Droit matrimonial - Newsletter septembre 2013
Editée par Bohnet F., Christinat R., Guillod O.
Editée par Bohnet F., Christinat R., Guillod O.
Entretien ; dette alimentaire ; procédure applicable ; art. 329 al. 3 CC
La demande d'aliments déposée par une personne majeure est soumise aux règles ordinaires de procédure. Elle est régie par la procédure ordinaire lorsque la valeur litigieuse dépasse CHF 30 000.- (consid. 3.4-3.5).
Avocat spécialiste FSA droit du bail, LL.M., Dr en droit, Professeur à l'Université de Neuchâtel
Mesures protectrices ; attribution du domicile conjugal ; art. 176 al. 2 CC
Critère du lien affectif au logement conjugal. L’attribution du logement conjugal en mesures protectrices requiert une pesée des intérêts de chaque époux. Lorsque les enfants du couple sont majeurs et ont quitté le logement, il convient d’examiner les autres circonstances. Il n’est pas arbitraire de qualifier de faible l’attachement affectif de l’épouse au logement, bien qu’elle se soit investie durant les travaux de construction et ait noué de bons rapports de voisinage. Comme les époux occupaient ce logement depuis environ trois ans, l’attachement de l’épouse n’est pas comparable à celui existant après l’occupation d’un lieu de vie durant vingt ans, dans lequel les époux ont construit la majeure partie de leur vie familiale (consid. 3.2).
Critère subsidiaire de la propriété du logement. En cas de situation d’impasse, soit lorsqu’aucun époux n’invoque d’intérêt prépondérant valable à l’attribution du logement conjugal, la prise en considération du droit de propriété n’est pas arbitraire pour attribuer le logement (consid. 3.3).
Mesures protectrices ; droit de visite, entretien ; art. 179 CC
Influence du déménagement de l’enfant sur la contribution d’entretien. Le fait qu’un enfant (âgé de 14 ans) qui vivait d’abord avec sa mère, titulaire du droit de garde selon une ordonnance de mesures protectrices, vive désormais (depuis plus de 2 ans) chez son père qui avait été condamné à lui verser des contributions d’entretien, exige de modifier lesdites mesures. Le père ne doit plus payer des contributions d’entretien à l’enfant, puisqu’il pourvoit désormais directement à ses besoins, et le droit de garde doit lui être transféré. Ces modifications doivent intervenir dès le déménagement de l’enfant. Le fait que le père ait éloigné l’enfant de sa mère et se soit opposé au retour chez celle-ci n’y change rien (consid. 6.2).
Mesures protectrices ; entretien ; art. 179, 285 CC
Estimation du rendement de la fortune. L’autorité qui admet un rendement de la fortune de 3% en retenant le produit des dividendes d’actions et des revenus de la fortune immobilière d’une partie ne sombre pas dans l’arbitraire (consid. 4.2).
Prise en compte de la fortune pour la fixation des contributions d’entretien. La fortune des époux intervient dans l’estimation de leur capacité économique pour fixer des contributions d’entretien que si leurs revenus ne couvrent pas le minimum vital de la famille. Dans le cas inverse, seul le rendement de la fortune est pris en compte, en tant que revenus (consid. 6.3).
Absence de méthode légale de calcul des contributions d’entretien dues en faveur des enfants. L’art. 285 al. 1 CC mentionne uniquement que l’entretien des enfants doit tenir compte d’une part des besoins des enfants et, d’autre part, de la situation et des ressources des parents, sans déterminer de méthode de calcul. La partie qui reproche le choix d’une méthode par l’autorité inférieure doit en démontrer le caractère arbitraire (consid. 7.2.1).
Effet d’une diminution des revenus du débirentier. En cas de diminution drastique des revenus du débirentier, l’épouse ne peut pas prétendre au maintien de son niveau de vie antérieur ou à un train de vie supérieur à celui de son époux. Si elle refuse de réduire ses exigences, elle doit reprendre ou augmenter son activité lucrative (consid. 7.2.3).
Mesures protectrices ; procédure ; art. 29 al. 2, 30 al. 1 Cst. ; 6 § 1 CEDH
Droit d’être entendu. L’art. 29 al. 2 Cst. ne confère pas le droit d’être entendu oralement, de sorte que le juge respecte ce droit si chaque partie a pu se déterminer par écrit sur les prétentions de l’autre. En outre, les mesures protectrices de l’union conjugale sont soumises à la procédure sommaire. Le degré de preuve se limitant à la simple vraisemblance, l’instruction est restreinte et l’autorité peut clore cette phase dès qu’elle détient les preuves susceptibles d’asseoir sa conviction sur la vraisemblance ; le droit d’être entendu ne commande pas d’instruction complète. Le recourant qui invoque une appréciation anticipée des preuves ayant conduit le juge à refuser une mesure probatoire doit développer ce grief (consid. 4.2).
