) – revenus fluctuants. Rappel des principes. Si un revenu évolue dans le temps, il convient d’établir le revenu net moyen réalisé durant plusieurs années, généralement sur trois ans, l’autorité judiciaire n’étant toutefois pas liée par cette limite indicative temporelle. Si l’évolution relève d’une augmentation ou d’une diminution constante, il n’est pas opéré de moyenne, seul le gain de l’année précédente est pris en compte. Les frais remboursés forfaitairement par l’employeur dont les dépenses effectives ne sont pas prouvées sont inclus dans le calcul du revenu déterminant. Les primes et gratifications doivent aussi être prises en compte, selon une moyenne établie sur une période suffisamment longue, pour autant qu’elles soient effectives et régulièrement versées (consid. 3.1).
En l’espèce, le Tribunal fédéral a admis la prise en compte d’un bonus unique, car il s’agissait d’un « paiement exceptionnel à la place d’une augmentation » et que le revenu déterminant était établi par une moyenne de revenus fluctuants sur trois années (consid. 3.3).
Idem – charges effectives. Rappel de principes. La capacité contributive doit être établie uniquement sur les charges effectives de la personne débirentière. Sous prétexte que cela relève de l’équité entre conjoint·es, il est arbitraire de retenir pour chacune des parties le même montant d’un poste de charge admissible dans le minimum vital élargi du droit de la famille alors qu’une seule d’elles a prouvé l’effectivité d’une telle charge (consid. 4.1-4.2). En effet, sur le plan financier, la ou le juge ne dispose d’une marge de manœuvre que dans le cadre de la répartition de l’excédent (consid. 4.2).
Idem – revenu hypothétique. Rappel des principes (consid. 5.1).
TF 5A_808/2022 (f) du 12 juin 2023 - Mesures protectrices, audition d’enfant, garde des enfants. Rappel des critères à prendre en compte pour déterminer si la garde alternée correspond à l’intérêt supérieur de l’enfant. Poids particulier du parent qui a eu la garde de l’enfant durant la procédure. Rappel des principes en matière d’audition des enfants (art. 298 al. 1 CC) et leur capacité de discernement, en principe admise dès 11-13 ans. Un·e enfant capable de discernement est en droit de s’attendre à ce que la décision du tribunal respecte sa personnalité et soit étayée, en part. si elle s’écarte de sa volonté.
TF 5A_144/2023 (d) du 26 mai 2023 - Mesures protectrices, entretien, procédure. Rappel de principes sur l’entretien. Méthode concrète en deux étapes, entretien entre conjoint·es, limite supérieure du niveau de vie avant séparation, fardeau de la preuve de la part d’épargne nonobstant la maxime inquisitoire illimitée applicable en présence d’enfants, critères de l’entretien après divorce, concubinage. Rappel des principes en matière d’obligation de motivation pour l’admission du grief de la violation du droit d’être entendu.
TF 5A_861/2022 (f) du 15 juin 2023 - Mesures protectrices, entretien. Rappel du principe selon lequel on ne saurait exiger d’un·e conjoint·e qu’il ou elle entame sa fortune s’il n’en est pas exigé de même de l’autre.
Divorce; couple; étranger; DIP; entretien; procédure; art. 71 et 95 LTF; 24 PCF; 170 et 208 CC
Jonction de procédures – rappels de principes. Le Tribunal fédéral réunit deux ou plusieurs procédures (art. 71 LTF en lien avec l’art. 24 PCF) lorsque plusieurs recours ont été formés contre le même arrêt, qu’ils concernent les mêmes parties et les mêmes circonstances et qu’ils sont fondés sur les mêmes faits ; l’essentiel est d’éviter les jugements contradictoires dans la même affaire (consid. 1.1).
Demande d’information (art. 170 CC) – rappel de principes. Le droit aux renseignements entre conjoint·es peut être exercé dans le cadre d’une procédure indépendante ou à titre préjudiciel dans une procédure de droit matrimonial telle que la procédure visant à compléter un jugement de divorce étranger (consid. 3.2).
En cas de demandes de renseignements indépendantes, le pouvoir d’examen du Tribunal fédéral n’est pas limité à la violation de droits constitutionnels (art. 95 s. LTF) (consid. 2.1).
Il n’existe pas de droit inconditionnel à l’information entre personnes mariées. Les conjoint·es ont droit à la remise de tous les documents qui sont appropriés et nécessaires pour déterminer et prouver leurs droits à une pension alimentaire et au sujet du régime matrimonial (consid. 4.1).
La demande de renseignements doit être basée sur un intérêt juridiquement protégé vraisemblable, lequel est généralement donné si l’information demandée est éventuellement propre à fonder une prétention de droit matériel. Afin d’éviter une « fishing expedition » réprouvée, lorsque la potentielle force probatoire des renseignements demandés n’est pas d’emblée évidente, la partie demanderesse doit la rendre vraisemblable. Par exemple, s’il s’agit de mettre en exergue des irrégularités, la partie demanderesse doit au préalable les rendre vraisemblables à l’aide d’indices (consid. 3.3).
Il ne suffit pas d’invoquer un intérêt abstrait à vérifier l’exactitude des informations fournies dans une déclaration d’impôts ou d’invoquer l’art. 208 CC (réunion aux acquêts) (consid. 4.2).
Divorce; étranger; DIP; enlèvement international; garde des enfants; procédure; mesures provisionnelles; art. 9 al. 3 LF-EEA; 5, 7, 23 par. 2 let. a et d, 27, 28 et 50 CLaH96; 3 CLaH80; 296 et 311 al. 1 CPC
Procédure – exigences de motivation (art. 311 al. 1 CPC). Rappel du principe selon lequel les exigences de motivation de l’acte d’appel sont applicables sans égard à la maxime applicable. Un·e recourant·e ne peut dès lors pas se prévaloir du pouvoir d’examen d’office de l’autorité d’appel (art. 296 CPC) pour se soustraire à l’exigence de motivation de son appel sans en subir les conséquences procédurales qui en découlent (consid. 3.2 et 3.3).
