Droit matrimonial - Newsletter décembre 2016
Editée par Amey L., Bohnet F., Burgat S., Guillod O., Saul M.
Editée par Amey L., Bohnet F., Burgat S., Guillod O., Saul M.
Divorce; procédure; art. 114 CC; 292 al. 2 CPC
Divorce sur demande unilatérale et demande reconventionnelle. Une demande reconventionnelle est une demande par laquelle le défendeur poursuit un but propre dans la mesure où il introduit une prétention indépendante qui n’était pas comprise dans la demande principale et qu’il aurait pu faire valoir dans une procédure séparée. Dès lors, concernant la dissolution du lien matrimonial, une demande reconventionnelle ainsi définie ne peut toutefois pas être envisagée lorsqu’un seul et même motif de divorce (i.c. art. 114 CC) entre en ligne de compte pour la dissolution en tant que telle (consid. 4.2).
Divorce sur demande unilatérale et désistement d’action. Lorsque, comme en l’espèce, les époux demandent en définitive au juge la dissolution du divorce pour le même motif, ils ne peuvent laisser tomber la procédure que conjointement. Le retrait de la demande par l’époux demandeur (désistement d’action) ne pourrait tout au plus être envisagé que si l’époux défendeur s’oppose à l’action en divorce ou s’il demande le divorce en invoquant un autre motif dans le cadre d’une véritable demande reconventionnelle (consid. 4.3.3).
Avocat spécialiste FSA droit du bail, LL.M., Dr en droit, Professeur à l'Université de Neuchâtel
Mesures protectrices; garde des enfants; droit de visite; art. 176 al. 3 CC
Critères d’attribution de la garde de l’enfant dans le cadre des mesures protectrices (art. 176 al. 3 CC) – rappel des principes. Premièrement, il convient d’examiner les compétences éducatives de chaque parent. Si de telles compétences existent chez les deux parents, la garde des enfants en bas âge ou en âge de scolarité obligatoire doit être attribuée au parent qui a la possibilité de prendre soin personnellement de l’enfant et qui est disposé à le faire. Lorsque les deux parents satisfont à cette exigence d’une manière similaire, le critère de la stabilité de l’environnement et de la situation familiale peut être décisif. Finalement, selon l’âge de l’enfant, il faut tenir compte du souhait clairement exprimé par ce dernier. Ces critères s’ajoutent aux autres aspects à prendre en compte et, en particulier, la disposition du parent à collaborer avec l’autre dans l’intérêt de l’enfant ou l’exigence selon laquelle l’attribution de la garde doit être soutenue par des liens personnels et un véritable attachement. Lorsque les parents ont des compétences éducatives plus ou moins identiques, le critère de la stabilité de l’environnement et de la situation familiale peut être examiné avant les critères de la disponibilité temporelle et de la possibilité de prendre en charge personnellement l’enfant (consid. 4.3.2).
Fixation des relations personnelles – rappel des principes. Pour régler les relations personnelles parent-enfant, le bien de l’enfant constitue le critère déterminant. Les intérêts des parents doivent cas échéant demeurer en arrière-plan. Les relations personnelles ne se déterminent pas de manière objective et abstraite, mais doivent être fixées en tenant compte des circonstances concrètes du cas d’espèce et relèvent du pouvoir d’appréciation du juge. Toutefois, la tendance est à l’extension ou à la fixation plus large du droit de visite. La maxime inquisitoire et la maxime d’office sont par ailleurs applicables (art. 296 CPC) (consid. 5.3).
Mesures protectrices; garde des enfants; art. 176 al. 3 CC
Sorte des enfants (art. 176 al. 3 CC). Le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation et sa décision, sous l’angle de l’arbitraire, doit être examinée à l’aune du bien de l’enfant. Lorsque dans son résultat, la décision menace le bien de l’enfant, le Tribunal fédéral intervient indépendamment de la question de savoir si l’instance précédente a pris sa décision en s’appuyant sur des critères qui, pris isolément ont été appliqués d’une manière admissible (consid 2.2).
Garde alternée – rappel des principes. L’autorité parentale conjointe n’implique pas nécessairement l’octroi d’une garde alternée. Le juge des mesures protectrices doit examiner si ce modèle de prise en charge est possible et s’il est compatible avec le bien de l’enfant, qui constitue le critère déterminant (alors que les intérêts et souhaits des parents doivent demeurer en arrière-plan). Il n’existe pas de présomption de fait pour ou contre la garde alternée. Le juge doit pronostiquer si la garde alternée est un modèle de prise en charge qui correspond, selon toute probabilité, au bien de l’enfant (consid. 3.3.1).