Partialité du juge. Un juge qui prend plusieurs mois pour rendre des mesures protectrices n’est pas coupable de partialité si sa décision requérait une instruction et s’il a permis à chaque partie de se déterminer sur les prétentions de l’autre. Il en va de même si le juge a prononcé des mesures superprovisionnelles et a rendu sa décision de mesures protectrices plusieurs mois après. Au surplus, un juge qui n’accorde pas les mesures protectrices demandées par un époux dans plusieurs requêtes n’est pas partial. D’ailleurs, une décision arbitraire ne suffit pas pour taxer un juge de partialité (consid. 4.1 et 4.3).
Mesures protectrices ; avis au débiteur ; art. 177 CC
Principes de l’avis au débiteur (art. 177 CC). Un défaut caractérisé de paiement de contributions d’entretien conditionne l’avis au débiteur, qui constitue une mesure particulièrement incisive. Ainsi, un retard isolé de paiement ou une omission exceptionnelle ne suffisent pas. Les circonstances doivent démontrer que le débirentier ne paiera pas, ou seulement irrégulièrement, les contributions à l’avenir. Le crédirentier doit disposer d’un titre exécutoire. Le minimum vital du débirentier, qui doit être respecté, détermine la limite inférieure (consid. 2.3.2.1).
Cas de défaut de paiement caractérisé. Le fait que le débirentier verse l’intégralité des contributions qu’il doit, soit un total mensuel de CHF 5'000.-, à l’Office des poursuites suite à un avis de séquestre obtenu par une société créancière de l’épouse mentionnant que l’actif séquestré était porté à « toute somme supérieure à CHF 2'580.- [sic] par mois versée à titre de contribution d’entretien à Madame X » implique un défaut caractérisé de paiement pour la part dépassant CHF 2'580.-, soit CHF 2’ 420.- (consid. 2.4.3).
Proportionnalité. Le prononcé d’un avis au débiteur peut ternir la réputation du débirentier, de sorte qu’il convient d’apprécier cette circonstance en lien avec la situation des créanciers. Néanmoins, le seul risque que court la réputation du débirentier ne suffit pas à refuser la mesure. Une telle exception limiterait considérablement les possibilités d’ordonner l’avis au débiteur. Ainsi, l’autorité qui refuse une telle mesure en invoquant qu’elle nuirait de manière disproportionnée à l’image du débirentier, qui occupe un poste de travail important, verse dans l’arbitraire lorsque le défaut de paiement est caractérisé (consid. 3.2).
Divorce ; entretien ; revenu hypothétique ; art. 125 CC
Entretien après le divorce (art. 125 CC). Un mariage, dont deux enfants sont issus, qui dure dix-huit ans jusqu’à la séparation et vingt-quatre jusqu’au divorce a eu un impact sur la situation financière des époux et doit être qualifié de «lebensprägend» (consid. 3.3). Dans ce cas, savoir si un ex-époux peut prétendre à un entretien se détermine en trois étapes. Il faut d’abord évaluer le dernier train de vie commun du couple. Il convient ensuite de déterminer si chaque ex-époux peut assurer seul ce niveau de vie convenable. Dans la négative, il faut déterminer la capacité économique du débirentier et fixer une contribution d’entretien équitable (consid. 3.4).
Rappel et application des principes relatifs au revenu hypothétique. Un revenu hypothétique doit être pris en compte s’il est «zumutbar» et «möglich», deux conditions cumulatives. D’une part, il faut que l’on puisse raisonnablement exiger un effort supplémentaire de l’autre l’époux, en vue d’augmenter ses revenus. D’autre part, la reprise ou l’augmentation de l’activité lucrative doit être réalisable dans les faits (consid. 5.2). En l’occurrence, l’époux n’a pas démontré que son épouse était effectivement capable d’accroître ses revenus. Il ne peut pas se contenter de se référer aux statistiques sur les salaires d’un secteur d’activités (consid. 5.3).
Divorce ; entretien ; liquidation du régime matrimonial ; art. 125 al. 2 ch. 5, 209 al. 3 CC
Mise à contribution de la fortune des époux (art. 125 al. 2 ch. 5 CC). La fixation du montant et de la durée de la contribution d’entretien dépend notamment des revenus et de la fortune des époux. La fonction et la composition de leur fortune déterminent si le crédirentier ou le débirentier doivent mettre celle-ci à contribution. Rien ne s’oppose à l’utilisation de la fortune servant de prévoyance pour garantir la sécurité de l’entretien de l’époux à l’échéance de la contribution. On ne peut pas refuser de considérer une fortune sous prétexte qu’elle résulte d’un héritage ou qu’elle a été investie dans le logement de famille. L’égalité de traitement entre époux s’oppose à ne prendre en compte la fortune que d’un époux et pas de l’autre. Dans le cas d’espèce, le tribunal cantonal n’a pas violé le droit fédéral par son refus de prendre en compte la fortune des deux époux. Il a relevé que celle de l’époux se matérialisait entièrement dans le logement de famille et a admis que l’égalité de traitement entre conjoints s’opposait à la mise à contribution de la fortune de l’épouse pour assurer son entretien (consid. 2.1).
