Droit matrimonial - Newsletter mai 2022
Editée par Bohnet F., Burgat S., Hotz S., Saint-Phor J., Saul M.
Editée par Bohnet F., Burgat S., Hotz S., Saint-Phor J., Saul M.
Le CC&CO annotés est « le signe de reconnaissance de tous les juristes romands, leur amulette, leur sésame; sur les bancs de la Faculté, au prétoire, dans son cabinet, nul ne peut s’en passer », comme s’amuse à le relever Pierre Tercier dans sa préface.
La version numérique de l’ouvrage est régulièrement mise à jour et complétée avec les arrêts les plus récents. La dernière actualisation, celle de la partie CO, vient d’être mise en ligne fin avril et couvre désormais les ATF jusqu’au volume 147. Une bonne occasion pour profiter du rabais spécial réservé aux destinataires de cette newsletter si vous ne possédez pas encore ce code annoté de référence.
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Divorce; garde des enfants; entretien; art. 125, 276 et 285 CC
Entretien entre ex-conjoint·e·s (art. 125 CC) – rappels. Rappel des (nouveaux) principes jurisprudentiels (consid. 4.1). Le Tribunal fédéral est revenu sur la notion de mariage lebensprägend, précisant en particulier que les présomptions appliquées par le passé, en particulier en lien avec la présence d’enfants commun·e·s, doivent être relativisées et que le catalogue de critères non exhaustif de l’art. 125 al. 2 CC est déterminant. Rappel de la notion de mariage lebensprägend désormais applicable (consid. 4.2).
Entretien entre ex-conjoint·e·s et contribution de prise en charge (art. 276 et 285 CC) – rappels et précisions. Depuis l’entrée en vigueur du nouveau droit de l’entretien de l’enfant, les inconvénients subis par le père ou la mère en raison de la prise en charge des enfants (cas échéant post-divorce) sont compensés en premier lieu par la contribution de prise en charge (art. 276 et 285 CC). En présence de père et mère divorcé·e·s, sont seuls déterminants, dans le cadre de l’entretien entre ex-conjoint·e·s, les inconvénients découlant de la prise en charge des enfants qui ne sont pas couverts par la contribution de prise en charge, dont le bénéficiaire économique est le père ou la mère titulaire de la garde. En vertu du principe central d’égalité entre enfants de père et mère marié·e·s et enfants de père et mère non marié·e·s, il ne faut, dans la mesure du possible, pas aboutir à une différence de traitement entre les enfants issu·e·s du mariage et les enfants né·e·s hors du mariage. Partant, on peut se demander dans quelle mesure les inconvénients liés à la prise en charge des enfants peuvent, à eux seuls, encore justifier de qualifier un mariage de lebsensprägend. D’autant plus que de tels inconvénients peuvent être compensés dans le cadre de l’entretien post-divorce (art. 125 al. 2 ch. 6 CC), même sans admettre que le mariage est lebensprägend et sans s’appuyer sur le train de vie conjugal. Par conséquent, la présence d’enfants commun·e·s ne permet pas (plus) à elle seule de qualifier un mariage de lebensprägend (consid. 4.3.1).
En l’espèce, les difficultés de réinsertion professionnelle de la mère liées à la présence d’une enfant commune née en 2011 ne permet pas de qualifier le mariage de lebensprägend. De même, sont en particulier sans influence déterminante la répartition traditionnelle des tâches adoptée pour une courte période (moins d’une année) et la dépendance professionnelle de l’épouse vis-à-vis de l’époux. Eu égard à l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, le mariage des parties ne doit pas être qualifié de lebensprägend, contrairement à ce qu’a retenu à tort l’instance précédente (consid. 4.4, voir ég. consid. 4.3.2 et 4.3.3).
Contribution entre ex-conjoint·e·s en l’absence d’un mariage lebensprägend – rappels. Si le mariage n’est pas lebensprägend, il convient en principe de se référer, dans le cadre de l’examen d’une éventuelle contribution d’entretien post-divorce, à la situation qui existait avant le mariage, i.e. les conjoint·e·s doivent être remis·e·s dans la situation qui aurait prévalu si le mariage n’avait jamais été conclu. Dans certaines circonstances, il existe un droit, découlant de la solidarité post-divorce, à l’indemnisation d’une sorte d’intérêt négatif (« Heiratsschaden ») (consid. 5.1).
Mesures protectrices; garde des enfants; droit de visite; entretien; art. 276 al. 1 et 2, 285 al. 1 CC
Liens entre prise en charge et entretien de l’enfant (art. 276 al. 1 et 2 et art. 285 al. 1 CC). Rappels des principes relatifs à la fixation de l’entretien convenable de l’enfant et de la contribution d’entretien, en particulier du principe de l’équivalence entre les soins, l’éducation et les prestations pécuniaires (art. 276 al. 1 CC). Si la capacité financière de l’un·e des père ou mère est sensiblement plus importante que celle de l’autre, il n’est pas critiquable de laisser, à la partie qui est économiquement la mieux placée, la charge d’entretenir les enfants par des prestations pécuniaires, en sus des soins et de l’éducation. En revanche, si les père et mère assument conjointement la responsabilité de l’enfant et pratiquent une garde alternée parfaite (50-50), l’un·e et l’autre doivent contribuer financièrement à l’entretien de l’enfant. La logique demande que chacun·e contribue en fonction de sa capacité contributive. Celle-ci correspond au montant du revenu qui dépasse ses propres besoins. La relation entre les capacités contributives des père et mère peut être exprimée en pourcentage. A partir du moment où la garde partagée n’est pas égale, il faut prendre en considération non seulement la capacité contributive relative des père et mère, mais également la part de la prise en charge relative (consid. 4.2).