Critères pour l’attribution de la garde alternée. La garde alternée ne peut en principe être envisagée que si les parents disposent tous deux de compétences éducatives. Les parents doivent être aptes et disposés à communiquer régulièrement entre eux sur les questions relatives à l’enfant. Ils doivent coopérer sur les aspects organisationnels nécessaires. Le seul fait que l’un des parents s’oppose à la garde alternée ne permet pas de conclure que ce dernier n’est pas capable de coopérer. Il convient de tenir compte de la distance géographique entre les logements des parents et de la stabilité qu’apporte, cas échéant, la continuation du modèle de prise en charge pratiqué avant la séparation. Ce dernier critère plaide en faveur de la garde alternée lorsque les parents prenaient déjà soin de l’enfant à tour de rôle avant leur séparation. Il faut également tenir compte des aspects suivants : la possibilité des parents de prendre en charge l’enfant personnellement ; l’âge de l’enfant ; sa relation avec ses (demi-)frères et sœurs ; son intégration dans son environnement social plus large. Il faut également prendre en considération le souhait de l’enfant, même s’il n’est pas encore capable de discernement en ce qui concerne la question de la garde. Exception faite des compétences éducatives des deux parents nécessaires pour pouvoir envisager la garde alternée, les autres critères dépendent souvent les uns des autres et leur importance pour trancher la question de la garde varie en fonction des circonstances concrètes du cas d’espèce (consid. 3.3.2).
Mesures protectrices; garde des enfants; procédure; art. 315 al. 4 let. b CPC
Effet suspensif. En matière de garde, des changements trop fréquents peuvent être préjudiciables à l’intérêt de l’enfant. Par conséquent, lorsque la décision de mesures protectrices ou provisionnelles statue sur la garde ou modifie celle-ci de sorte que l’enfant devrait être séparé du parent qui prenait régulièrement soin de lui au moment de l’ouverture de la procédure ayant donné lieu à la décision attaquée, le bien de l’enfant commande alors, dans la règle, de maintenir les choses en l’état et de laisser celui-ci auprès de la personne qui lui sert actuellement de référence. La requête d’effet suspensif du parent qui entend conserver la garde doit ainsi être admise, sauf si le maintien de la situation antérieure met en péril le bien de l’enfant ou encore si l’appel paraît sur ce point d’emblée irrecevable ou manifestement infondé (consid. 3.2).
Mesures protectrices; entretien; art. 179 al. 1 CC
Modification des mesures protectrices (art. 179 al. 1 CC) – rappel des principes. Une modification des mesures protectrices de l’union conjugale suppose un changement notable et durable des circonstances depuis l’entrée en force de la décision, en particulier concernant les revenus. Elle est également possible lorsque les constatations de fait qui ont justifié la première décision se sont révélées fausses par la suite, ou lorsque la décision de mesures protectrices s’avère injustifiée, car des faits déterminants n’étaient alors pas connus du juge. Une modification est exclue lorsque le prétendu nouvel état de fait a été provoqué par un comportement contraire au droit. Dans le cadre de la procédure de mesures protectrices, il suffit de rendre vraisemblables les faits allégués (consid. 3.1).
Mesures protectrices; entretien; procédure; art. 176 al. 1 ch. 1, 285 al. 1 CC
Conclusions chiffrées. Les conclusions portant sur la fixation des contributions d’entretien doivent être chiffrées, sous peine d’irrecevabilité. Exceptionnellement, des conclusions non chiffrées suffisent lorsque la somme à allouer est d’emblée reconnaissable au regard de la motivation du recours ou de la décision attaquée (consid. 3.4.2).
Méthode du train de vie. En l’occurrence, vu l’application - incontestée - de la méthode du train de vie pour calculer la contribution d’entretien en faveur de l’épouse, et dès lors qu’avant la séparation, seul l’époux subvenait aux besoins du couple, les impôts de l’épouse constituent une composante du montant nécessaire au maintien de son train de vie. Dans ce contexte, la contribution d’entretien fixée doit permettre à l’épouse de maintenir le train de vie qui était le sien durant la vie commune, tout en s’acquittant des impôts dus sur ce revenu (consid. 8.3).
Contributions d’entretien en faveur des enfants. Rappel des critères de fixation de la contribution d’entretien due en faveur des enfants. In casu, prise en compte de la garde alternée et référence aux tabelles de ZH (consid. 11.1).
Mesures protectrices; entretien; procédure; art. 9, 29 al. 2 Cst; 176 al. 1 ch. 1 CC
Détermination des charges du débirentier. Seules les charges effectives, dont le débirentier s’acquitte réellement, doivent être prises en compte dans le calcul de ses charges. En l’espèce, le recourant n’a pas été en mesure de démontrer le paiement effectif de son loyer, c’est donc sans arbitraire que l’autorité cantonale a refusé de prendre en compte cette charge dans sa totalité (consid. 3).
