Droit matrimonial - Newsletter novembre 2023
Editée par Bohnet F., Burgat S., Davy C., Hotz S., Saul M., avec la participation de Meli M.
Editée par Bohnet F., Burgat S., Davy C., Hotz S., Saul M., avec la participation de Meli M.
Mariage; autorité parentale; protection de l’enfant; entretien; procédure; art. 4 al. 1 et 2, 7 et 9 al. 1 LAS
Aide cantonale financière au placement – compétence. Dans les relations intracantonales, le droit cantonal détermine la collectivité publique compétente en matière d’aide sociale, mais c’est la loi fédérale sur la compétence en matière d’assistance (LAS) qui détermine le domicile et le lieu de séjour (art. 4 al. 2 LAS) (consid. 5.2.1). Une personne qui change de canton de résidence (art. 4 al. 1 LAS) perd le domicile d’assistance dans ledit canton (art. 9 al. 1 LAS) (consid. 5.2.2). Le domicile d’assistance des enfants mineur·es est réglementé par l’art. 7 LAS (consid. 5.2.3). Dans les cas où l’enfant est placé·e durablement (consid. 5.2.3.2) – volontairement ou sur décision d’une autorité – mais que l’autorité parentale n’a pas été retirée aux parents, c’est l’art. 7 al. 3 let. c LAS qui s’applique. Il prévoit que le domicile d’assistance de l’enfant est celui où il ou elle vivait ou avait son domicile avec ses parents (ou l’un d’eux) immédiatement avant le placement. Le domicile d’assistance ainsi défini reste le même durant toute la durée du placement, même si les parents (ou le parent gardien) changent de domicile en cours de placement. S’il n’y a pas de « dernier domicile commun », le propre domicile d’assistance de l’enfant est celui de son lieu de séjour (consid. 5.2.3.1). Distinction entre placement durable et placement temporaire. Peuvent notamment être considérés comme des placements durables justifiant l’application de l’art. 7 al. 3 let. c LAS ceux qui sont effectués pour une durée indéterminée ou pour plus de 6 mois et dans le cadre desquels les parents ne s’occupent pas sérieusement de leurs enfants ou n’exercent concrètement pas l’autorité parentale. Un des critères de distinction entre séjour externe durable ou temporaire est le but dudit séjour ; les mesures de protection de l’enfant tendent effectivement à plaider pour un placement durable alors que les mesures thérapeutiques ou d’évaluation pour un placement temporaire (consid. 5.2.3.2). La durée effective du placement n’est pas déterminante ; seul est pertinent ce qui était envisagé au début du placement, à savoir si on pouvait s’attendre à ce qu’il soit durable ou si l’on envisageait uniquement une solution temporaire (consid. 5.2.3.2 et 7.2). Même après un placement à titre préventif, un·e enfant n’est en principe considéré·e comme « durablement absent·e du foyer de ses parents ou de l’un d’eux » qu’à partir de la décision définitive avant le prononcé de laquelle des clarifications, notamment une expertise, étaient encore nécessaires. C’est uniquement si aucune autre clarification n’était nécessaire au moment du retrait superprovisionnel du droit de déterminer le lieu de résidence, respectivement du placement préventif, que le caractère durable peut être admis dès le début (consid. 7.2). En l’occurrence, une expertise a été ordonnée en parallèle du placement à titre superprovisoire, afin de clarifier l’état de fait avant qu’une décision définitive soit rendue sur ledit placement ; à cet égard, le placement ne pouvait être considéré comme durable que le jour où il a été ordonné de manière définitive (consid. 7.3). |
TF 9C_567/2022 (f) du 25 septembre 2023 - Mariage, entretien, revenu hypothétique. Prise en compte d’un devoir d’entretien, respectivement d’un revenu hypothétique, du ou de la conjoint·e dans les revenus de la situation financière de la partie requérante de prestations complémentaires.
Mesures protectrices; garde des enfants; entretien; revenu hypothétique; art. 176 al. 1 ch. 1 CC
Entretien d’enfants mineur·es (art. 176 al. 1 ch. 1 CC) – revenu hypothétique des parents. Rappel de principes (consid. 4 et 4.1).
