Droit matrimonial - Newsletter juin 2014
Editée par Bohnet F., Christinat R., Guillod O., Kesseli R., avec la participation de Bleicker O.
Editée par Bohnet F., Christinat R., Guillod O., Kesseli R., avec la participation de Bleicker O.
Divorce ; autorité parentale ; art. 8 et 14 CEDH
Conformité à la CEDH de la nécessité d’une demande commune pour le maintien de l’autorité parentale conjointe. En imposant une requête conjointe des parents pour le maintien de l’autorité parentale conjointe suite à un divorce, le droit suisse respecte la CEDH. La marge d’appréciation des Etats parties permet ainsi le refus de l’autorité parentale conjointe en cas d’opposition de l’un des parents (ch. 47-56). Au demeurant, cette solution ne viole pas l’égalité de traitement (ch. 64-73).
Mariage ; étranger ; art. 97a CC
Refus de célébrer le mariage. Selon l’article 97a al. 1 CC, l’officier de l’état civil refuse son concours lorsque deux conditions cumulatives sont remplies : les fiancés ne veulent manifestement pas fonder une communauté conjugale et veulent éluder les dispositions sur l’admission et le séjour des étrangers. La volonté de fonder une communauté conjugale est un élément intime, qui ne peut pas être établi à l’aide de preuves directes. Un abus peut être prouvé par des indices, comme par exemple une grande différence d’âge, une méconnaissance de l’autre fiancé ou le paiement d’une indemnité (consid. 3.3).
Mesures protectrices ; garde des enfants ; art. 176 CC
Attribution du droit de garde. Lorsque les deux parents disposent des mêmes capacités éducatives, le bien de l’enfant commande d’attribuer la garde au parent qui peut garantir une continuité dans la relation et dans l’éducation (consid. 3.1).
Mesures protectrices ; garde des enfants ; procédure ; art. 176 CC ; 316 CPC
Violation du droit d’être entendu et à un procès équitable. Il n’existe pas de droit à un second échange d’écritures (consid. 2).
Expertise pédopsychiatrique en mesures protectrices de l’union conjugale et degré de preuve. Le recourant reproche à l’autorité inférieure de ne pas avoir ordonné d’expertise pédopsychiatrique avant de se prononcer sur le droit de garde. Le degré de preuve est limité à la vraisemblance dans les mesures protectrices de l’union conjugale, de sorte que le juge peut renoncer à la mise en œuvre de moyens de preuve complexes. Une expertise pédopsychiatrique s’impose uniquement si les intérêts de l’enfant sont menacés (consid. 4.3).
Mesures protectrices ; entretien ; art. 176 CC ; 296 CPC
Dettes personnelles exclues du minimum vital. Les dettes personnelles envers un tiers passent après l’entretien et ne font pas partie du minimum vital d’un époux. Le juge peut en tenir compte dans le partage du montant dépassant les minima vitaux des époux.
Maxime d’office et maxime inquisitoire. Ces maximes valent pour l’entretien de l’enfant (art. 296 CPC). Comme l’entretien de l’enfant et celui du conjoint forment un tout du point de vue de la capacité contributive de l’époux débirentier, la maxime inquisitoire s’étend aux faits déterminants pour le calcul de l’entretien du conjoint (consid. 3.4).
Mesures protectrices ; entretien ; art. 163, 176 CC
Revenus d’un indépendant. En principe, le calcul des contributions d’entretien prend en compte les revenus effectifs des parties. Le bénéfice net constitue le revenu d’un indépendant. S’il est fluctuant, il convient de déterminer le résultat moyen sur plusieurs années. Plus les variations sont importantes et les données incertaines, plus la période considérée doit être étendue. Les résultats exceptionnellement bons ou mauvais ne sont pas pris en compte. En cas d’augmentation ou de diminution constante, le gain de l’année précédente constitue le revenu déterminant. Il faut toutefois le corriger selon les amortissements extraordinaires, les réserves injustifiées et les achats privés. Le niveau de vie des époux est déterminant uniquement si les allégations et les pièces produites ne sont pas convaincantes. Dans ce cas, les prélèvements privés constituent un indice (consid. 5.2.3).