Droit à la preuve. Les mesures protectrices de l’union conjugale sont ordonnées à la suite d’une procédure sommaire avec administration restreinte des moyens de preuve et limitation du degré de la preuve à la simple vraisemblance. Il n’y a pas de violation du droit à la preuve (art. 29 al. 2 Cst.) lorsque le juge parvient à se former une conviction de la vraisemblance des faits en se fondant sur les preuves administrées (consid. 4.2).
Mesures protectrices; procédure; art. 179 al. 1 CC
Modification des mesures protectrices (art. 179 al. 1 CC) – rappel des principes. La modification des mesures protectrices ne peut être obtenue que si, depuis leur prononcé, les circonstances de fait ont changé d’une manière essentielle et durable, à savoir si un changement significatif et non temporaire est survenu postérieurement à la date à laquelle la décision a été rendue, si les faits qui ont fondé le choix des mesures dont la modification est sollicitée se sont révélés faux ou ne se sont par la suite pas réalisés comme prévu, ou encore si la décision de mesures provisoires s’est avérée plus tard injustifiée parce que le juge appelé à statuer n’a pas eu connaissance de faits importants. Les parties ne peuvent pas invoquer, pour fonder leur requête en modification, une mauvaise appréciation des circonstances initiales. Pour faire valoir de tels motifs, seules les voies de recours sont ouvertes, car la procédure de modification n’a pas pour but de corriger le premier jugement, mais de l’adapter aux circonstances nouvelles (consid. 3.1).
Divorce; entretien; art. 125 CC
Entretien (art. 125 CC) – prise en compte des primes d’assurances complémentaires LCA. En principe, il ne faut tenir compte des primes d’assurances complémentaires selon la LCA qu’en présence d’une bonne situation financière. Plus les moyens financiers sont limités, plus les tribunaux doivent s’en tenir à l’application des principes développés dans le cadre de l’art. 93 LP pour déterminer les besoins dans le cadre du calcul de l’entretien (consid. 4.3).
Entretien de l’ex-conjoint et de l’enfant majeur – rappel des principes. L’obligation d’entretien après le divorce de l’ex-conjoint l’emporte sur celle des enfants majeurs (consid. 6.2).
Divorce; entretien; revenu hypothétique; art. 125 CC
Revenu hypothétique. Rappel des conditions permettant de retenir un revenu hypothétique chez l’époux crédirentier. Il ne peut en principe plus être exigé d’un époux qui n’a pas exercé d’activité lucrative pendant un mariage de longue durée de se réinsérer dans la vie économique, lorsqu’il est âgé de 45 ans au moment de la séparation. Il ne s’agit toutefois pas d’une règle stricte et la limite d’âge tend à être portée à 50 ans. Cette limite d’âge constitue une présomption qui peut être renversée en fonction d’autres éléments qui plaideraient en faveur de la prise ou de l’augmentation d’une activité lucrative. Par ailleurs, l’incapacité du conjoint de travailler pour des raisons de santé n’est pas subordonnée au fait que les conditions d’obtention d’une rente d’invalidité soient remplies (consid. 3.1).
Divorce; procédure; art. 317 al. 1 et 2 CPC
Les nova. En règle générale, les nova doivent être introduits en appel dans le cadre du premier échange d’écritures. Exceptionnellement, des nova peuvent être invoqués, aux conditions de l’art. 317 al. 1 CPC, à un stade ultérieur. Dès le début des délibérations, les parties ne peuvent plus introduire de nova, même si les conditions de l’art. 317 al. 1 CPC sont réunies. La phase des délibérations débute dès la clôture des débats, s’il y en a eu, respectivement dès que l’autorité d’appel a communiqué aux parties que la cause a été gardée à juger. Dans l’hypothèse où l’autorité d’appel rend une décision par laquelle elle renonce à un second échange d’écritures et à des débats, il y a lieu de considérer que la cause est en état d’être jugée et que la phase des délibérations a commencé (consid. 4.1.2).
Nouvelle conclusion. Une réduction (ou une restriction) des conclusions ne constitue pas une conclusion nouvelle au sens de l’art. 317 al. 2 CPC. Elle est donc admissible en tout temps, soit jusqu’aux délibérations (consid. 4.2.1).