Idem – taux d’activité exigible du parent gardien. Rappel de principes (consid. 4.2).
Selon l’application stricte des lignes directrices sur les paliers, il peut être attendu d’un parent exerçant une garde alternée qu’il travaille à un taux de 75% – et non de 50% – lorsque l’enfant entre à l’école obligatoire. Dans un tel cas, retenir un revenu hypothétique pour un taux d’activité à 80% n’est pas nécessairement arbitraire, compte tenu du fait que les autorités cantonales peuvent s’écarter de ces principes en fonction des circonstances concrètes (consid. 5).
TF 5A_391/2023 (f) du 7 août 2023 - Mesures protectrices, procédure, mesures provisionnelles. Rappels et application au cas d’espèce de principes en matière de violation du droit d’être entendu·e s’agissant de la possibilité de se prononcer sur des nouvelles pièces au dossier sur lesquelles la décision se fonde. En l’espèce, violation admise, annulation de la décision et renvoi de la cause à l’instance inférieure.
Divorce; audition d’enfant; droit de visite; protection de l’enfant; entretien; procédure; mesures provisionnelles; art. 29 al. 1 et 2 Cst.; 52, 256 al. 1, 273 al. 1, 276, 296, 297 al. 1, 298, 316 al. 3 CPC; 179 al. 1, 273, 274, 307 al. 1, 308 et 314a CC; LOJ/GE
Récusation. Application de règles d’organisation judiciaire genevoise (LOJ/GE) dans le cadre d’une procédure de récusation d’une juge (consid.5.2).
Déni de justice. Rappel de principes relatifs au déni de justice (art. 29 al. 1 Cst.) et à la violation du droit d’être entendu·e (art. 29 al. 2 Cst.) (consid. 6.2.1 et 6.2.2).
Tenue d’audiences. Rappel de principes, en particulier du fait qu’il peut être renoncé aux débats en procédure sommaire (art. 256 al. 1 CPC), mais que l’autorité judiciaire ne peut y renoncer dans le cadre de mesures provisionnelles de divorce que si l’état de fait est clair ou incontesté (art. 273 al. 1 par renvoi de l’art. 276 al. 1 CPC) ; l’autorité judiciaire doit entendre les parents personnellement pour régler le sort des enfants (art. 297 al. 1 CPC) (consid. 8.1). Une partie ne peut toutefois pas se prévaloir de ces règles lorsque toutes les parties ont déjà eu maintes occasions de s’exprimer par oral durant la procédure et qu’elle n’a pas immédiatement réagi à un courrier du Tribunal annonçant que la cause était gardée à juger (consid. 8.5), signifiant ainsi la clôture des débats et le début des délibérations (consid. 8.4).
Maximes applicables aux procédures relatives à des enfants. Rappel de principes relatifs aux maximes inquisitoire et d’office prévues par l’art. 296 CPC qui s’étendent à la procédure d’appel (art. 316 al. 3 CPC), mais qui ne confèrent pas aux parties un droit à la réouverture de la procédure probatoire et à l’administration des preuves. En effet, même lorsque la maxime inquisitoire s’applique, l’autorité d’appel peut renoncer à procéder à des mesures d’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu’elles ne pourraient pas l’amener à modifier son opinion (consid. 9.3).
Modification des mesures provisionnelles en procédure de divorce – rappel de principes. Les règles en matière de modification des mesures protectrices de l’union conjugale (art. 179 al. 1 CC et 276 CPC) s’appliquent par analogie aux mesures provisionnelles en procédure de divorce (consid. 10.2.1).
Audition d’enfant – rappel de principes. Possibilité offerte à l’autorité judiciaire de faire auditionner l’enfant par une tierce personne nommée à cet effet, et ce, à la fois en vertu de l’art. 314a CC et de l’art. 298 CPC, cette dernière disposition pouvant être respectée par la seule audition de l’enfant dans le cadre d’une expertise (consid. 12.2).
Droit de visite – rappel de principes. Le droit aux relations personnelles parent-enfant (art. 273 et 274 CC) sert avant tout les intérêts de l’enfant ; une éventuelle responsabilité dans l’absence ou la défaillance des relations personnelles du parent non gardien n’est pas nécessairement déterminante (consid. 12.3).