Idem – droit de visite élargi. In casu, la question litigieuse est de savoir si, sur le principe, il est arbitraire, de répartir les contributions d’entretien en fonction d’un taux de prise en charge en nature des enfants, lorsque le père ou la mère non gardien·ne prend en charge les enfants un jour par semaine. La question n’a jamais été tranchée par le Tribunal fédéral. Une partie de la doctrine préconise une répartition de l’entretien en argent lorsque le père ou la mère non gardien·ne prend en charge l’enfant un jour ou deux demi-journées par semaine en plus d’un droit de visite usuel (un week-end sur deux et trois à quatre semaines de vacances par an). En l’espèce, la solution de la cour cantonale de partager l’entretien en argent des enfants en fonction du taux de prise en charge des père et mère n’est dès lors pas arbitraire, compte tenu des circonstances concrètes du cas d’espèce (consid. 4.3).
Idem – détermination de la prise en charge en nature d’enfant scolarisé·e·s – rappels. La prise en charge en nature d’enfants scolarisé·e·s peut être déterminée en divisant la journée en trois périodes (matin / début à la fin de l’école / soir) et en calculant sur 14 jours pour combien d’unités les père et mère sont responsables sur un total de 42 unités (3 périodes x 14 jours). Application et clef de répartition de l’entretien financier in casu (consid. 4.4).
Idem – part aux frais de logement. La jurisprudence prévoit que la prise en compte d’une part aux frais de logement des enfants chez chacun·e des père et mère suppose en principe une prise en charge de l’enfant de manière alternée. In casu, le raisonnement de la cour cantonale qui s’écarte de cette jurisprudence n’est pas taxé d’arbitraire en raison des circonstances (très) concrètes de l’espèce (consid. 5.2).
Mesures protectrices; pocédure; art. 179 al. 1 CC; 276 al. 1, 328 al. 1 let. a CPC; 90 et 98 LTF
Révision (art. 328 al. 1 let. a CPC) versus modification (art. 179 al. 1 CC) des MPUC – rappels. La décision portant sur la révision de MPUC est une décision finale (art. 90 LTF) de nature provisionnelle (art. 98 LTF) (consid. 1 et 2.1). Les MPUC jouissent d’une autorité de la chose jugée relative et peuvent ainsi être modifiées (pour l’avenir) ou révoquées conformément à l’art. 179 al. 1 CC (applicable aux mesures provisionnelles de divorce par renvoi de l’art. 276 al. 1 CPC). Partant, la voie de la révision (art. 328 al. 1 let. a CPC) est ouverte uniquement lorsqu’il s’agit d’invoquer des pseudo nova qui ne pouvaient être présentés avant le début des délibérations d’appel. Quant aux vrais nova, ils doivent être invoqués dans le cadre d’une action en modification au sens de l’art. 179 CC (consid. 3.1).
TF 5A_768/2019 (f) du 21 mars 2022 - Mesures protectrices, domicile conjugal, garde des enfants. Garde alternée – rappel des principes. Attribution de la jouissance du domicile conjugal (art. 176 al. 1 ch. 2 CC) – rappel des principes et critères.
Divorce; autorité parentale; entretien; revenu hypothétique; procédure; mesures provisionnelles; art. 125, 163, 179 al. 1, 276 al. 1 et 2, 285 al. 1 et 2 et 301a al. 2 CC
Absence d’effet horizontal direct des droits constitutionnels – rappels. Les dispositions de rang constitutionnel ayant un contenu matériel ne sont pas invocables dans un litige opposant des personnes privées, car la Constitution déploie son effet protecteur en principe uniquement dans les rapports entre l’Etat et les citoyen·ne·s (consid. 1.4.2.2).
Réglementation de la vie séparée et modification (art. 179 al. 1 CC) – rappels. Rappel du large pouvoir d’appréciation du tribunal du siège en matière de règlementation de la vie séparée des conjoint·e·s, en particulier quant à la prise en charge des enfants et l’entretien (consid. 1.5). Rappel des principes et conditions pour la modification de la réglementation de la vie séparée (art. 179 al. 1 CC) (consid. 3.1.1).
Changement de lieu de résidence de l’enfant (art. 301a al. 2 CC) – rappels. Rappel des principes relatifs au changement de lieu de résidence de l’enfant (art. 301a al. 2 CC). Lorsqu’il s’agit d’examiner si le déplacement peut être autorisé, l’autorité applique pour l’essentiel les mêmes critères que pour l’attribution de la garde. Rappel de ces critères (consid. 3.2.1).