Entretien. L’article 163 CC est la cause de l’obligation d’entretien réciproque des époux en mesures protectrices de l’union conjugale et en mesures provisionnelles pour la durée de la procédure de divorce. Le juge fixant la contribution d’entretien doit partir de la convention des époux sur la répartition des tâches et des ressources entre eux, puis l’adapter en considérant que le but de l’article 163 CC (l’entretien convenable de la famille) impose à chaque époux de participer, selon ses facultés, notamment par la reprise ou l’augmentation de son activité lucrative, aux frais supplémentaires qu’engendre la vie séparée. Le juge ne doit en revanche pas trancher les questions de fond, en particulier celle de savoir si le mariage a influencé concrètement la situation financière du conjoint (consid. 6.1).
Divorce ; entretien ; avis au débiteur ; art. 291 CC
Nature de l’avis au débiteur. L’avis au débiteur fondé sur l’article 291 CC ne constitue pas une affaire civile, mais une mesure d’exécution privilégiée sui generis. Cette matière étant connexe au droit civil, le recours en matière civile (art. 72 al. 2 let. b LTF) est recevable (consid. 1).
Effets. L’article 291 CC s’applique si le débiteur d’aliments ne verse pas, entièrement ou partiellement, les contributions auxquelles un jugement l’astreint. En tant que mesure d’exécution, l’avis au débiteur constate le montant énoncé dans le titre d’entretien ; le juge n’examine donc ni l’état de fait ni les considérations de droit des mesures protectrices ou du divorce. Ainsi, l’avis au débiteur facilite le recouvrement des aliments. Il ne peut toutefois pas entamer le minimum vital du débirentier, de sorte que les principes applicables au respect du minimum vital en cas de saisie de salaire s’appliquent si la situation financière du débirentier s’est détériorée depuis l’entrée en force du jugement fixant l’entretien dû (consid. 2).
Divorce ; entretien ; art. 125 al. 3 CC
Contribution d’entretien. L’article 125 al. 3 CC ne doit être appliqué qu’avec une grande retenue. La recherche peu active d’un travail ne suffit pas pour refuser l’octroi d’une contribution. Ce comportement peut être pris en compte dans le calcul d’un éventuel revenu hypothétique (consid. 3.4).
Divorce ; entretien ; art. 125 CC
Entretien après divorce. A cause d’une maladie, l’épouse a été placée dans un EMS après le jugement de divorce (mais avant le règlement de ses effets accessoires). Le placement a conduit à une augmentation de l’entretien. Comme le mariage était lebensprägend et la maladie était déjà présente avant le divorce, une augmentation de la contribution d’entretien est justifiée par la solidarité post-matrimoniale (consid. 3.3).
Divorce ; entretien ; revenu hypothétique ; art. 125 CC
Rappel des conditions relatives à la prise en compte d’un revenu hypothétique. L’imputation d’un revenu hypothétique suppose la réalisation de deux conditions cumulatives. D’une part, la personne doit raisonnablement pouvoir exercer, respectivement augmenter, une activité lucrative eu égard à son âge, son état de santé et sa formation. Dans ce cas, le juge doit préciser le type d’occupation visé. Ceci est une question de droit. D’autre part, il faut que la personne puisse concrètement exercer l’activité ainsi définie et le revenu ainsi dégagé doit être évalué par le juge. Il s’agit d’une question de fait (consid. 2.1).
Application au cas d’espèce. La recourante, qui conteste le revenu hypothétique que l’autorité inférieure lui a imputé, doit démontrer le caractère insoutenable de l’appréciation querellée si elle invoque son incapacité d’augmenter concrètement ses revenus. Elle ne peut donc pas se contenter de substituer sa propre évalutation des faits en exposant qu’il lui est impossible d’accroître son taux d’occupation au vu de son état de santé, de son âge, de son expérience et de la conjoncture (consid. 2.3).
Divorce ; mesures provisionnelles ; entretien ; procédure ; art. 179 CC
Autorité de l’arrêt de renvoi. Le principe de l’autorité de l’arrêt de renvoi conserve sa pertinence sous l’empire de la LTF. Lorsqu’une autorité casse une décision et renvoie l’affaire à l’autorité inférieure, celle-ci est liée par les considérants de l’autorité supérieure. Ainsi, les constatations de fait non critiquées devant l’autorité supérieure et les points définitivement tranchés par celle-ci limitent la cognition de l’autorité inférieure. Seuls les faits nouveaux relatifs aux objets du renvoi peuvent être examinés. En cas de contestation de la décision rendue sur renvoi, l’autorité supérieure est également tenue par son arrêt de renvoi, de sorte qu’elle ne peut pas retenir des motifs qu’elle avait précédemment rejetés ou qu’elle n’avait pas examinés, faute pour les parties de les avoir invoqués (consid. 3.1).