Divorce; entretien; revenu hypothétique; art. 125 CC
Entretien entre ex-conjoint·es (art. 125 CC). Rappel de principes et notamment de la primauté de l’indépendance financière sur le droit à l’entretien post-divorce (consid. 3.3.1).
Idem – revenu hypothétique. Rappel de principes (consid. 3.3.2).
Idem – importance et exigences d’une expertise médicale. En matière de droit de la famille, l’état de santé doit s’analyser indépendamment d’éventuels droits envers l’assurance-invalidité. Une incapacité de travail durable, attestée par des certificats médicaux ayant une force probante suffisante au vu de leur contenu (et non de leur origine ou de leur désignation) qui décrivent clairement des interférences médicales et rapportent des conclusions motivées, peut suffire à admettre que l’intéressé·e ne peut effectivement pas trouver d’emploi, et ce, indépendamment d’éventuels droits envers l’assurance-invalidité. Une simple attestation médicale sans explications a peu de force probante. Dans l’appréciation des preuves, il convient par ailleurs de tenir compte du fait qu’un·e médecin traitant·e peut avoir un biais envers son/sa patient·e en raison de la relation de confiance (consid. 3.3.3).
Idem – limite dans le temps. La contribution d’entretien ne doit en principe être versée que pendant le temps nécessaire à la partie crédirentière pour qu’elle retrouve son autonomie financière, y compris du point de vue de la prévoyance vieillesse (consid. 4.4). Pour fixer la durée de la contribution d’entretien post-divorce, l’autorité judiciaire tient compte des critères énumérés à l’art. 125 al. 2 CC. Elle est en pratique fixée jusqu’au jour où la partie débirentière atteint l’âge de la retraite, mais il n’est pas exclu d’allouer une rente sans limitation de durée. Le simple fait que la partie crédirentière atteigne l’âge de la retraite ne justifie pas nécessairement la réduction du train de vie, tant que la partie débirentière est encore active professionnellement (consid. 4.1).
Divorce; entretien; revenu hypothétique; procédure; art. 151, 296 al. 1 et 301a let. c CPC; 133 al. 1 ch. 4 et 287a let. c CC
Procédure. Rappel de principes au sujet des faits notoires (art. 151 CPC) ; rappel du principe selon lequel un treizième salaire ou une gratification correspondante ne sont pas des faits notoires (consid. 3.5.2).
In casu, dans la mesure où le dossier contenait des informations contradictoires à ce sujet et en application de la maxime inquisitoire (art. 296 al. 1 CPC), l’autorité judiciaire aurait dû clarifier l’état de fait quant au droit ou non de la débitrice d’aliments à un treizième salaire, l’obligation de collaborer de cette dernière n’y changeant rien (consid. 3.5.2).
Entretien d’enfant (art. 133 al. 1 ch. 4 CC) – revenu hypothétique. Rappel de principes (consid. 3.5.1).
Idem – entretien convenable. Rappel de principes. Si, en raison de la capacité contributive limitée du parent débiteur d’aliment, il n’est pas possible de couvrir la totalité de l’entretien convenable, le montant manquant doit être mentionné dans la convention d’entretien ou dans le jugement (art. 287a let. c CC et 301a let. c CPC). La loi est toutefois muette sur le montant à indiquer lorsque le parent qui assure la garde principale contribue également à l’entretien en espèces (consid. 4.4).
Il n’est pas contraire au droit fédéral d’exclure les frais de garde des tiers afin d’éviter une atteinte au minimum vital de la partie débitrice d’aliments ; le fait que cette dernière puisse contribuer dans une mesure différente à l’entretien des autres enfants plus âgés n’y change rien (consid. 4.4).
Il n’est pas non plus contraire au droit fédéral de n’intégrer que pour moitié les besoins d’entretien d’autres enfants plus jeunes issus d’une relation subséquente, même s’il n’est pas possible au moment de la décision de déterminer dans quelle mesure le parent gardien de ces autres enfants devra contribuer à leur entretien en espèces et qu’une fois cette information connue une action en modification pourrait être nécessaire (consid. 4.4).