Modification d’un jugement de divorce; entretien; art. 285 al. 1, 286 al. 2 CC
Modification des contributions d’entretien dues en faveur des enfants. Rappel des conditions justifiant une modification des contributions d’entretien dues en faveur des enfants (consid. 2.1). In casu, en application de l’art. 286 al. 2 CC, l’autorité cantonale a procédé à une pesée des intérêts des parents et des enfants qui ne viole pas le droit fédéral. L’augmentation des charges du débirentier justifie la réduction des contributions d’entretien et ne modifie pas le train de vie des enfants, eu égard à l’importante augmentation de salaire du parent gardien (consid. 2.3).
Modification de jugement de divorce; entretien; revenu hypothétique; procédure; art. 97 al. 1 LTF; 296 al. 1 CPC
Entretien de l’enfant mineur et revenu hypothétique. Dans le cadre de l’examen de l’entretien de l’enfant mineur, les exigences relatives à la mise à profit de la capacité de gain du débiteur d’aliments sont élevées, en particulier lorsque les moyens financiers sont limités (consid. 2.4).
Couple non marié; étranger; protection de l’enfant; DIP; enlèvement international; art. 1 let. a, 3, 5 let. a, 12 al. 1 CLaH80
Déplacement illicite d’enfant. En principe, lorsqu’un enfant a été déplacé ou retenu illicitement, l’autorité saisie ordonne son retour immédiat (art. 1 let. a, 3 et 12 al. 1 CLaH80), à moins que l’une des exceptions prévues à l’art. 13 CLaH80 ne soit réalisée. Le déplacement ou le non-retour de l’enfant est considéré comme illicite au sens de l’art. 3 CLaH80, lorsqu’il a lieu en violation d’un droit de garde, attribué à une personne, une institution ou tout autre organisme, seul ou conjointement, par le droit de l’Etat dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour (let. a), et que ce droit était exercé de façon effective, seul ou conjointement, au moment du déplacement ou du non-retour (let. b). En l’espèce, la garde de l’enfant, au sens de l’art. 5 let. a CLaH80, a été attribuée de manière exclusive à l’intimée par l’Etat de provenance, soit le Honduras. Par conséquent, le déplacement et surtout le non-retour de l’enfant ne sont pas intervenus en violation d’un droit de garde attribué à une personne par le Honduras (consid. 4.2, 4.3 et 4.4).
Couple non marié; protection de l’enfant; art. 308 al. 2, 314a bis CC
Curatelle de surveillance des relations personnelles. La curatelle de surveillance des relations personnelles selon l’art. 308 al. 2 CC a pour but de faciliter le contact entre l’enfant et le parent qui n’est pas au bénéfice de la garde et de garantir l’exercice du droit de visite. Rappel des principes justifiant une telle mesure. En l’occurrence, à défaut de litige portant sur les modalités pratiques de l’exercice droit de visite en faveur du père – ce droit n’étant pour l’heure pas reconnu – c’est à juste titre que la cour cantonale a jugé que la désignation d’un curateur à l’enfant au sens de l’art. 308 al. 2 CC était prématurée (consid. 5.2 et 5.3).
Curatelle de représentation. L’art. 314abis CC impose à l’autorité de protection de l’enfant ou au tribunal d’examiner d’office si l’enfant doit être représenté pour sauvegarder ses intérêts. L’autorité a uniquement un devoir de vérifier si la désignation d’un curateur à l’enfant est nécessaire, non une obligation d’instituer une curatelle de représentation à l’enfant, partant, l’autorité dispose d’une marge d’appréciation dans ce domaine. In casu, une telle mesure s’avère inutile en l’état, dès lors que l’autorité cantonale a suspendu le droit de visite du père tant qu’une expertise pénale sur la dangerosité de ce dernier n’aura pas été rendue (consid. 5.2 et 5.3).
Couple non marié; filiation; test ADN; exécution forcée; art. 296 al. 2 CPC
Obligation d’accepter un test ADN de paternité. L’article 296 al. 2 CPC prévoit que «les parties et les tiers doivent se prêter aux examens nécessaires à l'établissement de la filiation et y collaborer, dans la mesure où leur santé n'est pas mise en danger». La jurisprudence a confirmé que cette disposition était une base légale suffisante pour faire exécuter, même de manière forcée, le test (5A_492/2016 du 5 août 2016) sous forme de prélèvement de la muqueuse jugale, qui constitue une atteinte minime à l’intégrité physique absolument proportionnée au but poursuivi (ATF 134 III 241). Dès lors, seule la démonstration claire d’une atteinte sérieuse à la santé justifierait de se soustraire au test et pas seulement, comme en l’espèce, l’affirmation non démontrée que l’action en paternité et le test causeraient des troubles psychiques et des angoisses à l’intéressé (consid. 3.4 et 3.5).
Retrouvez tous les arrêts de la newsletter, organisés par mots-clé, sur le site de la faculté.