Formalisme excessif et chiffrage des conclusions – rappels. Rappel du principe de l’interdiction du formalisme excessif, en particulier en lien avec le chiffrage des conclusions (in casu quant à l’entretien entre conjoint·e·s) (consid. 5.2.3.1 et 5.2.3.2). Les personnes ayant de l’expérience en matière de procédures judiciaires ne peuvent pas bénéficier de la même bienveillance dont font preuve dans la mesure du possible les autorités judiciaires vis-à-vis des personnes non-juristes sans expérience procédurale. A cet égard, l’autorité judiciaire est soumise à des limites strictes lorsque le principe de disposition s’applique. Elle ne peut notamment pas attirer l’attention d’une partie sur les éléments pour lesquels des prétentions pourraient encore être invoquées (consid. 5.2.4).
Entretien de l’enfant et revenu hypothétique (art. 276 al. 1 et 2, art. 285 al. 1 et 2 CC) – rappels. Rappel du principe de l’équivalence entre entretien en nature et entretien financier (consid. 6.1). Toutefois, le tribunal peut et doit s’écarter de ce principe lorsque la capacité contributive du parent qui prend en charge l’enfant de façon prépondérante est sensiblement plus élevée que celle du parent non gardien (consid. 6.3.1). Rappel des principes relatifs au revenu hypothétique et aux exigences accrues en matière d’entretien de l’enfant (consid. 6.3.2.2.2).
Application anticipée de l’art. 125 CC – rappels. Lorsqu’on ne peut raisonnablement plus compter sur la reprise de la vie commune, le tribunal des MPUC doit faire application, dans le cadre de l’art. 163 CC, des critères de l’art. 125 CC et examiner, sur la base des nouvelles situations personnelles, si et dans quelle mesure on peut exiger de la partie qui s’occupait auparavant du ménage commun qu’elle reprenne ou étende une activité lucrative. En vertu de l’art. 125 al. 1 CC, le principe de l’indépendance financière prime et il existe ainsi une incombance de s’insérer ou se réinsérer sur le marché du travail, ou d’augmenter une activité existante (consid. 6.3.4.2).
Divorce; droit de visite; entretien; art. 133 CC
Entretien des enfants – frais d’exercice du droit de visite (rappels). Les frais d’exercice du droit de visite pour le père ou la mère non gardien·ne ne font pas partie du minimum vital LP, mais sont pris en compte, cas échéant, dans le minimum vital élargi du droit de la famille (consid. 3.1).
Idem – participation aux frais de logement du père ou de la mère gardien·ne (rappels). En l’espèce, sans remettre en cause le principe de la prise en compte d’une participation aux frais de logement du père ou de la mère gardien·ne dans les frais d’entretien des enfants, le recourant prétend que c’est un pourcentage de 10 % pour chacun d’eux qui aurait dû être retenu et non une participation de 15 %. Cette affirmation, que le recourant appuie exclusivement sur le fait que les enfants seraient au nombre de deux, ne permet manifestement pas de retenir que le tribunal cantonal aurait outrepassé le pouvoir d’appréciation dont il dispose à cet égard. Cette appréciation reste d’ailleurs parfaitement dans les limites généralement admises par la jurisprudence (casuistique) (consid. 4.2).
Divorce; entretien; revenu hypothétique; partage prévoyance; art. 124 al. 1, 124a al. 1, 125 CC
Entretien post-divorce (art. 125 CC) et revenu hypothétique – rappels (consid. 3.3.2).
Partage de la prévoyance professionnelle en cas de perception d’une rente invalidité (art. 124 al. 1 et 124a al. 1 CC). Il découle directement de l’art. 124 al. 1 CC qu’un partage de la prévoyance professionnelle n’est pas seulement possible après la survenance d’un cas de prévoyance, mais que la prévoyance vieillesse continue d’être constituée durant la période où l’un·e des conjoint·e·s perçoit une rente invalidité. De même, l’art. 124a al. 1 CC s’applique lorsque la partie invalide, au moment de l’introduction de la procédure de divorce, a déjà atteint l’âge réglementaire de la retraite et perçoit une rente invalidité ou vieillesse. L’autorité judiciaire statue sur le partage de la rente en faisant usage de son pouvoir d’appréciation, la durée du mariage étant alors prise en compte. Il n’y a pas de lacune de la loi. Pour estimer la part de rente vieillesse acquise durant le mariage, l’autorité judiciaire peut se référer au tableau de l’Annexe 1 du Message relatif à la révision du CC (partage de la prévoyance professionnelle en cas de divorce) du 29 mars 2013 (FF 2013 4341) (consid. 5.3.2).
Divorce; entretien; revenu hypothétique; procédure; mesures provisionnelles; art. 125, 163, 276 CC; 58 al. 1, 271 let. a, 272, 276 al. 1, 277 al. 1, 282 al. 2 et 296 al. 1 et 3 CPC
Réexamen de l’entretien de l’enfant en cas de contestation de l’entretien entre conjoint·e·s (art. 282 al. 2 CPC). L’art. 282 al. 2 CPC est une exception à la force jugée partielle au sens de l’art. 315 al. 1 CPC, dans la mesure où même lorsque seules les contributions d’entretien entre conjoint·e·s font l’objet du recours, les contributions d’entretien allouées aux enfants peuvent être réexaminées d’office. Tel n’était pas le cas en l’espèce (consid. 2.2).