Modification de jugement de divorce; protection de l’enfant; art. 314 al. 1 et 423 al. 1 ch. 2 CC
Libération du curateur ou de la curatrice de l’enfant pour justes motifs (art. 423 al. 1 ch. 2 CC par renvoi de l’art. 314 al. 1 CC). Un changement de curateur ou de curatrice repose sur un juste motif au sens de l’art. 423 al. 1 ch. 2 CC lorsque le rapport de confiance entre le/la mandataire, l’enfant, ses parents ou l’autorité est atteint. Cela peut notamment découler d’actes du curateur ou de la curatrice qui viole ses devoirs légaux, dépasse ses pouvoirs et/ou ne respecte pas la personnalité des personnes impliquées, mais aussi de certains conflits ou d’autres perturbations insurmontables de la relation entre le/la mandataire et l’enfant et/ou les parents. Il convient toutefois de faire preuve de prudence concernant les difficultés relationnelles, puisqu’elles trouvent souvent leur origine non pas dans la personne du curateur ou de la curatrice mais dans le fait qu’il ou elle est imposé·e dans la situation par l’autorité (consid. 3.1).
TF 5A_432/2023 (f) du 5 octobre 2023 - Modification de jugement de divorce, entretien, procédure. Rappels détaillés des principes en matière d’octroi d’assistance judiciaire et en particulier en ce qui concerne les chances de succès. En l’occurrence, il n’est pas arbitraire de retenir l’absence de chances de succès et la suppression de l’assistance judiciaire initialement octroyée lorsqu’un père, qui a demandé une modification du jugement de divorce en raison de son chômage puis de son recours à l’aide sociale, a en cours de procédure retrouvé un emploi mieux rémunéré que ce qui avait été retenu dans le jugement de divorce.
Couple non marié; entretien; procédure; Normes CSIAS 01/21 D.4.4 al. 1, 2 et 3
Notion de concubinage dans le cadre des règles de droit public applicables en matière d’aide sociale – rappel de principes. Selon la présomption – réfutable – des normes CSIAS, dont les principes sont reconnus par la jurisprudence fédérale (consid. 4.3.2), en matière d’aide sociale, un concubinage est considéré comme stable lorsque les concubin·es cohabitent depuis au moins deux ans ou lorsqu’ils ou elles vivent ensemble depuis moins longtemps et ont un·e enfant en commun (normes CSIAS 01/21 D.4.4 al. 2) (consid. 4.3.1).
« Contribution de concubinage » dans le cadre des règles de droit public applicables en matière d’aide sociale – rappel de principes. En application des normes CSIAS (01/21 D.4.4 al. 1 et 3) et de la jurisprudence du Tribunal fédéral, il est admissible de tenir compte d’une contribution de concubinage dans le calcul des besoins d’une personne bénéficiaire de l’aide sociale lorsqu’elle vit dans une relation de concubinage stable avec une personne non bénéficiaire, et ce, nonobstant l’absence de devoir légal et réciproque d’entretien entre concubin·es (consid. 4.3.1, 4.3.2 et 5.2.2). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il existe des pratiques divergentes entre les cantons sur la prise en compte des ressources du ou de la concubin·e et il n’est pas exclu de traiter des concubin·es avec enfant(s) en commun de la même manière que des personnes mariées (consid. 4.3.2). Il n’est alors pas arbitraire de prendre la totalité de l’excédent – sur budget CSIAS élargi – de la personne concubine non bénéficiaire d’aide sociale à titre de contribution de concubinage, respectivement de revenu de la personne bénéficiaire (consid. 5.2.2).
Couple non marié; DIP; autorité parentale; garde des enfants; procédure; art. 15 ch. 1 CLaH96; 79 et 83 LDIP; 296 al. 2, 298a al.1, 298b al. 2, 298d al. 1 et 311 CC
Droit international privé – Perpetuatio fori. Application au cas d’espèce du principe de la perpetuatio fori en droit international privé (consid. 1.1).