Divorce ; liquidation du régime matrimonial ; art. 140 aCC ; 279 CPC
Révocation d’une convention sur les effets accessoires du divorce. Chaque époux peut révoquer unilatéralement la convention sur les effets accessoires produite dans une procédure sur requête commune en divorce (art. 111 ou 112 CC). En revanche, les conjoints n’ont pas cette liberté en cas de procédure sur demande unilatérale, même si l’époux défendeur a consenti au divorce ou déposé une demande reconventionnelle. Cette jurisprudence rendue en application de l’art. 140 aCC conserve sa pertinence puisque l’art. 279 CPC a repris la disposition précitée (consid. 7.2.1).
Effet d’une erreur. La convention sur les effets accessoires constitue une transaction judiciaire mettant définitivement fin au litige. Elle évite un examen complet des faits et des conséquences juridiques en découlant. Par conséquent, une erreur (art. 23 CO) portant sur un fait douteux, réglé définitivement par la convention conformément à la volonté des parties, n’est pas prise en compte (consid. 8.2).
Divorce ; procédure ; art. 157, 160, 164 CPC
Appréciation d’un refus injustifié de collaborer. L’article 164 CPC ne précise pas dans quelle mesure le juge tient compte d’un refus injustifié de collaborer (art. 160 CPC). Il ne doit pas nécessairement considérer toutes les allégations de l’adverse partie comme véridiques. Bien au contraire, ce type de refus constitue un élément parmi d’autres dans la libre appréciation des preuves (art. 157 CPC). Celui qui conteste devant le Tribunal fédéral la prise en compte d’un tel refus par l’autorité inférieure doit démontrer le caractère arbitraire de l’appréciation des preuves et ne peut pas se contenter d’en critiquer le résultat (art. 97 LTF) (consid. 2.3).
Divorce ; procédure ; art. 276 al. 2 CPC
Jugement de divorce incomplet – maintien des mesures provisionnelles. D’après l’article 276 al. 2 CPC, « les mesures ordonnées par le tribunal des mesures protectrices de l’union conjugale sont maintenues. Le tribunal du divorce est compétent pour prononcer leur modification ou leur révocation ». Pendant la vie séparée, l’enfant a été placé sous la garde de la mère, et le père a exercé un droit de visite. Le jugement de divorce, rendu en Allemagne et reconnu en Suisse, ne se prononce pas sur l’autorité parentale et le droit de visite. Les mesures provisionnelles sont maintenues parce que le jugement de divorce est incomplet (consid. 4.1 et 4.2).
Modification d'un jugement de divorce ; entretien ; revenu hypothétique ; art. 134 al. 2, 285 al. 1 CC
Etendue de l’obligation d’entretien d’un enfant mineur. En principe, le montant de la contribution d’entretien doit préserver le minimum vital du débirentier. Les exigences envers les père et mère concernant l’entretien d’un enfant mineur sont très élevées, car ils doivent réellement fournir leur capacité maximale de travail. Ainsi, ils ne peuvent modifier leurs conditions de vie que s’ils parviennent à maintenir l’entretien de l’enfant. Dans le cas inverse, le juge peut leur imputer un revenu hypothétique (consid. 3.1).
Couple non marié; garde des enfants; protection de l'enfant; enlèvement international; art. 13 al. 1 let. b de la Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants
Retour de l’enfant. D’après le droit tchèque, les deux parents sont titulaires du droit de garde. Le déplacement de l’enfant par la mère, sans le consentement du père, de la République tchèque en Suisse était donc illicite (art. 3 de la Convention) et a pour conséquence le retour de l’enfant (art. 12 de la Convention). Les exceptions de l’article 13 al. 1 let. b et al. 2 de la Convention ne sont pas remplies (consid. 2, 3.1, 3.2 et 8).
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