Entretien entre (ex-)conjoint·e·s et entretien de l’enfant – méthode, maximes applicables et interdépendance (art. 125, 163, 276 CC ; art. 58 al. 1, 271 let. a, 272, 276 al. 1, 277 al. 1 et 296 al. 1 et 3 CPC). La méthode en deux étapes avec répartition de l’excédent est désormais la seule admise pour déterminer l’entretien de l’enfant et l’entretien matrimonial. Avec cette méthode, il existe une forte interdépendance entre l’entretien de l’enfant et l’entretien entre conjoint·e·s. Certes, chaque catégorie d’entretien repose sur des normes de droit matériel différentes (art. 125 CC ; art. 163 CC ; art. 276 CC) et est soumise à des maximes procédurales différentes, à savoir : principe de disposition et maxime des débats pour l’entretien post-divorce (art. 58 al. 1 et 277 al. 1 CPC) ; principe de disposition et maxime inquisitoire sociale pour l’entretien entre conjoint·e·s (art. 58 al. 1 et 271 let. a cum art. 272 et art. 276 al. 1 CPC) ; maxime d’office et maxime inquisitoire illimitée pour l’entretien de l’enfant (art. 296 al. 1 et 3 CPC). Cependant, en raison de l’interdépendance précitée, les connaissances acquises en lien avec l’entretien de l’enfant ne peuvent pas être ignorées s’agissant de l’entretien entre conjoint·e·s examiné dans la même décision, resp. elles ne peuvent pas être écartées lors du calcul global à effectuer. Ces considérations concernent la détermination de l’état de fait. Elles s’appliquent aussi par analogie à l’opération juridique, qui y est directement liée, visant à déterminer l’étendue de l’entretien. En effet, pour le cas où le tribunal, en application des maximes d’office et inquisitoire, fixe un entretien de l’enfant plus élevé, il n’est objectivement pas possible pour la partie débitrice d’entretien de formuler une conclusion subsidiaire chiffrée en conséquence s’agissant de l’entretien entre (ex-)conjoint·e·s, puisqu’elle ne peut pas savoir à quel point l’entretien de l’enfant sera augmenté (consid. 2.2).
Revenu hypothétique – rappel des principes et précisions. Le Tribunal fédéral retient dans son examen des possibilités effectives d’exercer une activité lucrative in casu que le marché suisse de l’emploi est bon et offre, en particulier dans le domaine du travail de bureau, des emplois à temps partiel. En outre, il revient à la partie concernée de postuler à des postes appropriés et non au tribunal d’indiquer des postes de travail concrets ou même d’en fournir (consid. 5.4). Il convient déjà d’appliquer à l’entretien basé sur l’art. 163 CC les critères applicables à l’entretien post-divorce, lorsqu’on ne peut sérieusement plus compter sur une reprise de la vie commune. La règle vaut d’autant plus lorsqu’il est question de mesures provisionnelles pour la procédure de divorce, car une reprise de la vie commune apparaît alors encore moins probable. Un délai d’adaptation doit être garanti pour la reprise d’une activité lucrative, délai qui peut et doit être en principe assez long. Au surplus, les circonstances concrètes du cas sont déterminantes. L’exigibilité d’un revenu hypothétique et le délai d’adaptation sont des questions de droit (consid. 5.5). Il n’est pas arbitraire de se fonder sur l’enquête suisse sur la structure des salaires de l’OFS, qui offre une possibilité admissible de déterminer le revenu hypothétique (consid. 5.6).
Egalité de traitement (art. 163 CC). La garantie constitutionnelle d’égalité de traitement s’adresse à l’Etat et n’a pas d’effet horizontal direct entre les parties. Des principes analogues s’appliquent toutefois à la détermination de l’entretien entre conjoint·e·s selon l’art. 163 CC. Leur application peut être critiquée comme étant arbitraire, dans le cadre de l’application du droit civil (consid. 6).
Entretien selon l’art. 163 CC – rappels des principes et précisions not. quant au partage de l’excédent. En l’espèce, l’entretien entre conjoint·e·s (et non post-divorce) est litigieux, l’art. 163 CC en demeurant le fondement matériel même pour les mesures provisionnelles durant le divorce. Le caractère lebensprägend ou non du mariage n’est donc pas pertinent. Cela dit, le Tribunal fédéral a retenu plusieurs fois, même pour l’entretien post-divorce, que le dernier train de vie constitue certes la limite maximale de l’entretien convenable, mais que l’on peut présumer que les moyens financiers rendus disponibles par la fin de l’entretien de l’enfant auraient été utilisés pour le train de vie des conjoint·e·s et que dès lors la partie débitrice d’entretien ne peut pas les réclamer pour elle seule. Le principe d’égalité de traitement joue ainsi un certain rôle même en cas d’entretien post-divorce. Elle est centrale en cas d’application de l’art. 163 CC. Cela n’implique toutefois pas de partager systématiquement par moitié les revenus globalement disponibles. Le train de vie commun des conjoint·e·s constitue déjà la limite maximale de l’entretien en cas de séparation, et pas uniquement au moment du divorce. Ainsi, les quotes-parts d’épargne qui ne sont pas absorbées par les coûts supplémentaires liés à la séparation doivent être laissées à la partie qui les génère, car il ne faut pas anticiper la liquidation du régime matrimonial par le versement d’une contribution d’entretien excessive. De plus, des moyens supérieurs au train de vie antérieur peuvent même survenir, en particulier lorsque le ou la conjoint·e qui s’occupait du foyer débute une activité lucrative ensuite de la séparation, ce qui peut lui permettre de couvrir son entretien. Tant que le mariage subsiste, chaque partie a toutefois droit au maintien du dernier train de vie commun, dans la limite des moyens disponibles. Comme pour l’entretien post-divorce, les moyens rendus disponibles par la fin de l’entretien de l’enfant peuvent d’autant plus être intégrés à l’entretien convenable conjugal, puisque dans ce cas les parties ont toujours utilisé tous les moyens disponibles pour l’entretien de la famille, contrairement aux quotes-parts d’épargne qui seules doivent être exclues du partage. A noter que le principe du partage de l’excédent découle directement de la méthode en deux étapes avec répartition de l’excédent (consid. 6.2).