Idem – compétence en matière de contributions d’entretien. Rappel de la précision jurisprudentielle relative à l’art. 79 LDIP selon laquelle l’autorité judiciaire suisse ne peut admettre sa compétence en matière de contributions d’entretien que si l’enfant a sa résidence habituelle en Suisse au moment du dépôt de la demande (consid. 1.2).
Idem – droit applicable. Rappel de principes en matière de droit applicable en présence d’élément(s) d’extranéité au sujet des questions d’entretien d’enfants (art. 83 LDIP) ou de droits parentaux (art. 15 ch. 1 CLaH96) (consid. 1.3).
Autorité parentale (art. 296 al. 2, 298a al. 1, 298b al. 2 et 298d al. 1 CC) – attribution exceptionnelle à un seul parent. Rappel de principes. Les conditions pour l’instauration de l’autorité parentale exclusive ne sont pas les mêmes que pour le retrait de l’autorité parentale fondé sur l’art. 311 CC. Celui-ci présuppose une menace pour le bien de l’enfant ; alors que l’attribution exclusive de l’autorité parentale, laquelle doit rester exceptionnelle et limitée, n’exige pas le même niveau de gravité. La distance géographique n’est en soi pas suffisante pour déroger au principe de l’autorité parentale conjointe. L’incapacité, voire le défaut de volonté de favoriser la relation avec l’autre parent ou les compétences éducatives de l’autre parent ne sont pas des critères permettant de juger de l’attribution de l’autorité parentale ; ce sont des critères à appréhender dans le cadre de l’attribution de la garde. C’est principalement l’existence d’un conflit important et durable et/ou une incapacité durable de communiquer entre les parents au sujet de l’enfant qui justifieraient l’attribution exclusive de l’autorité parentale à un seul parent. Le ou la juge du fait dispose d’un large pouvoir d’appréciation que le Tribunal fédéral revoit avec retenue (consid. 3.1).
Garde des enfants – attribution. Rappel de principes (consid. 4.1).
Couple non marié; autorité parentale; protection de l’enfant; art. 5 et 23 par. 4 CDPH; 8 al. 2 Cst.; 310 al. 1 CC
Placement d’enfant(s) (art. 310 al. 1 CC) – rappel de principes. La cause du retrait au(x) parent(s) du doit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant repose sur le fait que le bon développement de l’enfant est mis en danger tant que le(s) parent(s) détenteur(s) de l’autorité parentale déterminent sa garde, respectivement son encadrement ; le retrait n’est envisageable que si d’autres mesures sont vouées à l’échec ou apparaissent d’emblée insuffisantes au vu de la pesée des intérêts opérée par les autorités cantonales, que le Tribunal fédéral revoit avec retenue (consid. 4.2).
Parents handicapés – interdiction de discrimination (art. 5 CDPH et 8 al. 2 Cst.). Notions de personnes handicapées et de « handicap » (consid. 5.1.2).
Rappel de principes et en particulier rappel de l’interdiction de discrimination du fait notamment d’une déficience corporelle, mentale ou psychique et rappel du fait que distinguer ne signifie pas nécessairement discriminer (consid. 5.1.1).
L’art. 5 CDPH n’a pas de portée plus large que l’art. 8 al. 2 Cst. (consid. 5.1.2).
En l’occurrence, la mère souffrant d’une pathologie – qu’elle qualifie de handicap – s’est vu privée du droit de déterminer le lieu de résidence de son enfant en raison de son état de santé insuffisamment stable pour garantir l’absence de phases de décompensation mettant en danger l’enfant. Selon le Tribunal fédéral, il ne s’agit pas d’une discrimination dès lors qu’une personne ne souffrant d’aucun handicap mais représentant un danger équivalant pour son enfant pour un autre motif aurait été soumise à des mesures identiques (consid. 5.2).
Un·e enfant ne doit en aucun cas être séparé·e de ses parents en raison de son handicap ou du handicap de l’un ou des deux parent(s) (art. 23 par. 4 CDPH). Néanmoins, sous réserve d’un contrôle juridictionnel et conformément au droit et aux procédures applicables, les autorités compétentes peuvent imposer une séparation, lorsque celle-ci est nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant (consid. 5.2).
