Droit matrimonial - Newsletter avril 2014
Editée par Bohnet F., Christinat R., Guillod O. et Kesseli R.
Editée par Bohnet F., Christinat R., Guillod O. et Kesseli R.
Mesures protectrices ; garde des enfants ; art. 176 al. 3 CC
Attribution de la garde des enfants. Le droit de garde pendant la vie séparée est déterminé selon les mêmes critères qu’en cas de divorce. Le Tribunal fédéral rappelle ces critères et la grande marge de manœuvre de l’instance qui décide de l’attribution de la garde des enfants. Une expertise n’est pas absolument indispensable dans toutes les procédures qui portent sur des mesures protectrices de l’union conjugale (consid. 2 et 4.1).
Mesures protectrices ; entretien ; procédure ; art. 159 al. 3, 176, 278 al. 2 CC
Estimation du revenu d’un indépendant. Le bénéfice net d’un indépendant détermine son revenu. S’il est fluctuant, il convient d’en calculer la moyenne sur plusieurs années. Les revenus d’un indépendant peuvent aussi être déduits des prélèvements privés qu’il effectue car ceux-ci constituent des indices relatifs à son train de vie. Ces deux méthodes d’estimation s’excluent toutefois l’une l’autre (consid. 3.2).
Appréciation arbitraire. En se fondant seulement sur les allégations d’une partie pour déterminer la fin d’une incapacité de gain alors que celle-ci perçoit déjà des indemnités de chômage, le juge verse dans l’arbitraire (consid. 4.2).
Contribution à l’entretien de l’enfant du conjoint. Le devoir d’assistance entre époux (art. 159 al. 3 et 278 al. 2 CC) implique une aide financière mutuelle des conjoints pour l’éducation des enfants issus d’une autre relation. Ainsi, le juge des mesures protectrices peut augmenter les charges du crédirentier dans le calcul de la contribution d’entretien et amener le beau-parent à contribuer indirectement à l’entretien de l’enfant de son conjoint (consid. 5.4.1).
Violation du droit d’être entendu. Le juge qui refuse certains moyens de preuve régulièrement demandés par une partie viole le droit d’être entendu de celle-ci, s’il n’expose pas clairement les motifs de son refus (consid. 5.4.2).
Mesures protectrices ; entretien ; art. 276 al. 1 CPC ; 179 CC
Modification des mesures protectrices. D’après la jurisprudence, le juge modifie les mesures protectrices quand les circonstances ont changé durablement et d’une manière essentielle. Lorsque ces circonstances sont prévisibles au moment de la conclusion de la convention qui règle les mesures protectrices pendant la procédure de divorce, elles ne constituent pas une raison qui justifierait une modification des mesures protectrices. En l’espèce, au moment de la conclusion de la convention, la crédirentière subissait une incapacité de travail totale et une demande de rente AI était en cours. L’octroi de la rente AI avec effet rétroactif ne permet pas de modifier la convention car l’état de santé de la crédirentière était connu, de sorte que les conjoints auraient dû prendre en compte une éventuelle rente AI dans leur convention (consid. 2.1, 3.2 et 3.4).
Divorce ; procédure ; mesures provisionnelles ; art. 65 CPC
Autorité de chose jugée. La ratification par le juge des mesures protectrices de l’union conjugale de la convention, par laquelle les conjoints décident d’une part que l’épouse retire sa demande et d’autre part que l’époux participe aux frais d’avocat, n’emporte pas autorité de chose jugée lorsque le juge du divorce prononce ultérieurement des mesures provisionnelles condamnant le conjoint à contribuer à l’entretien de son épouse (consid. 2.3.1).
Conséquence du désistement d’action. Le demandeur ayant retiré son action déposée devant le tribunal compétent peut la réintroduire contre la même partie et sur le même objet si le défendeur avait accepté le retrait (art. 65 in fine CPC). En l’occurrence, l’époux avait donné son accord au retrait de la demande de mesures protectrices de l’union conjugale en apposant sa signature sur la convention ratifiée par le juge et ce, même si cela ne ressort pas du dispositif du jugement. Par conséquent, l’épouse peut demander des mesures provisionnelles après l’introduction de la procédure en divorce reprenant les objets de sa demande de mesures protectrices de l’union conjugale (consid. 2.3.2).