Divorce; entretien; liquidation du régime matrimonial; procédure; art. 125 et 129 al. 1 CC; 58 al. 1, 106, 107, 219, 227, 230, 277 et 296 al. 1 et 3 CPC
Entretien post-divorce (art. 125 CC). Rappel des trois étapes à suivre en cas de mariage lebensprägend (consid. 3).
Modification de la demande en divorce (art. 219, 227 et 230 CPC). En procédure ordinaire, la modification de la demande est régie par les art. 227 et 230 CPC, qui s’appliquent par analogie à la procédure de divorce (art. 219 CPC) (consid. 4.2).
Entretien post-divorce (art. 125 CC) – ancienne et nouvelle jurisprudences. Rappel de (l’ancienne) jurisprudence, en particulier s’agissant des présomptions en lien avec la durée du mariage ou la présence d’enfants commun·e·s pour qualifier un mariage de lebensprägend, et des conditions de prise en compte d’un concubinage antérieur. Rappel de la nouvelle jurisprudence découlant de l’ATF 147 III 249 et du fait que lorsque, comme en l’espèce, l’arrêt attaqué a été rendu alors que l’autorité cantonale ne pouvait pas avoir connaissance de la nouvelle jurisprudence, de sorte qu’elle s’est fondée sur l’ancienne, l’arrêt n’est pas annulé pour ce seul motif. Il n’est fait droit au recours que si la décision entreprise se révèle contraire au droit fédéral dans le cadre des principes jurisprudentiels précédemment applicables (consid. 5.2).
Entretien post-divorce et entretien de l’enfant – procédure (art. 58 al. 1, 277 et 296 al. 1 et 3 CPC). Rappel des maximes procédurales applicables différentes et des conséquences de l’application de la maxime inquisitoire illimitée (consid. 6.3.1 et 6.3.3).
Preuve médicale de l’incapacité de travail – rappels. Le dépôt de n’importe quel certificat médical ne suffit pas à rendre vraisemblable l’incapacité de travail alléguée. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine ni sa désignation, mais son contenu. Il importe notamment que la description des interférences médicales soit claire et que les conclusions du ou de la médecin soient bien motivées. Une attestation médicale qui relève l’existence d’une incapacité de travail sans autres explications n’a ainsi pas une grande force probante (consid. 9.3).
Entretien post-divorce – régime matrimonial et fortune (art. 125 al. 2 ch. 5 CC). Le résultat de la liquidation du régime matrimonial fait partie des revenus et de la fortune des conjoint·e·s à prendre en compte dans l’examen de la contribution d’entretien post-divorce (art. 125 al. 2 ch. 5 CC). Rappel des principes et critères permettant d’exiger de la partie débirentière qu’elle entame sa fortune (consid. 10.1).
Idem – durée de l’entretien (art. 129 al. 1 CC). En pratique, l’obligation d’entretien post-divorce entre ex-conjoint·e·s est souvent fixée jusqu’au jour où la partie débitrice atteint l’âge de la retraite. Il n’est toutefois pas exclu de prévoir une rente sans limitation de durée, en particulier lorsque l’amélioration de la situation financière de la partie créancière n’est pas envisageable et que les moyens de la partie débitrice le permettent. Le seul fait d’atteindre l’âge de la retraite ne dispense donc pas la partie débitrice de continuer de verser une contribution d’entretien (consid. 11.3). La modification ou la suppression postérieures de la contribution d’entretien demeurent en tous les cas réservées (art. 129 al. 1 CC) (consid. 11.4).
Répartition des frais (art. 106 et 107 CPC). Rappel des principes (consid. 12.2).
Divorce; entretien; procédure; mesures provisionnelles; art. 159 al. 3 et 163 CC; 29 al. 3 Cst.; 97, 117, 272 et 276 CPC; 98 et 104 LTF
Provisio ad litem – pour la procédure de recours fédérale. La requête en versement d’une provisio ad litem pour la procédure fédérale ne constitue pas une mesure provisionnelle au sens de l’art. 104 LTF, mais une prétention de droit matériel qui se fonde sur le devoir d’entretien du droit de la famille. Une telle requête doit être adressée au tribunal du fond compétent dans la procédure cantonale. Le Tribunal fédéral n’est fonctionnellement pas compétent (consid. 1.3).
Idem – indigence. Comme le droit à l’assistance judiciaire vis-à-vis de la collectivité publique (art. 117 CPC), la prétention en versement d’une provisio ad litem à l’encontre de l’autre conjoint·e suppose notamment l’indigence effective de la partie requérante (consid. 2).