Couple non marié; autorité parentale; procédure; art. 62 al. 1, 63 et 198 let. bbis CPC; 298b al. 2 et 3 et 298d al. 3 CC
Attraction de compétence de l’autorité judiciaire (art. 298b al. 3 et 298d al. 3 CC). Rappel de principes, notamment en ce qui concerne la conciliation préalable en procédure judiciaire et l’exception de la saisine préalable de l’APEA (consid. 4.3.1).
Rappel de la délimitation des compétences entre l’APEA et le ou la juge civil·e (consid. 4.3.2).
Rappel du principe selon lequel l’autorité de protection de l’enfant mène à terme les procédures qui sont pendantes devant elle au moment de l’introduction d’une procédure judiciaire. Selon le texte de la loi, l’attraction de compétence auprès de l’autorité judiciaire n’a pas lieu dès le dépôt d’une requête de conciliation, mais seulement au moment du dépôt de la demande (consid. 4.3.2).
Suppression de la procédure de conciliation (art. 198 let. bbis CPC). Le dépôt d’une requête de conciliation rend l’objet du litige juridiquement pendant (art. 62 al. 1 CPC) aux conditions de l’art. 63 CPC, et ce, même si la procédure de conciliation est supprimée par la loi et que, par conséquent, il ne faut pas entrer en matière sur la requête de conciliation (consid. 4.3.4).
Il n’est pas possible de déduire de l’art. 198 let. bbis CPC si, et cas échéant à quelles conditions, la litispendance du litige relatif à l’entretien résultant du dépôt d’une requête de conciliation rend caduque la compétence de l’autorité de protection de l’enfant pour régler les autres questions relatives aux enfants (consid. 4.3.4).
Dans un cas où une procédure est pendante devant l’autorité de protection de l’enfant au sujet de l’autorité parentale et d’autres questions concernant l’enfant, mais pas au sujet de l’entretien, la compétence de ladite autorité ne disparaît qu’avec le dépôt de la demande auprès du tribunal civil (consid. 4.3.5).
Le Tribunal fédéral laisse en l’occurrence ouverte la question de savoir si la partie recourante devait saisir l’autorité de conciliation ou directement le tribunal civil, en raison du fait que l’APEA avait été saisie au préalable, mais uniquement pour d’autres questions que celles relatives à l’entretien de l’enfant (consid. 4.3.5).
Autorité parentale – attribution exclusive (art. 298b al. 2 CC). Rappel de principes au sujet de l’autorité parentale conjointe et de l’autorité parentale exclusive, laquelle doit rester une exception très limitée. Une telle exception est envisageable lorsque les parents sont en conflit permanent grave ou sont durablement incapables de communiquer. Il faut aussi que leur conflit porte concrètement atteinte au bien de l’enfant et que l’autorité parentale exclusive ait des chances d’améliorer la situation. A noter toutefois que cette condition d’amélioration de la situation ne peut pas être utilisée pour justifier le passage d’une autorité parentale conjointe à une autorité parentale exclusive. Elle justifie uniquement le maintien d’une autorité parentale exclusive en dérogation au principe de l’autorité parentale conjointe, et ce, sur la base d’un pronostic défavorable sur l’évolution de la relation parentale, lui-même fondé sur des indices concrets qui font craindre une atteinte importante au bien de l’enfant (consid. 5.1).
Avocat spécialiste FSA droit du bail, LL.M., Dr en droit, Professeur à l'Université de Neuchâtel
Couple non marié; protection de l’enfant; art. 123 et 219 CP
Violation du devoir d’assistance et d’éducation (art. 219 CP) – rappel de principes. La condition préalable à la commission de l’infraction est l’existence d’un devoir d’assistance ou d’éducation (position de garant), à savoir le devoir d’assurer le développement de la personne mineure sur les plans corporel, spirituel et psychique. Ce devoir – notamment en ce qui concerne l’éducation – doit être fondé sur une relation d’une certaine durée qui peut découler de la loi, d’une décision, d’un contrat ou d’une situation de fait. Même si les parents ne vivent pas avec l’enfant, cette obligation d’assistance et d’éducation subsiste. Les actes reprochés doivent concrètement mettre en danger le développement physique ou psychique de l’enfant. Ce qui signifie que la mise en danger doit être vraisemblable au vu des circonstances (consid. 3.1.2).