Idem – curatelle de représentation de l’enfant en procédure. Dans les procédures de retour à la suite d’un enlèvement d’enfant, fondées sur la CLaH80, la désignation d’un·e curateur·rice pour représenter la personne mineure est requise (art. 9 al. 3 LF-EEA). Cela n’est en revanche pas nécessaire pour les procédures visant à la reconnaissance d’une décision étrangère, même s’il s’agit d’établir si dite décision est contraire à l’ordre public suisse et que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être examiné dans ce cadre (consid. 3.3).
Idem – compétence des autorités de l’Etat de résidence habituelle de l’enfant (art. 5 CLaH96). Rappel des principes. En cas de déplacement licite de l’enfant d’un Etat contractant de la CLaH96 à un autre Etat contractant, la compétence du nouvel Etat de résidence habituelle de l’enfant est automatiquement donnée. Le transfert n’est pas automatique si le déplacement licite s’opère dans un Etat non-contractant de la CLaH96.
En cas de déplacement illicite de l’enfant (v. art. 7 par. 2 CLaH96 dont la teneur est identique à celle de l’art. 3 CLaH80), la compétence du nouvel Etat de résidence habituelle de l’enfant est donnée après un an, si tant est qu’il ou elle s’est intégré·e dans son nouveau milieu et qu’aucune demande de retour n’est en cours d’examen (art. 7 CLaH96). Si les Etats concernés sont à la fois contractants de la CLaH96 et de la CLaH80, la procédure de retour doit avoir lieu en application de ce dernier traité. Nonobstant cette primauté d’application de la CLaH80, le retour de l’enfant peut être ordonné par la reconnaissance et l’exécution – par l’Etat où l’enfant a été déplacé·e – d’une décision d’attribution de garde rendue par l’Etat d’origine (art. 50, 2e phrase, CLaH96). Ceci pour autant que la décision ait été rendue lorsque l’Etat d’origine était compétent au sens de l’art. 7 CLaH96, soit avant la fin du délai d’un an ou si l’enfant ne s’est pas intégré·e dans son nouveau milieu (consid. 5.4 et 5.5.3).
Idem – reconnaissance des décisions prises en application de la CLaH96 (art. 23 CLaH96). La reconnaissance en Suisse d’une décision prise par un Etat cocontractant de la CLaH96 peut être refusée si celle-ci est manifestement contraire à l’ordre public suisse, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant (art. 23 par. 2 let. d CLaH96), lequel constitue le contenu essentiel de l’ordre public. Cette réserve doit néanmoins être interprétée de manière restrictive et ne peut pas reposer sur une application par analogie des exceptions que pose la CLaH80 en matière de refus de retour d’un enfant après déplacement illicite. La procédure de reconnaissance ne doit pas être un moyen de réviser la décision rendue par l’Etat de l’ancienne résidence habituelle de l’enfant (art. 27 CLaH96) (consid. 4.3). Un parent ne peut pas se prévaloir de l’intérêt supérieur de l’enfant à la stabilité de la situation qu’il a créée en déplaçant l’enfant (consid. 4.4).
La reconnaissance peut également être refusée si l’autorité ayant rendu la décision n’était pas compétente au sens du chapitre II de la CLaH96 (art. 23 par. 2 let. a CLaH96).
Idem – exequatur des décisions prises en application de la CLaH96 (art. 28 CLaH96). Dans la mesure où la mise en exécution des mesures instituées par la décision étrangère à reconnaître s’effectue en application des lois de l’Etat requis à cet effet et compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant (art. 28 CLaH96), dit Etat dispose d’une certaine marge d’appréciation (consid. 4.3).
Divorce; droit de visite; protection de l’enfant; procédure; art. 14, 30 al. 2 et 3 CP; 19c et 301 CC; 42 al. 5 LTF
Capacité des mineur·es à agir en justice – rappel des principes. La personne lésée capable de discernement et son ou sa représentant·e légal·e – y compris en cas de curatelle de représentation – jouissent, chacun·e, d’un droit de déposer plainte pénale (art. 30 al. 2 et 3 CP). Il en découle que l’enfant capable de discernement est aussi habilité·e à faire recours seul·e (consid. 1.4).
Idem – désignation d’un·e représentant·e. L’art. 30 al. 3 CP consacre une solution comparable à celle de l’art. 19c CC. La capacité d’agir seul·e de l’enfant capable de discernement s’étend au choix d’un·e représentant·e dans les situations touchant à sa liberté personnelle, respectivement à ses droits strictement personnels (consid. 1.4).
Lorsqu’il existe un conflit d’intérêts de l’avocat·e représentant à la fois l’enfant capable de discernement et l’un de ses parents, ce qui remettrait en question la capacité de postuler de l’avocat·e, respectivement la recevabilité d’un recours déposé par dit·e avocat·e, un délai approprié est fixé à l’enfant pour y remédier (art. 42 al. 5 LTF), à moins qu’il ne fasse aucun doute que l’enfant se contenterait de contresigner le recours dont la recevabilité est remise en cause (consid. 1.5.1-1.5.2).
Capacité de discernement des enfants. Rappel des principes généraux (consid. 1.4.2 et 1.4.4). S’agissant de la capacité de discernement en lien avec le dépôt d’une plainte pénale et l’exercice des voies de recours en procédure pénale, les mêmes considérations s’appliquent que celles en matière d’aptitude d’un·e mineur·e à exercer son droit de témoigner ou à refuser de s’exprimer en procédure pénale. Il suffit dès lors que l’enfant soit en mesure de comprendre que la personne sur le comportement de laquelle il ou elle est invité·e à s’exprimer, respectivement à déposer plainte ou faire recours, a fait quelque chose d’illicite, qu’elle pourrait être punie pour cela et que ses déclarations, respectivement le dépôt de plainte ou le recours, pourraient y participer. Une telle capacité est généralement admise à 14-16 ans, voire plus tôt (consid. 1.4.3).
« Droit » de correction des parents. Le Tribunal fédéral a en l’occurrence souligné que la question demeurait encore ouverte quant à l’admission d’un droit de correction des parents, lequel relèverait sur le plan pénal d’un fait justificatif (art. 14 CP), découlant du devoir d’éducation (art. 301 CC), et qui devrait alors être distingué d’un mode éducatif fondé sur la violence (consid. 3.4).