Modification d’un jugement de divorce ; entretien ; revenu hypothétique ; art. 134 al. 2, 286 al. 2 CC
Rappel des conditions de l’imputation d’un revenu hypothétique. Le débirentier de contributions d’entretien en faveur de ses enfants peut se voir imputer un revenu hypothétique si l’exercice d’une activité lucrative ou l’augmentation de celle-ci peut raisonnablement être exigée de lui en regard de sa formation, de son âge et de son état de santé. Dans ce cadre, le juge doit préciser le type d’activité que le débirentier peut accomplir. En outre, le débirentier doit pouvoir effectivement exercer l’activité visée et le juge doit déterminer les revenus qu’il peut en tirer (consid. 4.1.1).
Indépendance du juge civil par rapport aux assurances sociales. Les conditions de l’imputation d’un revenu hypothétique diffèrent en droit des assurances sociales et en droit civil. Ainsi, le juge des contributions d’entretien ne peut pas renoncer à imputer un revenu hypothétique au débirentier du simple fait que celui-ci a perçu régulièrement et sans pénalité des indemnités chômage jusqu’à arriver en fin de droit. En effet, lorsque l’entretien concerne des enfants mineurs et que les parents ont des revenus modestes, le droit civil peut imposer de retenir des revenus moindres, estimés sur une activité que le débirentier n’aurait pas eu à accepter conformément aux assurances sociales (consid. 4.1.2).
Couple non marié ; protection de l’enfant ; art. 260a 2 CC
Pesée des intérêts de l’enfant à l’action en contestation de la reconnaissance. L’action en contestation de la reconnaissance est ouverte contre son auteur et contre l’enfant lorsque ceux-ci ne l’intentent pas eux-mêmes (art. 260a CC). L’autorité de protection de l’enfant nomme un curateur à l’enfant s’il est incapable de discernement. Préalablement, elle examine la conformité de l’ouverture d’une telle action aux intérêts de l’enfant en comparant la situation de celui-ci avec ou sans la reconnaissance. L’introduction de cette procédure heurte généralement l’intérêt de l’enfant s’il est incertain que l’enfant pourra avoir un autre père juridique, si la contribution d’entretien de l’enfant diminuerait de manière importante, en cas de perturbation sensible des relations entre l’enfant et ses frères et sœurs et si l’enfant ne bénéficierait pas d’une relation socio-psychique positive avec son père biologique (consid. 2.1).
Pesée des intérêts dans le cas d’espèce. En invoquant sa mésentente avec le père de l’enfant et ses difficultés à exercer un droit de visite (le père juridique détient le droit de garde), la mère ne fonde pas l’intérêt de l’enfant à la contestation de la reconnaissance. Les critères déterminants dans les litiges relatifs au droit de garde et à l’exercice du droit de visite ne sont pas forcément pertinents dans les actions en contestation de la reconnaissance (consid. 2.2).
Couple non marié ; procédure ; art. 121 let. d LTF
Inadvertance. Le fait que le Tribunal fédéral n’ait pas apprécié des faits déterminants qui ressortent du dossier par inadvertance fonde un motif de révision (art. 121 let. d LTF). Cette condition est remplie si les juges ne considèrent pas une pièce déterminée du dossier, l’ont mal lue ou s’écartent de sa valeur exacte (notamment de son véritable sens littéral). En outre, les faits doivent être pertinents, soit susceptibles de modifier la décision dans un sens plus favorable pour le requérant (consid. 3.1).
Couple non marié ; procédure ; art. 29 al. 2 Cst. ; 310 al. 1 CC
Droit d’être entendu. En attribuant l’autorité parentale à la mère non mariée avec le père, l’art. 298 CC prive le père de l’autorité parentale et du droit de garde. Seuls le retrait de l’autorité parentale à la mère et l’accord des parents relatif au partage de l’autorité parentale permettent un transfert du droit de garde. En l’espèce, l’autorité de protection de l’enfant a retiré le droit de garde à la mère et a placé l’enfant en foyer. Entretenant de bonnes relations avec l’enfant, le père demande l’attribution du droit de garde. L’instance cantonale rejette cette demande et requiert des informations supplémentaires. L’instance cantonale a ainsi statué de manière arbitraire et a violé le droit d’être entendu du requérant car elle aurait dû renvoyer la cause à l’autorité de protection de l’enfant pour un complément d’instruction (consid. 2 et 3.4).
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