Idem – motifs de recours limités (art. 98 LTF). La décision qui statue sur la demande de provisio ad litem formulée dans le cadre de la procédure de divorce porte sur une mesure provisionnelle au sens de l’art. 98 LTF, si bien que seule la violation des droits constitutionnels peut être invoquée à son encontre dans la procédure de recours fédérale (consid. 2).
Idem – rappel de sa nature, des principes et des conditions (art. 159 al. 3 et 163 CC). L’indigence procédurale s’examine sur la base de la situation financière globale de la partie requérante, notamment ses revenus, mais aussi sa fortune. Il faut mettre en balance les moyens financiers effectifs et les obligations financières. La date de dépôt de la requête est en principe déterminante. La prise en compte de la fortune suppose qu’elle existe effectivement et soit disponible à cette date. En principe, on ne peut pas opposer à la partie requérante d’être elle-même responsable de son manque de moyens. L’abus de droit (art. 2 al. 2 CC) demeure réservé. La provisio ad litem découle du devoir d’assistance (art. 159 al. 3 CC) et du devoir d’entretien (art. 163 CC). En tant que prestation provisoire, la provisio ad litem constitue, in casu, une mesure provisionnelle pour la durée de la procédure de divorce en cours (art. 276 CPC) (consid. 3).
La partie qui requiert une provisio ad litem doit se prévaloir des conditions en la matière et supporte le fardeau de la preuve s’agissant des faits fondant le droit à son versement. Dans la procédure de mesures provisionnelles, le degré de la preuve est limité à la vraisemblance. La maxime inquisitoire sociale s’applique (art. 276 al. 1 cum art. 272 CPC). Rappel des effets de celle-ci (consid. 3).
Assistance judiciaire (art. 97 et 117 CPC) – rappel des principes. Aussi dans la procédure concernant l’assistance judiciaire, la partie requérante doit indiquer ses revenus, sa fortune et toutes ses obligations financières de manière complète et les démontrer autant que possible. Une maxime inquisitoire limitée s’applique à cet égard. Rappel des effets de celle-ci et des principes relatifs au devoir de collaborer de la partie requérante. En particulier, en vertu de l’art. 97 CPC, le tribunal n’est pas tenu, en présence d’une partie représentée par un·e avocat·e, d’accorder un délai supplémentaire pour améliorer une requête incomplète ou peu claire. Cas échéant, la partie représentée peut voir sa requête rejetée pour allégation insuffisante ou manque de preuves de l’indigence (consid. 3).
In casu. En l’espèce, on peut notamment relever que le grief du recourant tiré de l’art. 29 al. 3 Cst. est inopérant s’agissant de la question de la provisio ad litem, compte tenu de la nature de droit civil matériel de celle-ci. Dans la mesure où le recourant échoue à contester avec succès le refus de lui octroyer une provisio ad litem, en raison d’une motivation insuffisante, il n’est pas nécessaire d’examiner son grief de violation de l’art. 29 al. 3 Cst. en tant qu’il est dirigé contre le refus de l’assistance judiciaire, invoquée à juste titre subsidiairement. Le contraire reviendrait à déjouer le principe selon lequel la provisio ad litem prime sur l’assistance judiciaire (consid. 4.3.3).
TF 5A_1016/2021 (f) du 05 avril 2022 - Divorce, garde des enfants, droit de visite, procédure, mesures provisionnelles. Modification des MPUC/mesures provisionnelles (art. 179 al. 1 CC cum art. 276 CPC), en part. s’agissant de la garde et du droit de visite – rappel des principes, not. quant à la prise en charge par une tierce personne.
TF 5A_786/2021 (d) du 18 mars 2022 – Divorce, entretien, procédure, mesures provisionnelles. L’obligation de verser une provisio ad litem se fonde sur le droit matrimonial matériel et ne constitue pas une mesure provisionnelle au sens de l’art. 104 LTF, du moins dans la procédure fédérale. La demande en ce sens doit être formulée auprès du tribunal du fond compétent dans la procédure cantonale.
TF 5A_523/2021 (f) du 29 mars 2022 - Modification de jugement de divorce, entretien. Modification de l’entretien de l’enfant (art. 286 al. 2 cum art. 134 al. 2 CC) – rappel des principes et conditions. Les allocations familiales sont déduites des besoins de l’enfant et non pas ajoutées au revenu de la partie qui les reçoit.
Couple non marié; autorité parentale; protection de l’enfant; procédure, mesures provisionnelles; art. 49 al. 1 et 122 al. 1 et 2 Cst.; 310 al. 1, 315, 315a, 440 et 445 al. 1 et 2 CC
Protection de l’adulte et de l’enfant – rappels de droit constitutionnel (art. 49 al. 1, 122 al. 1 et 2 Cst.). Rappel de la primauté du droit fédéral et du fait que la force dérogatoire du droit fédéral au sens de l’art. 49 al. 1 Cst. peut être invoquée en tant que droit individuel constitutionnel (consid. 3.4.1). Même si les dispositions concernant la protection de l’enfant et de l’adulte relèvent en principe du droit public, elles sont néanmoins édictées sur la base de la compétence de la Confédération en matière de droit civil (art. 122 al. 1 Cst.) et sont incorporées dans la législation civile comme « droit public complémentaire », resp. « droit civil fédéral formel ». En vertu de l’art. 122 al. 2 Cst., l’organisation judiciaire et l’administration de la justice en matière de droit civil sont du ressort des cantons, sauf disposition contraire de la loi. Le droit fédéral doit être interprété restrictivement dans ce contexte (consid. 3.4.2).