Répartition de la plus-value en cas de récompense (art. 209 al. 3 CC). L’art. 209 al. 3 CC concerne la plus-value conjoncturelle. Il ne s’applique donc pas lorsque la prise de valeur résulte de l’activité d’un époux ou d’un tiers (consid. 3.2). Le montant de la plus-value, voire de la moins-value, liée à la récompense s’apprécie au moment de la liquidation du régime matrimonial. Ainsi, la somme totale de la récompense dépend également de l’évolution du marché (consid. 3.3).
Divorce ; liquidation du régime matrimonial ; art. 200 al. 3, 206, 208, 209 CC
Présomption d’acquêts (art. 200 al. 3 CC) et récompense (art. 209 CC). Il est erroné de prétendre que l’art. 8 CC contraint l’époux alléguant une récompense en faveur des acquêts (art. 209 CC) à démontrer que les sommes investies dans des biens propres provenaient de la masse d’acquêts et qu’il écarterait ainsi la présomption de l’art. 200 al. 3 CC (consid. 3.3).
Fardeau de la preuve. La charge de la preuve d’une donation mixte pèse sur la partie qui l’invoque de la part de son ex-époux pour se prévaloir d’une réunion aux acquêts en raison d’aliénations de biens d’acquêts opérées durant le régime matrimonial avec la volonté de compromettre la participation de son conjoint (art. 208 al. 1 ch. 2 CC). La simple allégation que le prix de vente était drastiquement diminué ne suffit pas. Il est également sans pertinence d’invoquer que l’ex-époux a aliéné un immeuble à un neveu indigent, sans démontrer que le prix de vente était inférieur à la valeur vénale (consid. 5.3.2).
Part à la plus-value en cas d’aliénation d’un bien avant la liquidation du régime matrimonial (art. 206 CC). Le deuxième alinéa de l’art. 206 CC déroge à la disposition générale du premier sur deux points. D’une part, le paiement devient exigible avant la liquidation du régime matrimonial, soit dès l’aliénation du bien. D’autre part, le prix de l’aliénation fixe la valeur déterminante, qui ne correspond pas nécessairement à la valeur vénale (consid. 5.3.2). Le silence de l’art. 206 al. 2 CC sur une éventuelle moins-value ne signifie pas que la garantie de la valeur nominale posée au premier alinéa est ici écartée ou qu’elle trouve une limite dans le produit de la réalisation du bien. Le deuxième alinéa poursuit aussi le but de protéger l’époux ayant contribué à l’amélioration d’un bien de l’autre lorsque ce dernier l’aliène avant la dissolution du régime matrimonial (consid. 5.3.3).
Effets d’une copropriété sur l’art. 206 CC. Si les époux sont copropriétaires chacun par moitié d’un bien, les investissements personnels de chacun visant l’amélioration confèrent uniquement le droit à la moitié de l’investissement et de la plus-value (consid. 5.3.4).
Couple non marié ; garde des enfants ; enlèvement international ; CLaH 80 ; LF-EEA
Notion de résidence habituelle. La résidence habituelle de l’enfant se trouve où il a le centre effectif de sa vie et de ses relations. Une résidence habituelle peut être admise immédiatement après un déménagement si le nouveau lieu de séjour est destiné à durer et à remplacer le précédent comme centre de la vie et des relations de l’enfant. La résidence habituelle d’un enfant coïncide en principe avec le centre de vie de l’un de ses parents; si l’enfant est en bas âge, est décisive sa relation avec le parent à qui il est confié (consid. 2.3.1.).
Notion de droit de garde. Le droit de garde au sens de l’art. 3 CLaH 80 peut découler d’une norme légale, d’une décision judiciaire ou administrative ou d’un accord valable selon le droit de la résidence habituelle de l’enfant. Il comprend le droit de prendre soin de l’enfant et, en particulier, de décider de sa résidence. Pour déterminer le parent détenteur du droit de garde, il faut se référer au droit (dip puis le droit matériel qu’il désigne) de la résidence habituelle de l’enfant (in casu la Norvège) avant son transfert à l’étranger (consid. 2.3.2).
Gratuité de la procédure ? La procédure par laquelle le retour du mineur est demandé est en principe gratuite (art. 26 al. 2 ClaH 80 et art. 14 LF-EEA). La Norvège ayant formulé une réserve par laquelle elle a déclaré qu’elle ne payait les frais et dépens judiciaires que s’ils pouvaient être couverts par son système d’assistance judiciaire, la Suisse applique le principe de réciprocité et ne garantit la gratuité que si l’assistance judiciaire est accordée (consid. 5.2).
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