Il est en pratique difficile de distinguer les atteintes relevant d’une violation de l’art. 219 CP des traumatismes qui font partie de la vie de tout enfant. Raison pour laquelle cette disposition pénale doit être interprétée de manière restrictive et être limitée aux cas manifestes. Il faudra normalement que l’auteur agisse de façon répétée ou viole durablement son devoir de sorte que des séquelles durables, d’ordre physique ou psychique, apparaissent vraisemblables chez l’enfant (consid. 3.1.3).
En l’occurrence, les parents ont fondé l’éducation de leurs enfants sur des punitions violentes ou archaïques ; ils ont dépassé ce qui est admissible et ne peuvent ainsi pas se prévaloir d’un éventuel droit de correction. Ils n’ont toutefois pas été jugés coupables de violation du devoir d’assistance et d’éducation, car aucun lien n’a été établi entre les troubles connus des enfants et les punitions imposées par les parents (consid. 3.3).
L’infraction de violation du devoir d’assistance et d’éducation (art. 219 CP) n’absorbant pas celle de lésions corporelles simples (art. 123 CP), il est possible de retenir la commission des deux infractions en parallèle pour le même état de fait (concours idéal parfait) (consid. 4.1.2).
Couple non marié; protection de l’enfant; art. 219 CP
Violation du devoir d’assistance et d’éducation (art. 219 CP) – rappel de principes. Rappel de principes relatifs à la position de garant. Infraction de mise en danger concrète du développement de l’enfant mineur·e pouvant être perpétrée par intention (dol éventuel y compris) ou par négligence. Le danger de séquelles durables doit apparaître vraisemblable dans le cas concret, l’auteur devant normalement agir de façon répétée, violant durablement son devoir d’assistance et d’éducation. Il n’est toutefois pas exclu qu’un seul acte grave suffise (consid. 1.2).
En l’occurrence, un père qui a exposé et impliqué ses enfants de manière répétée au conflit parental en les forçant à être entendu·es à de nombreuses reprises par les autorités, les positionnant ainsi dans un grave conflit de loyauté et les exposant à un risque d’aliénation parentale, par ses comportements obtus, voire obsessionnels, met en danger le bon développement de ses enfants et se rend coupable d’une violation de l’art. 219 CP (consid. 1.4).
Couple non marié; entretien; procédure; art. 29 al. 2 Cst.; 163 ss, 276, 277 al. 2 et 285 al. 1 CC
Droit d’être entendu·e (art. 29 al. 2 Cst.). Rappel de principes, notamment en ce qui concerne le droit restreint d’être interpellé·e sur des questions juridiques (consid. 3.1). La question de la prise en compte des impôts (à la source) dans le cadre du calcul de la contribution d’entretien est une question de droit dont le recourant pouvait imaginer la pertinence ; le défaut d’interpellation à ce sujet n’est donc pas constitutif d’une violation du droit d’être entendu·e (consid. 3.2).
Entretien d’enfants (art. 276 et 285 al. 1 CC) – charge fiscale. Rappel de principes sur la prise en compte de la charge fiscale dans les calculs de contributions d’entretien. Une telle charge est uniquement retenue lorsque les conditions financières sont favorables, sauf s’il s’agit d’une partie débirentière imposée à la source (consid. 4.2).
Idem – frais d’entretien en faveur d’autres personnes à charge. Rappel du principe selon lequel on doit laisser au parent débirentier ce qui correspond à son propre minimum vital, et non celui de sa seconde famille. Ainsi, les frais d’entretien des enfants vivant dans le ménage commun, ceux en faveur d’enfants né·es d’un autre lit et vivant dans un autre ménage, ceux en faveur d’un·e enfant majeur·e (art. 277 al. 2 CC) ou ceux en faveur du nouveau conjoint ou d’une nouvelle conjointe (art. 163 ss CC) ne doivent pas être ajoutés à son minimum vital (consid. 5.3).