Objet de l’arrêt – art. 310 al. 1, 440 al. 2 et 445 al. 1 CC. L’arrêt porte sur la question de savoir si, au regard du droit fédéral, des mesures provisionnelles retirant le droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant et prononçant le placement de celui-ci ou celle-ci sur la base des art. 310 al. 1 CC et 445 al. 1 CC (applicable par analogie par renvoi de l’art. 314 al. 1 CC) peuvent être rendues par un·e membre unique de l’autorité de protection de l’enfant (art. 440 CC), in casu du canton du Jura (consid. 3.5 ; voir ég. consid. 3.4.3 à 3.4.5).
Interprétation des art. 440 al. 2 et 445 al. 1 CC – rappel des principes. Rappel des méthodes d’interprétation de la loi et du pluralisme pragmatique (consid. 3.6).
Idem – interprétation littérale. L’art. 440 al. 2 cum al. 3 CC pris au sens littéral laisse la liberté aux cantons de définir quelles peuvent être les affaires échappant à l’obligation de composition collégiale de l’autorité de protection de l’enfant (minimum trois membres) (consid. 3.6.1).
Idem – interprétation historique. Examen approfondi des travaux préparatoires (consid. 3.6.2.1 à 3.6.2.7). Il ressort de l’interprétation historique qu’une certaine liberté a été laissée aux cantons pour définir des exceptions à une composition collégiale de l’autorité. Néanmoins, le Message n’a pas renoncé à définir leurs contours et l’absence de liste exhaustive d’exceptions n’emporte pas la volonté de donner un blanc-seing aux cantons. Interdiction leur est faite de contourner, par l’art. 440 al. 2 CC, le principe de collégialité, intrinsèquement lié à celui d’interdisciplinarité, dans les affaires où il devrait prévaloir au regard notamment de l’importance du cas concerné. S’agissant en particulier du prononcé de mesures provisionnelles, il apparaît que même si, aux prémices de la révision, la compétence d’un membre unique de l’autorité de protection semblait acquise, certaines limitations ont par la suite été apportées, en excluant notamment une compétence individuelle pour des mesures impliquant un pouvoir d’appréciation important et pour des décisions limitant l’exercice des droits civils de la personne concernée ou d’une autre manière, portant gravement atteinte à sa liberté personnelle. Pour de telles décisions, la compétence d’un·e membre unique de l’autorité peut ainsi tout au plus être admise s’agissant de mesures superprovisionnelles au sens de l’art. 445 al. 2 CC (consid. 3.6.2.8).
Idem – avis de la doctrine et de la COPMA. De manière générale, la doctrine se réfère abondamment au Message sur ces questions (consid. 3.6.3 et 3.6.3.1). Examen des recommandations de la « Conférence des cantons en matière de protection des mineurs et des adultes » (COPMA) (consid. 3.6.3.2).
Idem – interprétation téléologique. Dans l’interprétation de nouvelles dispositions, les travaux préparatoires prennent une place particulière lorsque les circonstances ne se sont pas modifiées et que les conceptions juridiques n’ont pas évolué. Dans ce cas, l’interprétation historique se confond avec l’interprétation téléologique. Vu le caractère récent de la révision du droit de la protection de l’adulte et de l’enfant et dès lors que l’art. 440 al. 2 CC est une concrétisation du principe de l’interdisciplinarité, dont la réalisation a été l’un des buts principaux de la révision, les interprétations historique et téléologique se recoupent en l’espèce dans une large mesure. On peut en outre se référer aux recommandations de la COPMA, qui préconisent une grande retenue s’agissant de l’attribution d’une compétence individuelle, compte tenu des exigences découlant du principe de l’interdisciplinarité (consid. 3.6.4.1).
Au 1er janvier 2022, treize cantons avaient prévu une compétence individuelle pour ordonner des mesures provisionnelles au sens de l’art. 445 al. 1 CC (not. BE ; FR ; GE ; JU ; NE ; VD), onze cantons avaient prévu une compétence collégiale à trois membres (not. VS) et deux cantons présentaient des solutions hybrides (consid. 3.6.4.2). Tour d’horizon des motifs retenus par les cantons pour justifier leur choix (consid. 3.6.4.3).
Les motifs invoqués pour justifier une compétence individuelle ne sont pas dénués de pertinence, mais ne peuvent occulter le fait que, même prononcée à titre provisionnel, une mesure prise dans le domaine central de la protection de l’enfant a généralement de lourdes répercussions pour les personnes concernées. Par ailleurs, une mesure provisionnelle peut subsister sur une longue durée avant qu’une décision sur le fond, et partant, un examen interdisciplinaire n’interviennent. De plus, une décision provisionnelle crée souvent un précédent et peut de ce fait avoir une influence considérable sur les décisions rendues ultérieurement. En outre, en cas d’urgence impérieuse, des mesures superprovisionnelles peuvent être rendues par un membre unique de l’autorité (art. 445 al. 2 CC), étant relevé que, selon la jurisprudence, lorsqu’une décision de mesures superprovisionnelles causant une atteinte grave aux droits de la personnalité est rendue en matière de protection de l’adulte, une décision de mesures provisionnelles doit être rendue sans délai (consid. 3.6.4.4).