Divorce; audition d’enfant; droit de visite; protection de l’enfant; procédure; art. 16, 314a al. 3 et 314abis al. 1 CC; 298 al. 3 et 299 al. 3 CPC
Capacité d’ester en justice des personnes mineures et représentation en procédure – rappel des principes. Le ou la mineur·e capable de discernement peut procéder seul·e en justice en ce qui concerne ses droits de la personnalité tels que la réglementation du droit de visite (consid. 3.2.1).
Il en va de même pour le droit strictement personnel qu’est la désignation par le ou la mineur·e d’un·e représentant·e en procédure (art. 314a al. 3 CC ainsi que 298 al. 3 et 299 al. 3 CPC). Comme l’exercice d’un tel droit est de nature à renforcer les droits de l’enfant dans la procédure et ainsi à le ou la protéger, les exigences en matière de capacité de discernement sont moins élevées (consid. 3.2.2).
Capacité de discernement des mineur·es – rappels des principes. La capacité de discernement est généralement présumée, sur la base de l’expérience générale de la vie, s’il n’existe pas de raison de la mettre en doute. Un tel doute survient notamment lorsque la personne est atteinte de déficience mentale ou de troubles psychiques. Dans ce cas, l’incapacité de discernement est présumée. Toutefois, toute atteinte à la santé mentale ne permet pas de présumer l’incapacité de discernement. Il faut que cette atteinte crée une dégradation durable et importante des facultés de l’esprit (consid. 3.2.1).
En l’occurrence, le Tribunal fédéral a souligné qu’il n’y avait pas lieu de remettre en question le développement conforme à son âge de l’enfant, âgée de 15 ans au moment des faits, raison pour laquelle sa capacité de discernement était présumée et qu’elle était en droit de désigner elle-même sa représentante en procédure (art. 314abis al. 1 CC). Le Tribunal fédéral a précisé que la problématique du conflit de loyauté invoquée en instances cantonales en raison de l’influence de la mère pourrait éventuellement faire obstacle à la capacité de discernement de l’enfant au sujet du droit de visite du père, mais pas au sujet de sa capacité de mandater un·e avocat·e (consid. 3.3).
Divorce; entretien; revenu hypothétique; art. 125 CC
Entretien post-divorce – revenu hypothétique. Rappel de principes (consid. 5.1). L’âge constitue souvent un facteur décisif pour évaluer la possibilité effective d’exercer une activité lucrative. Il ne revêt toutefois pas une importance abstraite, détachée de tous les autres critères, au sens d’une présomption en faveur ou en défaveur du caractère raisonnable de la reprise d’une activité lucrative (consid. 5.1).
Le caractère inexigible de l’exercice d’une activité lucrative pour des raisons de santé n’est pas subordonné à ce que les conditions d’obtention d’une rente d’invalidité soient remplies. Il n’est toutefois pas arbitraire de le dénier sur la base de l’absence de toute démarche entreprise dans ce sens par la personne concernée durant les 10 ans d’incapacité de travail allégués (consid. 5.3.3).
Idem – fixation de l’entretien. Rappel des principes du niveau de vie avant la séparation en tant que limite supérieure du droit à l’entretien après divorce, de la priorisation de la capacité de financement propre, de la capacité contributive de la partie débitrice et du principe de la solidarité (consid. 6.4.1).
Idem – méthode de calcul de l’entretien. Rappel de principes. Le mélange des méthodes de calcul est prohibé. Si l’autorité décide d’appliquer la méthode du minimum vital avec répartition de l’excédent dans le cadre du divorce de parties sans enfants, il ne revient pas à la partie créancière d’aliments de démontrer le train de vie avant le mariage (consid. 6.5). Il revient en revanche à la partie débitrice d’aliments qui prétend un taux d’épargne durant la vie commune de supporter le fardeau de l’allégation et de la preuve à cet égard. La quote-part d’épargne dûment démontrée est alors déduite de l’excédent avant sa répartition par moitié entre les parties. Le tribunal du divorce doit motiver de manière circonstanciée toute décision qui s’écarterait d’un partage 50-50 de l’excédent des divorcé·es sans enfants (consid. 6.4.2).
Divorce; entretien; revenu hypothétique; procédure; mesures provisionnelles; art. 272 CPC; 163 et 176 al. 1 ch. 1 CC
Mesures provisionnelles durant la procédure de divorce – procédure. Rappel de principes au sujet notamment de la maxime inquisitoire sociale applicable (art. 272 CPC) (consid. 3.3) et de l’appréciation des preuves selon la vraisemblance (consid. 4.1).
Entretien entre futur·es ex-conjoint·es (art. 176 al. 1 ch. 1 en lien avec l’art. 163 CC) – rappel de principes. En particulier la limite supérieure du niveau de vie avant la séparation ou la primauté de l’autosuffisance (consid. 2.1).
Idem – incapacité de travail. D’un point de vue procédural, un certificat de travail constitue une allégation de partie, à l’instar des expertises privées. S’il est contesté, il ne peut donc pas être probant à lui seul et doit être étayé par d’autres indices, eux-mêmes corroborés par des moyens de preuve. Il peut néanmoins arriver qu’une incapacité de travail soit admise en procédure matrimoniale sur la seule base de certificats médicaux, et ce, même si l’Office AI a refusé une rente et retenu un revenu hypothétique. Le certificat médical doit cependant répondre à certaines exigences de contenu, à savoir la description claire de la situation médicale et la motivation par le ou la particien·ne de ses conclusions. Une simple attestation médicale de l’incapacité de travail ne suffit pas (consid. 4.2). Le fait qu’une personne soit suivie depuis de longues années par un·e docteur·e en médecine ne diminue pas d’emblée la crédibilité d’un certificat médical (consid. 4.4).
Divorce; partage prévoyance, procédure; art. 279 al. 2, 280 al. 1, 281 al. 1 et 3 CPC; 55 LTF
Partage de prévoyance – rappel de modalités procédurales. Bien qu’en droit privé, l’acquiescement pur et simple soit susceptible de rendre la cause sans objet, tel n’est pas le cas s’agissant du sort des avoirs de prévoyance professionnelle en cas de divorce, puisqu’un accord entre les parties à ce sujet demeure soumis à ratification par le tribunal pour qu’il déploie des effets (art. 280 al. 1 CPC) (consid. 1).