Idem – partage du disponible du parent débirentier en présence d’enfants de lits différents. Rappel du principe selon lequel le disponible du parent débiteur d’entretien doit être partagé selon le principe de l’égalité de traitement entre tou·tes les enfants mineur·es, en tenant compte de leurs besoins respectifs et de la capacité contributive de l’autre parent, ce qui n’exclut pas d’emblée l’allocation de montants distincts. Si ce disponible ne suffit pas à couvrir les besoins de tou·tes les enfants, le manco doit être réparti entre tou·tes les enfants, respectivement entre toutes les familles concernées. Si en conséquence une contribution d’entretien fixée préalablement apparaît supérieure aux capacités financières du parent débiteur d’aliments, celui-ci devra ouvrir action en modification. Une telle action n’est en revanche pas ouverte s’il s’avère que ses capacités financières lui permettent tout de même d’assurer une contribution d’entretien fixée à un montant supérieur que ce que le nouveau calcul prévoit. Un·e enfant non-partie à la procédure mais qui constate qu’il/elle est défavorisé·e dans la fixation de sa propre contribution d’entretien peut en requérir la modification en vertu du principe de l’égalité de traitement entre enfants mineur·es (consid. 5.3).
En l’occurrence, la cause a été renvoyée à l’instance inférieure pour qu’elle détermine les besoins objectifs d’un autre enfant mineur, non-partie à la procédure, compte tenu de la capacité contributive de la mère (crédirentière) de cet enfant, le montant de la contribution d’entretien arrêtée par la justice française n’étant pas suffisant (consid. 5.4).
Couple non marié; entretien; revenu hypothétique; procédure; art. 160, 164 et 296 al. 1 CPC; 276 et 285 CC
Procédure – devoir de collaborer (art. 160 CPC). Rappel de principes en matière de maxime inquisitoire illimitée (art. 296 al. 1 CPC), notamment le fait qu’elle n’exclut pas une appréciation anticipée des preuves et qu’elle doit être relativisée par le devoir de collaborer (art. 160 CPC) (consid. 3.3.3).
En l’occurrence, dès lors que l’absence de collaboration avait été constatée en première instance et qu’en conséquence un revenu hypothétique avait été imputé au recourant, celui-ci – malgré l’application de la maxime inquisitoire illimitée – aurait dû soumettre en appel des preuves suffisantes sur l’incapacité de travail qu’il faisait valoir pour contester le revenu hypothétique, étant précisé que la valeur probante d’un certificat médical dépend de son contenu, lequel était en l’espèce insuffisant (consid. 3.4).
L’art. 164 CPC ne prescrit pas qu’en réponse au refus de collaborer d’une partie, l’autorité judiciaire doive purement et simplement conclure à l’exactitude des faits allégués par la partie adverse, le refus de collaborer constituant uniquement une circonstance qui influe parmi d’autres sur l’appréciation des preuves. Il n’est toutefois pas exclu que le refus de collaborer amène à convaincre l’autorité judiciaire de la fausseté des allégations de la partie non collaborante et à ainsi retenir les allégations de l’autre partie, sans qu’il soit pour autant question d’un quelconque renversement du fardeau de la preuve (consid. 5.4).
Entretien d’enfants mineur·es (art. 276 et 285 CC) – capacité contributive des parents.
Rappels de principes, notamment en ce qui concerne l’exigence accrue d’épuisement de la capacité maximale de travail de parents dont la situation financière est modeste et en ce qui concerne la prise en compte d’un revenu hypothétique (consid. 5.1). Il est notoire que l’indigence est une condition d’octroi de l’aide sociale (consid. 5.4). Néanmoins, le fait qu’un parent débirentier bénéficie actuellement d’un revenu d’insertion ne dispense pas l’autorité judiciaire d’examiner si l’on peut lui imputer un revenu hypothétique. En effet, en droit de la famille, une partie débirentière peut se voir imputer un revenu basé sur une profession qu’elle n’aurait pas eu à accepter selon les règles prévalant en matière d’assurances sociales. L’octroi d’un tel revenu sur plusieurs années est tout au plus un indice permettant de retenir en fait qu’une personne a entrepris tout ce qu’on pouvait raisonnablement exiger d’elle pour éviter de se retrouver sans revenus (consid. 5.1).
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