Idem – interprétation systématique. Passage en revue des règles de procédure relatives à l’autorité de protection de l’enfant. En présence d’enfants de père et mère marié·e·s, le droit de la protection de l’enfant prévoit une répartition de compétences entre d’une part, le tribunal chargé du divorce ou des MPUC et d’autre part, l’autorité de protection de l’enfant (art. 315a CC). Celle-ci est ainsi en principe compétente (art. 315 CC), pour autant qu’un tribunal ne soit pas déjà saisi des questions correspondantes, notamment dans le cadre des MPUC ou du divorce (art. 133, 176 al. 3, 298 et 315a s. CC). La compétence matérielle du tribunal matrimonial se justifie alors du point de vue de l’unification matérielle et de l’économie de procédure. Les cantons peuvent prévoir la compétence d’un·e juge unique pour rendre des décisions de MPUC ou des mesures provisionnelles de divorce, et, partant, en matière de protection de l’enfant (art. 122 al. 2 Cst. ; art. 3 et 4 CPC). L’exigence d’interdisciplinarité n’est pas prévue, sous réserve d’une expertise ou d’enquêtes sociales qui ne relèvent toutefois pas du principe de collégialité (consid. 3.6.5.1). La répartition des compétences opérée par la loi ne permet toutefois pas d’éviter une différence de traitement entre enfants de père et mère marié·e·s et enfants de père et mère non marié·e·s. La relation avec l’art. 315a al. 1 et 2 CC n’est dès lors pas déterminante (consid. 3.6.5.2).
Résultat de l’interprétation – exigence d’une autorité collégiale. Ni l’interprétation littérale ni l’interprétation systématique ne permettent de trancher la question litigieuse. En revanche, les interprétations historique et téléologique appellent la compétence d’une autorité collégiale pour rendre de telles mesures. Dès lors, il y a lieu d’accorder une importance prépondérante à ces interprétations, dont le résultat est largement repris par la doctrine dominante. Le retrait du droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant et son placement relèvent du domaine central du droit de la protection de l’enfant et la mesure, même provisionnelle, porte en général une atteinte grave à des droits fondamentaux de l’enfant, singulièrement au respect de sa vie familiale, avec effet aussi pour les père et mère voire des personnes tierces, de sorte qu’il convient de conférer une importance particulière aux principes d’interdisciplinarité et de collégialité, afin de sauvegarder au mieux les intérêts de toutes les personnes concernées. L’exigence d’une compétence décisionnelle collégiale n’apparaît pas impraticable, de nombreux cantons l’ayant déjà prévue. En cas d’urgence impérieuse, le prononcé de mesures superprovisionnelles reste possible, l’intervention d’un collège décisionnel n’étant pas nécessaire (art. 445 al. 2 CC) (consid. 3.7).
Hormis ce dernier cas, le retrait du droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant et son placement ne sauraient dès lors relever de la compétence d’un·e membre unique de l’autorité de protection. La législation jurassienne ici en cause est donc contraire au droit fédéral (consid. 3.8).
Effet sur les décisions entrées en force. La violation constatée du droit fédéral est toutefois sans effet sur les décisions déjà entrées en force de chose jugée, car on ne saurait considérer qu’elles souffrent d’un défaut si grave qu’elles apparaissent comme nulles (consid. 3.9).
Avocat spécialiste FSA droit du bail, LL.M., Dr en droit, Professeur à l'Université de Neuchâtel
Couple non marié; entretien; avis débiteur; procédure; art. 291 CC; 72 al. 2 let. b LTF
Avis aux débiteurs (art. 291 CC) – qualification selon la LTF (art. 72 al. 2 let. b LTF). La décision portant sur l’« avis aux débiteurs » (art. 291 CC) n’est pas une affaire civile au sens strict, mais une mesure d’exécution forcée privilégiée sui generis connexe au droit civil (art. 72 al. 2 let. b LTF) (consid. 1).
Entretien de l’enfant – rappels procéduraux. S’agissant de l’entretien de l’enfant, aucune limitation quant aux nova n’est applicable dans la procédure de recours cantonale. Même lorsque la maxime d’office et la maxime inquisitoire illimitée s’appliquent, les parties sont tenues de collaborer, en particulier dans la procédure devant l’instance cantonale supérieure en raison du devoir de motiver des art. 310 et 311 al. 1 CPC (consid. 4).
Avis aux débiteurs et directives minimum vital LP – rappels. L’« avis aux débiteurs » n’est pas une saisie, mais les directives relatives au calcul du minimum vital du droit des poursuites sont aussi appliquées (consid. 4).
TF 5A_494/2021 (f) du 17 mars 2022 - Couple non marié, protection de l’enfant, procédure. Appréciation d’une expertise judiciaire par le tribunal – rappel des principes.
TF 5A_644/2021 (d) du 18 mars 2022 – Couple non marié, autorité parentale, protection de l’enfant, procédure. Récusation durant la procédure devant l’APEA.
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