En application de l’art. 279 al. 2, 2e phrase, CPC, l’autorité judiciaire doit faire figurer dans le dispositif du jugement la convention conclue entre les parties en matière de prévoyance professionnelle (consid. 1).
Lorsque, en dérogation à l’art. 280 al. 1 let. b CPC, l’une des parties ne fournit pas de son propre chef l’attestation de son institution de prévoyance confirmant que l’accord est réalisable et précisant le montant des avoirs ou des rentes à partager, le tribunal la requiert lui-même auprès de ladite institution (art. 281 al. 1 CPC), étant précisé que le Tribunal fédéral ne s’emploie pas à de telles démarches (art. 55 LTF) (consid. 2.2).
Si l’autorité judiciaire ne parvient pas à obtenir l’attestation de l’institution, elle renvoie la cause à la Chambre des assurances sociales (art. 281 al. 3 CPC) (consid. 2.2).
Divorce; procédure; art. 12 CEDH; 14 Cst.; 283 al. 1 et 472 al. 1 ch. 1 et 2 CPC
Principe de l’unité du jugement de divorce (art. 283 al. 1 CPC) – rappels et précisions. Rappel de l’ATF 144 III 298. Le principe de l’unité du jugement de divorce ne s’oppose pas à un jugement partiel sur la question du divorce si les parties y consentent ou si l’intérêt d’une partie à un jugement partiel l’emporte sur l’intérêt de l’autre à un jugement simultané sur le divorce et ses effets (consid. 2.1.1).
Au préalable, il faut toutefois que la question du divorce soit liquide, à savoir que le motif du divorce soit manifestement réalisé, et que le traitement de la procédure sur les effets du divorce tire fortement en longueur (consid. 2.1.1).
Seule la durée effective de la procédure, et non la conduite du procès par le tribunal, est déterminante. Il s’agit alors d’établir un pronostic sur la durée de la procédure à laquelle on peut encore s’attendre. Les éléments à prendre en compte dans ce cadre sont notamment la complexité de la procédure en fait et en droit, l’âpreté du litige entre les parties et la probabilité d’un recours (consid. 2.1.1).
L’autorité judiciaire doit tenir compte du droit constitutionnel au mariage, respectivement au remariage (art. 12 CEDH et 14 Cst.), dans sa pesée des intérêts (consid. 2.1.1).
Rappel de l’arrêt 5A_426/2018 établissant qu’il serait abusif de se prévaloir de la qualité d’héritier ou d’héritière dans la mesure où la relation familiale entre les parties n’est plus vécue après la séparation. La portée dudit arrêt perd de son importance depuis l’entrée en vigueur au 1er janvier 2023 de la révision sur le droit successoral selon laquelle le ou la conjoint·e survivant·e perd son droit à la réserve héréditaire pendant la procédure de divorce (art. 472 al. 1 ch. 1 et 2 CC). Le ou la futur·e ex-conjoint·e peut dès lors disposer librement de ses biens dans un testament avant-même le prononcé du divorce (consid. 2.1.1).
En l’occurrence, le Tribunal fédéral a estimé qu’une durée de procédure de quatre ans était très longue, que le cas était complexe en raison notamment d’immeubles et comptes bancaires en Suisse et à l’étranger, d’investissements sur biens propres contestés et du sort incertain de certains biens propres, que l’âge avancé (83 ans) du futur ex-époux et ses deux maladies potentiellement mortelles ainsi que son souhait avéré et légitime de se remarier avec sa partenaire de longue date justifiaient le prononcé d’un jugement partiel sur le principe du divorce (consid. 2.5).
TF 5A_152/2022 (f) du 5 juin 2023 - Divorce, autorité parentale, droit de visite, entretien, revenu hypothétique, procédure. Rappel des principes en matière d’autorité parentale exclusive (art. 296 et 298 CC) et d’exercice des relations personnelles (art. 273 al. 1 CC). Nécessité de soulever la violation de l’art. 125 CC en sus de celle de l’art. 285 CC lorsque des postes liés à l’établissement des revenus et charges de la partie débitrice d’aliment sont contestés, sous peine d’irrecevabilité du grief quant à l’établissement de la contribution d’entretien envers la partie créancière après divorce. L’enfant majeur·e ne peut pas se prévaloir d’une part à l’excédent ; son entretien est limité à la couverture de son minimum vital élargi.
TF 5A_522/2022 (f) du 3 mai 2023 - Divorce, garde des enfants, procédure, mesures provisionnelles. Une nouvelle réglementation de l’autorité parentale, respectivement de l’attribution de la garde, ne dépend pas seulement de l’existence de circonstances nouvelles importantes ; elle doit aussi être commandée par le bien de l’enfant.
TF 5A_164/2023 (d) du 13 juin 2023 - Divorce/Mesures protectrices, entretien, procédure. Rappel de principes relatifs à l’assistance judiciaire en procédures matrimoniales, notamment la subsidiarité vis-à-vis de la provisio ad litem et les conséquences en cas d’impossibilité de la partie créancière de recouvrer l’avance de frais octroyée. Une requête d’assistance judiciaire ne peut pas être déposée après la liquidation définitive de la cause principale. Les garanties des art. 117 ss CPC et 29 al. 3 Cst. se rejoignent.
Partenariat; droit de visite; procédure; art. 274a CC; 27 al. 2 LPart
Droit aux relations personnelles tiers-enfant (art. 274a CC) – rappel de principes. L’octroi d’un droit aux relations personnelles à d’autres personnes que les parents légaux est une exception qui doit remplir deux conditions cumulatives : 1) des circonstances exceptionnelles telles que l’existence d’une relation particulièrement étroite que le tiers en question a nouée avec l’enfant ou l’existence d’un lien de parenté dite « sociale » entre l’enfant et le tiers, celui-ci ayant assumé des tâches de nature parentale envers l’enfant (consid 5.1) ; 2) l’intérêt de l’enfant à exercer des relations personnelles avec le tiers, l’inverse n’étant pas déterminant. Cet intérêt de l’enfant est présumé lorsque le tiers avait construit avec le parent légal un projet parental commun ; le tiers est alors considéré comme un « parent d’intention » (consid. 5.2 et 6.1 in fine).
La preuve de l’existence de la parenté sociale ou de la parenté d’intention doit être établie sur la base d’un faisceau d’indices dont aucun n’est à lui seul déterminant (consid. 5.3).
Le cercle de tiers touchés par l’art. 274a CC est plus large que la sphère de parenté de l’enfant. Ainsi, les grands-parents, les parents nourriciers, le beau-parent séparé ou divorcé du parent biologique, l’ex-concubin·e du parent légal, ou l’ex-partenaire peuvent se prévaloir de l’art. 274a CC (et de l’art. 27 al. 2 LPart pour les partenaires enregistré·es) afin de revendiquer un droit aux relations personnelles avec un·e enfant (consid. 5-5.2).
L’autorité octroie un droit de visite tiers-enfant avec retenue lorsque le ou la mineur·e exerce déjà des relations personnelles avec ses deux parents légaux (consid. 5.1).
Couple non marié; étranger; DIP; filiation; art. 27 al. 1, 32, 71 ss et 199 LDIP
Reconnaissance des décisions étrangères – application de la LDIP dans le temps. Les règles de la LDIP en matière de reconnaissance des décisions étrangères s’appliquent à toutes les demandes pendantes en Suisse au moment de son entrée en vigueur (art. 199 LDIP), soit au 1er janvier 1989, et ce, même s’il s’agit d’une décision étrangère ou d’un autre acte juridique intervenu·es avant ladite date (consid. 3.3.1-3.3.2).
Idem – reconnaissance en Suisse d’une reconnaissance de paternité intervenue à l’étranger (art. 71 ss LDIP). En vertu du principe in favorem recognitionis, pour que la reconnaissance en Suisse d’une reconnaissance de paternité étrangère soit admise, il suffit que celle-ci soit valable quant au fond et à la forme selon l’ordre juridique – dans son ensemble, soit droit international privé et droit transitoire compris – de la résidence habituelle, du domicile ou de la nationalité de l’enfant, ou selon l’ordre juridique national de la mère ou du père (art. 72 al. 1 et 73 al. 1 LDIP) (consid. 3.5-3.5.2).
La reconnaissance de paternité ne peut pas être reconnue, et donc inscrite à l’état civil en vertu de l’art. 32 LDIP, si elle est manifestement incompatible avec l’ordre public suisse, soit en référence aux valeurs juridiques et éthiques locales. En tant que clause d’exception, cette réserve doit toutefois être appliquée avec retenue (art. 27 al. 1 en relation avec l’art. 32 al. 2 LDIP) (consid. 3.6).
Pour qu’il y ait violation de l’ordre public, il ne suffit pas que la solution adoptée à l’étranger diffère de celle prévue par le droit suisse ou qu’elle soit inconnue en Suisse. Cette clause d’exception s’applique uniquement au regard de la validité de la reconnaissance de paternité, respectivement au regard du droit étranger la rendant valide (consid. 3.7.1).
Sous réserve des cas où un lien de paternité existe déjà, les possibilités élargies de reconnaître la paternité ne contreviennent généralement pas à l’ordre public suisse, car celui-ci poursuit l’objectif de conférer aux enfants né·es hors mariage le même statut que celui des enfants né·es de parents mariés (consid. 3.6.3).
Couple non marié; étranger; enlèvement international; procédure; art. 3 let. a CLaH80; CLaH96; 20 LDIP
Résidence habituelle de l’enfant au sens de la CLaH80 – rappels. La résidence habituelle qui était celle de l’enfant immédiatement avant le déplacement ou le non-retour est déterminante dans la procédure de retour au sens de la CLaH80 (art. 3 let. a CLaH80). La CLaH80 ne contient pas de définition de la résidence habituelle, laquelle est une notion autonome définie en Suisse par l’art. 20 LDIP et la CLaH96. Elle repose sur une situation factuelle qui se situe au centre effectif de la vie et des relations de l’enfant, mais qui ne dépend pas d’une intention subjective de rester. Outre la présence physique de l’enfant, différents indices doivent être pris en compte pour établir sa résidence habituelle. Il s’agit notamment de la durée de résidence (à partir de 6 mois généralement admis), de la régularité, des conditions et motifs de séjour, de la nationalité, des conditions de scolarisation, du lieu en lui-même, des connaissances linguistiques et des relations sociales et familiales. La résidence habituelle de l’enfant coïncide généralement avec celle d’au moins l’un des parents. Pour un enfant en bas âge, ses relations familiales avec le parent dont il est pris en charge sont déterminantes pour établir sa résidence habituelle (consid. 2.1). Pour les enfants jusqu’à 3 ans le critère d’intégration sociale ne compte pas (consid. 2.5.1).
Couple non marié; étranger; enlèvement international; procédure; art. 13 al. 1 LF-EEA; CLaH80
Procédure – reconsidération d’une décision de retour d’un·e enfant enlevé·e. Si les circonstances qui s’y opposent ont changé de manière « déterminante », une décision ordonnant le retour d’un·e enfant déplacé·e illicitement peut être reconsidérée en vertu des mêmes dispositions applicables de n’importe quelle procédure d’enlèvement international d’enfant, à savoir les dispositions ad hoc des CLaH80 et LF-EEA (art. 13 al. 1 LF-EEA). Si les faits nouveaux invoqués sont suffisamment « déterminants » pour refuser définitivement le retour, l’autorité compétente suspend le retour et annule la première décision (consid. 3.1).
Une décision de l’Etat de provenance attribuant provisoirement la garde au parent ayant enlevé l’enfant ne rend pas licite le déplacement mais est considérée par le Tribunal fédéral comme un fait nouveau « déterminant » justifiant l’annulation d’un retour ordonné, jusqu’à droit connu sur la décision au fond de l’Etat de provenance (consid. 3.4).
Couple non marié; étranger; protection de l’enfant; entretien; procédure; art. 6 al. 3 OPE
Procédure – autorités compétentes pour les litiges relatifs à l’art. 6 al. 3 OPE. Les déclarations de garantie signées par les parents nourriciers en application de l’art. 6 al. 4 aOPE (désormais l’art. 6 al. 3 OPE) s’agissant des frais d’un·e enfant étranger·ère venu·e en Suisse relèvent du droit de la police des personnes étrangères, respectivement du droit public (consid. 4.3-4.4).
Couple non marié; autorité parentale; protection de l’enfant; procédure; art. 10 al. 2 Cst.; 76 al. 1 LTF; 300, 301a al. 1, 307 al. 1 et 310 al. 1 CC
Procédure – limitation des griefs d’un parent n’agissant pas formellement au nom de son enfant. Un parent qui conteste en son seul nom – et non en tant que représentant·e légal·e de l’enfant – la restriction de l’autorité parentale en matière de vaccination ne peut pas valablement invoquer le grief de la violation du droit fondamental à l’intégrité physique (art. 10 al. 2 Cst.), puisque l’atteinte corporelle ne concerne pas le parent (consid. 1.2.2) et qu’en vertu de l’art. 76 al. 1 LTF la personne qui dépose un recours en matière civile n’est pas habilitée à faire valoir les intérêts de tiers (consid. 1.2.1).
Placement en famille d’accueil (art. 300 et 310 al. 1 CC) – rappel de principes. Le placement d’un·e enfant est nécessaire lorsque son environnement de vie avec l’un ou ses parents ne permet pas son épanouissement et met en danger son bon développement (art. 310 al. 1 CC). Lorsque l’autorité ordonne le placement de l’enfant, elle retire au(x) titulaire(s) de l’autorité parentale le droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant et restreint l’autorité parentale dans cette mesure. Cette prérogative de l’autorité parentale (art. 301a al. 1 CC) est alors transférée à l’autorité de protection de l’enfant et non à la famille d’accueil (consid. 6.2.2).
Idem – parents nourriciers (art. 300 CC). Les parents nourriciers prennent les décisions de la vie quotidienne qui reviennent d’ordinaire au(x) parent(s) gardien(s), en qualité de représentant(s) des parents dans l’exercice de l’autorité parentale. Dès lors, sauf urgence temporelle empêchant les parents nourriciers de se référer au(x) titulaire(s) de l’autorité parentale résiduelle, ce(s) dernier(s) est/sont habilité(s) à donner des instructions sur les décisions importantes relatives à l’enfant, dont les interventions médicales font d’ailleurs partie. Le droit du/des titulaire(s) de l’autorité parentale résiduelle de donner des instructions aux parents nourriciers s’efface en cas d’incompatibilité desdites instructions avec d’éventuelles autres instructions données par les autorités (consid. 6.2.2).
Mise en danger de l’enfant au sens de l’art. 307 al. 1 CC – rappel de principes. La mise en danger de l’enfant est admise lorsqu’au vu des circonstances du cas d’espèce, un risque concret d’atteinte à l’intégrité physique, morale ou spirituelle de l’enfant existe. A noter que la protection de la santé n’est pas seulement une des composantes du bon développement de l’enfant mais une condition préalable, rendant sa protection d’autant plus importante. La cause du danger ou la faute des parents ne sont pas déterminantes (consid. 6.2.1).
Idem – précision de la jurisprudence. Dans son ATF 146 III 313, le Tribunal fédéral a estimé que la mise en danger de l’enfant justifiant une décision de l’autorité imposant la vaccination d’enfants ne reposait pas sur les dangers en matière de santé des enfants, mais sur les dangers relatifs à l’incapacité des parents à trouver un consensus sur la question, respectivement le blocage dans l’exercice de l’autorité parentale conjointe qui en résulte. Une autorité ne peut dès lors pas se baser sur dite jurisprudence pour justifier l’obligation donnée à des parents de vacciner leur enfant en raison des risques généraux pour la santé que chacun·e court s’il ou elle n’est pas vacciné·e. Cela reviendrait à indirectement obliger tous les parents à vacciner leurs enfants, puisqu’à défaut, les autorités de protection de l’enfant devraient les y forcer. Ceci contreviendrait à la liberté de choix des parents en la matière, expressément reconnue par le Tribunal fédéral (consid. 6.2.1 et 6.3.1).
Idem – responsabilité juridique de la prise en charge. L’autorité assume la responsabilité juridique de la prise en charge de l’enfant qu’elle a placé·e, notamment en ce qui concerne la protection de la santé de l’enfant, laquelle revêt une importance particulière dans les considérations de son bon développement (consid. 6.2.1 et 6.3.2). Or, il n’est pas à la discrétion de l’autorité de protection de l’enfant de prendre les mêmes risques que les parents choisissant de renoncer à la vaccination contre les maladies infantiles typiques (consid. 6.3.2).
En l’occurrence, le Tribunal fédéral semble admettre qu’en raison d’un devoir de protection accru de l’enfant placé·e, il peut être considéré que le bien de l’enfant est menacé au sens de l’art. 307 al. 1 CC lorsqu’il ou elle n’est pas vacciné·e contre les maladies infantiles typiques, ce qui justifie une mesure de protection de l’enfant forçant la vaccination (consid. 6.3.2).
Couple non marié; autorité parentale; procédure; art. 304 al. 2 CPC; 298b al. 3 et 298d al. 3 CC
Parties à la procédure d’une action alimentaire et autres points concernant l’enfant. En raison de l’attraction de compétence en faveur du tribunal saisi d’une action alimentaire qui lui permet également de traiter les autres questions relatives aux enfants, telles que l’autorité parentale (art. 304 al. 2 CPC ; art. 298b al. 3 et 298d al. 3 CC), il peut arriver qu’un parent, agissant comme représentant·e légal·e de l’enfant, ne soit pas formellement partie à une procédure dont le jugement final pourrait avoir un impact considérable sur sa situation juridique (consid. 3.4.1). Dans cette constellation, sous peine de rendre une décision nulle, le tribunal doit impliquer formellement le parent pour qu’il agisse pour son propre compte et non uniquement en sa qualité de représentant·e légal·e de l’enfant (consid. 3.4.3).
En effet, un jugement de droit civil ne déploie ses effets qu’à l’égard des personnes qui sont parties au procès, l’autorité de la chose jugée ne s’étendant donc pas aux tiers. Dès lors, un jugement qui porte atteinte à la sphère juridique d’une personne qui n’a pas été partie à la procédure souffre d’un vice si grave qu’il doit être frappé de nullité (consid. 3.4.2).
Couple non marié; autorité parentale; protection de l’enfant; procédure; art. 315 al. 1, 315a et 315b CC
Protection de l’enfant – rappel des principes en matière de compétences. En principe, l’autorité de protection de l’enfant du domicile de l’enfant concerné·e est compétente pour ordonner des mesures de protection de l’enfant (art. 315 al. 1 CC) (consid. 2.4.1). Elle est également compétente pour modifier les mesures qu’elle a ordonnées (art. 315b al. 2 CC) (consid. 2.4.3).
En vertu de l’art. 315 al. 1 CC, l’autorité de protection de l’enfant est aussi compétente pour prendre des mesures en protection de l’enfant s’avérant nécessaires après la clôture d’une procédure matrimoniale, lorsqu’aucune procédure en modification de la précédente procédure matrimoniale n’est pendante (consid. 2.4.2-2.4.3).
Le tribunal est quant à lui compétent pour ordonner ou modifier des mesures en protection de l’enfant lorsqu’il est saisi d’une procédure de protection de l’union conjugale (art. 315a al. 1 et 2 CC), d’une procédure de divorce (art. 315a al. 1 et 2 et 315b al. 1 ch. 1 CC), d’une procédure en modification des mesures protectrices de l’union conjugale (art. 315b al. 1 ch. 3 CC) ou d’une procédure en modification du jugement de divorce (art. 315b al. 1 ch. 2 CC) (consid. 2.4.2-2.4.3).
Toutefois, l’autorité de protection de l’enfant ayant engagé une procédure avant la litispendance devant le tribunal reste habilitée à poursuivre dite procédure (art. 315a al. 3 ch. 1 CC applicable par analogie aux procédures de modification des mesures judiciaires) (consid. 2.4.2-2.4.3).
Le tribunal matrimonial est lié par les mesures de protection préexistantes et ne les adapte qu’à l’aune de nouvelles circonstances (art. 315a al. 2 CC) (consid. 2.4.2).
En l’occurrence, l’autorité de protection de l’enfant a rendu une décision provisoire de mesures de protection de l’enfant. Une procédure en modification du jugement de divorce des parents a été introduite après cela, mais avant qu’une décision sur le fond ne remplace les mesures provisoires ordonnées par l’autorité de protection. Le Tribunal fédéral a laissé ouverte la question de savoir si la compétence de traiter au fond les mesures ordonnées à titre provisoire était automatiquement transférée au tribunal matrimonial par la litispendance créée par l’action en modification du jugement de divorce (consid 2.5.1). Il a toutefois souligné que, même si tel était le cas, les voies de recours contre la décision provisoire valablement rendue par l’autorité de protection de l’enfant alors compétente demeurent ouvertes. La seconde instance cantonale est ainsi tenue de traiter du recours contre la décision provisoire et ne peut pas se déclarer incompétente en raison de l’attraction de compétence créée par la procédure en modification du jugement de divorce (consid. 2.5.2).
Idem – modification des mesures provisoires. Les mesures provisoires peuvent être modifiées pour l’avenir en cas de changement important et durable des circonstances ou si la décision provisoire s’avère ultérieurement injustifiée dans son résultat en raison de connaissances insuffisantes de faits déterminants lors de la prise de décision. Si toutefois une demande de modification repose sur des faits totalement identiques, la force de chose jugée limitée de la décision provisoire, respectivement l’objection de res iudicata, la rend irrecevable (consid. 2.6.1).
Couple non marié; garde des enfants; entretien; revenu hypothétique; procédure; art. 285 al. 1, 286 al. 2 et 298b al. 3ter CC; 296 al. 1 et 3 et 311 al. 1 CPC
Garde alternée (art. 298b al. 3ter CC) – rappel de principes. Attribution des parts de prise en charge de chaque parent en cas de garde alternée selon les circonstances du cas d’espèce et l’intérêt supérieur de l’enfant. Le tribunal du fait bénéficie à cet égard d’un large pouvoir d’appréciation, que le Tribunal fédéral revoit avec retenue (consid. 3.2).
Une prise en charge à parts égales entre les parents n’est pas la règle, car cela reviendrait à une procédure grossièrement standardisée qui n’accorderait qu’un poids réduit aux circonstances du cas d’espèce (consid. 3.3).
La préservation de l’intérêt supérieur de l’enfant n’est pas uniquement la tâche des autorités, mais avant tout celle des parents, lesquels doivent entreprendre tout ce qui est nécessaire au bon développement de leurs enfants et notamment s’efforcer d’entretenir les meilleures relations possibles entre eux. Même en cas de conflits sur les parts de garde, les parents doivent mettre de côté leurs propres souhaits et trouver la meilleure solution pour leurs enfants (consid. 3.5).
Procédure – rappel de principes. Même s’il ou elle n’a pas fait recours devant le Tribunal fédéral, l’intimé·e peut faire valoir des arguments pour démontrer que le jugement de l’instance précédente est correct dans son résultat, malgré la pertinence des griefs soulevés par la personne recourante (consid. 4.2).
Nonobstant l’application des maximes inquisitoire et d’office, la personne appelante a l’obligation de motiver son appel (art. 311 al. 1 CPC), à savoir d’expliquer pourquoi la modification de la décision contestée est demandée (consid. 5.2).
Rappel des principes relatifs aux maximes inquisitoire et d’office, applicables en présence d’enfants (art. 296 al. 1 et 3 CPC) (consid. 6.5.1) ; obligation de collaborer accrue des parents en cas de diminution importante du revenu de l’un d’eux (consid. 6.5.2).
Entretien – revenu hypothétique. Rappel de principes en matière de revenus à prendre en compte pour établir la contribution d’entretien (art. 285 al. 1 CC) (consid. 6.4).
Lorsqu’un parent se réoriente professionnellement, de manière volontaire ou non, et réduit ainsi ses revenus, il doit alors se voir attribuer un revenu hypothétique correspondant au revenu de son ancienne activité lucrative, ce qui exclut tout motif de modification de la contribution d’entretien (art. 286 al. 2 CC), à moins qu’il ne démontre qu’il a entrepris tout ce qu’on pouvait raisonnablement attendre de lui pour continuer à percevoir un revenu du même niveau qu’auparavant (consid. 6.5.2).
En ce qui concerne l’entretien des enfants mineur·es, la jurisprudence impose des exigences particulièrement élevées quant à l’exploitation de la capacité de gain des parents, en particulier quand les conditions économiques sont limitées ; ils doivent alors s’organiser sur le plan professionnel, voire local (consid. 6.6.1).
Couple non marié; protection de l’enfant; procédure; art. 314 al. 1 et 450 al. 2 ch. 1 et 2 CC
Procédure – recours contre une décision d’irrecevabilité. Rappel de principes. Les conclusions sur le fond du litige dans le cadre d’un recours contre une décision d’irrecevabilité ne sont en principe pas recevables devant le Tribunal fédéral. Si le recours est admis, il ne réforme pas la décision attaquée, mais l’annule et renvoie la cause à l’autorité précédente (consid. 1.3). Des griefs sur la validité de la procédure en instances inférieures, tels que la violation du droit d’être entendu·e, n’entrent donc pas en ligne de compte (consid. 3).
Idem – qualité de partie des « proches » (art. 450 al. 2 ch. 2 en lien avec l’art. 314 al. 1 CC). Rappel des principes. Est qualifiée de « proche » une personne qui connaît bien la personne concernée, notamment si elle en a pris soin ou a entretenu avec elle des rapports réguliers, et qui, grâce à ses qualités et à ses rapports avec celle-ci, apparaît apte à défendre ses intérêts. Une telle aptitude est déniée lorsqu’il existe des conflits d’intérêts fondamentaux entre la personne qualifiée de « proche » et la personne concernée au sujet de la mesure contestée. La qualité de partie des « proches » n’est effectivement pas donnée lorsqu’ils ou elles défendent leurs propres intérêts plutôt que ceux de la personne concernée (consid. 4.3.3.1).
Idem – qualité de partie des parents nourriciers. Rappel de principes. La communication d’une décision de première instance aux parents nourriciers de l’enfant concerné·e ne fait, en tant que telle, pas d’eux des « personnes parties à la procédure » au sens de l’art. 450 al. 2 ch. 1 CC, et ce, à plus forte raison, si dite décision ne vise plus à examiner l’opportunité du retour de l’enfant chez ses parents légaux et que le placement en famille d’accueil a déjà été levé (consid. 4.3). La qualité de partie des parents nourriciers est en principe donnée au sens de l’art. 420 al. 2 ch. 2 CC, soit en leur qualité de « proches » de l’enfant concerné·e (consid 4.3.3.1 et 4.3.3.2).
Couple non marié; entretien; procédure; art. 198 let. bbis CPC; 276 al. 1 et 285 al. 1 CC
Entretien d’enfants d’un couple non marié (art. 276 al. 1 et 285 al. 1 CC) – procédure de conciliation préalable. La procédure de conciliation n’est pas nécessaire pour les actions concernant l’entretien de l’enfant et d’autres questions relatives aux enfants si l’un des parents a saisi l’autorité de protection de l’enfant avant d’introduire une action (art. 198 bbis CPC). Il s’agit d’éviter de perdre du temps lorsqu’un accord a déjà été recherché, en vain, raison pour laquelle de nouveaux efforts de médiation seraient inutiles. Pour que l’exigence de tentative préalable soit remplie, au moins une occasion de trouver un accord à l’amiable doit avoir été donnée ; l’autre parent doit avoir été sollicité d’une manière ou d’une autre. La tentative de conciliation peut avoir eu lieu lors d’un entretien, par la remise de documents ou par la signature d’une proposition. A noter que la révision en cours du CPC prévoit de supprimer le préalable de conciliation (consid. 2.1).
En l’occurrence, la remise aux deux parents par l’autorité de protection de l’enfant d’un projet de convention basé sur les documents au dossier est considérée comme une tentative de conciliation suffisante (consid. 2.3).
Idem – revenu d’une activité lucrative indépendante. Rappel des principes (consid. 3.3.1).
Idem – frais de logement. Rappel de principes. S’agissant des frais de logements en propriété, il convient de prendre en compte les frais d’immeubles tels que les intérêts hypothécaires (sans amortissement), les taxes de droit public et la moyenne des frais d’entretien. Ces derniers sont établis de différentes manières selon les pratiques cantonales. L’utilisation de forfaits n’est pas contraire au principe de l’effectivité des frais, parce que l’obligation de payer des frais nécessaires remplit déjà une telle exigence, que la nécessité de frais d’entretien d’immeubles – notamment anciens – est notoire et qu’il ne peut pas être reproché aux propriétaires d’immeubles de ne pas pouvoir prouver les frais futurs (consid. 3.4.3.1).
TF 5A_404/2023 (i) du 13 juin 2023 - Couple non marié, autorité parentale. La modification de l’attribution de l’autorité parentale est soumise à deux conditions : des faits nouveaux importants et le bien de l’enfant pour lequel le changement est plus bénéfique que la continuité des conditions de vie actuelles.
TF 5A_174/2022 (f) du 29 juin 2023 - Couple non marié, autorité parentale, garde d’enfants. Rappel des principes en matière d’attribution de l’autorité parentale exclusive (art. 298d al. 1 CC), notamment celui selon lequel les conditions ne sont pas les mêmes que pour le retrait de l’autorité parentale fondé sur l’art. 311 CC. La dérogation au principe de l’autorité parentale conjointe ne nécessite effectivement pas un degré de gravité de mise en danger du bien de l’enfant aussi important que lors d’un retrait selon l’art. 311 CC. Rappel des principes en matière d’attribution de la garde de fait.
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